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Jérémie dans les îles, une exclu Aaapoum
 

Il est beau, il est frais, il est exhumé des pages du magazine Pif, c'est Jérémie, le petit héros balloté par les flots de Paul Gillon !

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Jérémie dans les îles est une aventure de 160 planches parue dans Pif-gadget de 1968 à 1973. Un jeune mousse du nom de Jérémie, échoué sur une île giboyeuse suite au naufrage de son navire, y vit moultes aventures non désirées et échappe à mille dangers grâce à son agilité, sa vivacité et sa fougue. Tour à tour naïf et candide, livré à la beauté de la nature, et ravageur face à l'avilissement que représentent les hommes, Jérémie survivra à des pirates, des autochtones indélicats, des négriers et à bien d'autres périls qu'il faut garder secret. Bande dessinée d'aventure par excellence, cette saga touchera indifféremment enfants éclairés et adultes passionnés.

Les éditeurs (d'abord Dargaud puis les Humano) scindèrent la série en 4 albums et y ajoutèrent un élément impossible à faire figurer dans le Pif de l'époque: de la couleur. Jamais Jérémie ne se vit ensuite les honneurs d'une intégrale ni d'une édition expurgée d'une colorisation qui, quoi que fort appréciée de certains, affaiblissait la puissance du trait de Gillon. Il était grand temps d'y remédier ! La librairie Aaapoum Bapoum (soit nous-même), sous le label des éditions Aaapoum, s'attela ainsi à la tache.

Exit la couleur qui fait place à un élégant bleu et blanc, moins froid, plus apte à convoyer de la nostalgie et à aider le lecteur à se focaliser sur la force du trait et sur le travail des espaces. Exit aussi un quelconque dessin de couverture. Jérémie se veut paré d'un écrin et ne se révèle qu'au curieux prêt à y plonger le nez.

Les coins vigoureusement biseautés (innovation dans le monde de l'édition de bande dessinée) et la couverture texturée achèvent d'englober l'album dans une aura de collection de luxe. Pourtant, l'album se veut tout de même accessible au plus grand nombre et profitera pour ce faire d'un prix de 29€ tout à fait convenable, spécifiquement lorsqu'on se rappelle qu'il regroupe 4T.

Poursuivant la même idée, une couverture épaisse et protectrice mais souple adjointe à un papier fin et léger permettront une maniabilité bienvenue et éviteront d'en faire un livre-objet guindé. L'emphase se révèle véritablement mise sur la nostalgie et l'hommage au magazine Pif.

L'ouvrage est agrémenté d'un dossier de 16 pages révélant certaines volontés de l'auteur, retraçant sont parcours et explicitant ses intentions et son pointilleux travail graphique. De l'aveu de l'un des co-éditeurs:

En fait ce qui est intéressant avec Jeremie, c'est que Gillon cherche vraiment a se renouveler. Du coup, la forme est hyper pensée. Et comme c'est un dessinateur, c'est autour du dessin qu'il conçoit la forme de sa bande dessinée. C'est pas courant, c'est ça qu'on voulait montrer.

Nous voici donc en présence d'une édition complète de cette histoire, imprimée en seulement 500 exemplaires et uniquement disponible sur notre site web ou dans l'une de nos deux boutiques. Ne tardez pas trop à vous en saisir.

 
Dédicace Ryuko (Eldo Yoshimizu)
 

Mardi 31 janvier 2017, de 17h30 à 19h30 environ, nous recevrons le mangaka et artiste pluridisciplinaire Eldo Yoshimizu pour une petite séance de dédicace comme on les aime. On garde nos bonnes habitudes: un achat de Ryuko = un ticket numéroté = un dessin.

Ryuko, d'ailleurs... En avez vous entendu parler ? Vous a-t on transmis quelques étincelles de cette fureur graphique ? Vous en a-t on révélé un peu plus sur cette tourbillonnante histoire d'honneur, de guerre et de vengeance ? Vous a-t on conté ce foisonnant chaos, cette entrainante passion, ce bouillonnement visuel et narratif qu'est Ryuko ?

En attendant la dédicace, jetez un œil sur le site de l'auteur. Vous y trouverez notamment des illustrations couleurs de Ryuko à couper le souffle. Dans la même veine, le Lézard Noir a isolé quelques esquisses et planches de toute beauté. Initialement postées sur instagram, il faut impérativement les consulter. Enfin, passez voir notre event facebook. C'est là bas qu'on concentre toutes nos découvertes sur l'auteur et la série. Interviews, funfacts, tout ce que vous pourriez désirer.

F.A.Q.

-Que faire si je loupe mon numéro ?
On fait passer les tickets dans l'ordre mais si vous loupez l'annonce, on ne vous relègue pas à la fin, on vous intercale. Nous espérons ainsi faire disparaitre la sempiternelle file d'attente au profit d'un groupe fluctuant plus agréable entourant l'auteur.

-Que faire si j'ai déjà Ryuko ?
Racheter Ryuko ! On en a jamais assez, et puis ça s'offre bien. Plus sérieusement, il vous faudra acheter un autre album des éditions Lézard Noir au sein de la boutique et ça devrait aller. Précisez tout de même que votre achat est en lien avec la dédicace.

-Vous pouvez me réserver un ticket ?
Pas trop. Pas vraiment. Envoyez nous un mail (aaapoum@gmail.com) et on verra ce qu'on peut faire.

-On peut faire dédicacer autre chose ? Plusieurs albums ?
Autre chose oui, tant que vous avez votre petit ticket et que ça n'est pas un livre d'or de 2m²... Plusieurs volumes, ça dépendra de l'affluence mais généralement, les auteurs n'apposent que leur signature ou tampon sur les albums surnuméraires. Attendez-vous plutôt à ça.

 
Pelvis France
 

Les aléatoires mais constants arrivages de BD diverses sont pour les Aaapoumiens un délicat mélange de peine et de réjouissance. On pourrait y voir une subtile allégorie de la vie, une métaphore douce amère digne d'un long texte enflammé qui commencerait avec les lignes qui suivent. Ou on peut bifurquer et se concentrer sur les petits plaisirs. Ceux de la chair et du bon mot, notamment.

Elvifrance... Ha! Elvifrance! La joie de nous journées sans espoir. Le soleil de nos froides après-midi désertées par les clients.

Qui ne connait pas cette maison d'édition française, entièrement vouée à la gaudriole et au stupre italien en petit format de poche ? Dans les années 80, il est notoire qu'elle publiait jusqu'à 30 albums par mois. Invariablement érotiques et kitsch, les histoires zigzaguaient tout de même de thèmes en genres, proposant un panel très vaste d'ambiance.

Il y a toujours d'incroyables choses à se mettre sous la dent avec les productions Elvifrance. Les couvertures dans un premier temps, les histoires délicieusement abracadabrantesques dans un second. À ces sujets, nous ne sommes pas trop mal lotis. Les couvertures, par exemple, se baladent régulièrement sur la toile pour notre plus grande délectation. Du moins, elles restent ne serait-ce que vaguement à notre disposition grâce à quelques sites motivés.

Pourtant, ce qui fait la véritable beauté d'Elvifrance nous reste la plupart du temps caché. Ce qui nous impacte le plus, ce qui nous fait rire, nous marque, nous change, ce sont leurs slogans; ne le niez pas. Tous ces jeux de mots, cette gouaille et ces discours fendards à la limite de l'incohérence, personne n'en avait jusque la vraiment fait le catalogue. Personne ne les avait transmis. Personne ne les avait porté aux nues. Personne ne les avait partagé, raconté, chouchouté. Pourtant ils le méritent. Ils sont beau comme des camions, fin comme du beurre, elvifranchement marrants et peuvent maintenant se retrouver sur notre tumblr dédié !

 
Conférence sur le roi Arthur
 

Geste mythique, gestes modernes.

Les références au roi Arthur et à sa clique foisonnent toujours autant dans nos médias favoris. Séries télévisuelles, bandes dessinées, films, comédies musicales (sic), du plus farfelu au plus fantastique, il reste indéniable que nous aimons l'aimons très fort, lui et sa grosse épée. Son image toutefois à fortement évoluée. D'un bouffon du petit écran au toujours noble et fier souverain de la BD, le gouffre est grand et les itérations intrigantes. William Blanc, historien geeko-medievaliste véritable, nous propose un petit panorama de nos perceptions et de nos réutilisations du personnage dans son livre au titre un peu austère: Le Roi Arthur, un mythe contemporain. Richement illustré, complètement en phase avec les gouts du peuple, bardé des meilleurs références et autres anecdotes truculentes, l'album revient sur des décennies de geste arthurienne, oscillant entre rétro touchant et modernité rock-n-roll. Il revient notamment sur l'évolution du mythe, de notre façon de le traiter, de l'assimiler et de lui donner du sens et du sous-texte.

Arthur, une vieille figure toujours aussi vivace qui sera discutée vendredi 9 décembre 2016 au 14 de la rue Serpente (75006) Paris. William Blanc, en plus de nous gratifier d'une conférence interactive probablement passionnante (cette affirmation n'est définitivement pas un pari risqué) dont il a le secret, signera aussi des exemplaires de Le Roi Arthur, un mythe contemporain que vous pourrez acheter sur place.

Il est aussi fort probable que le staff aaapoumien se grime en péon pour l'occasion. N’hésitez pas à  fourbir vos plus belles armes factices, enfiler vos robes de bure et autre plastrons pour siéger avec nous autour de la table pas du tout rond du royaume d'Aaapoum. Il se pourrait que vous en soyez récompensé.

Voici ce que nous raconte la quatrième de couverture, à grand coup de name dropping:

Mark Twain, le rappeur Jay Z, Marion Zimmer Bradley, George Romero, Robert Taylor, Alexandre Astier, John Fitzgerald Kennedy, Jack Kirby, Lawrence d’Arabie, John Boorman, les Kinks, les Who, Jackie Kennedy, Steven Spielberg, John Steinbeck, Terry Gilliam, Winston Churchill, Éric Rohmer ou encore Alan Stivell, tous ont en commun d’avoir été influencés par la légende du roi Arthur.

Inventée au Moyen Âge, celle-ci a longtemps été l’apanage des nobles et des souverains qui s’en servaient comme modèle ou comme justification de leurs conquêtes. En grande partie ignorée aux xviie et xviiie siècles, elle fait un retour fracassant sur le devant de la scène en Angleterre au début de la révolution industrielle. Mais c’est surtout grâce à la culture populaire américaine que se diffuse le mythe de la Table ronde : cinéma, romans illustrés, musiques rock et folk, bande dessinée (notamment les super-héros), et plus récemment jeux de rôles et jeux vidéo.

Ces médias donnent un sens nouveau à la geste arthurienne. On a vu ainsi apparaître des Arthur anticolonialistes, des Lancelot en lutte contre le communisme, des Merlin écologistes, des Morgane féministes.

La légende de Camelot, ici décryptée de façon savante et passionnée, semble en passe de devenir l’un des premiers mythes mondialisés, traversant les continents et les cultures pour mieux questionner les peurs et les espoirs des sociétés contemporaines.

 
La BD au kilo, le retour
 

L'été fut une période intense de rachat pour les aaapoumiens. Vraiment intense. Résultat, de gigantesques piles de bd menacent de s'écrouler sur nos pauvres vendeurs, qui refusent tout simplement une telle mort.

Une seule solution pour lutter contre la marée, l'ancestrale technique de la vente au kilo !

Le samedi 15 Octobre, dès 11h, ouverture des hostilités. Une grande table remplie de piles de bd, de comics et de manga sélectionnés au préalable vous attendra rue Serpente. On y dénombre à l'heure actuelle plus de 2000 albums. Pas de Pratt, de Blueberry ou de séries cultissimes mais du bon indépendant, des succès du passé, des albums originellement épais et onéreux, du lourd, du light, des broutilles et des crève-cœurs.

Vous farfouillez, on pèse et c'est parti.- de 11 à 17h: 2€/kg- de 17 à 19h, Happy Hour: 1€/kg- de 19 à 22h : on range, mais on reste ouvert 

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Signature Gon
 

Si certains dinosaures sont nos amis, il en est d'autres qui défoncent un peu tout sur leur passage pas sage.  À ne pas confondre avec le petit trublion aux mèches rebelles, Gon est un animal de type "caïd du quartier" adapté à l’échelle planétaire. Il met allégrement au pas tout écosystème qu'il croise et martyrise avec entrain toute bestiole se croyant au sommet de la pyramide dans d'inimaginables explosions graphiques..

On verra bien si son auteur est à l'avenant car il passe à Aaapoum le mardi 30 aout 2016 de 17h à 21h, rue serpente.

Un système de tickets numérotés sera mis en place pour faciliter la rencontre, éviter les débordements et veiller à la bonne santé de l'auteur.Nous en distribuerons 40 à partir de jeudi 25 août 17h pour l'achat d'un Gon nouvelle édition (Pika). Nous aurons à disposition les 2 premiers volumes paru l'an dernier et le troisième, à paraître jeudi. Il n'y aura qu'un ticket par personne !

Nos sources secrètes et officielles nous confirment que l'auteur ne dessinera pas sur les albums mais signera sur des shikishi qu'il fournira lui même. Il ne pourra faire qu'une signature par personne.Pendant la dédicace, les tickets seront appelés dans l'ordre croissant ce qui vous laissera la possibilité de boire une bière (ou un soft) à la fraîche en retrait de la queue.

Bannière gon copie

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LE SOUFFLE DU VENT DANS LES PINS
 

Malgré ma propension à batailler jusqu'à l'épuisement sentimental pour mes quelques coups d'amour, je me questionne toujours autant sur ma capacité à décrire, raconter, analyser ces titres.

Le Souffle du vent dans les pins par exemple est le dernier titre en date qui a piqué mon petit cœur d'esthète timide. J'ai bien envie de vous en parler mais il faut dire que cet album m'intimide beaucoup. Il est magnifique mais me revient-t'il d'y déceler des affiliations ? Suis-je seulement capable de dérouler le fil exact qui a amené à un tel récit sans pouvoir investiguer plus loin que le bout de mon nez pointant au bout de mon corps coincé au bout de ma petite chaise de libraire parisien ? Si je devais vous décrire la magnificence de ce récit, ne confesserais-je pas mon impuissance si je décidais en toute simplicité de vous en montrer les tenants graphiques ? De vous abreuver d'images plutôt que de mots ? Parce que décortiquer son trait sous ma plume ne lui ferait sûrement pas honneur, voici de quoi vous en mettre plein les mirettes:

Le point fort de cet album réside indéniablement dans cette claque oculaire. On ouvre le Souffle du vent dans les pins comme on ouvre une porte finistérienne , en s'attendant avec délice à ce que la bourrasque nous écarquille les yeux d'un brusque coup dénué d'animosité. Car comme le vent, Zao Dao (à ne pas confondre avec Golo zao) ne nous veut aucun mal. Comme le vent, sans plus qu'un sifflement, Zao Dao veut seulement nous emmener à sa suite. Et comme face au grands vents du nord, on se laisse aisément porter. Voilà le principe même de sa narration, voilà sa façon de paver le chemin de son personnage et d'emmener ses lecteurs à sa suite.

Nous voici alors en quête avec le personnage principal. Un pas après l'autre, une situation après l'autre, un instantané d'importance après l'autre.Le texte narratif minimaliste et sibyllin maintient cet état de voyage nébuleux, qui fait passer le récit d'aventure parfois épique à fable véritable.

Il semblerait que Zao Dao soit une sacré célébrité. Pas une pop star mais à l'instar d'un Kim Jung Gi devenu presque omniprésent ces temps-ci, une artiste dont le nom et le trait réveille bien des choses dans l'âme de spectateurs initialement bien loin d'être des afficionados de l'art graphique plus ou moins séquentiel. Pour preuve, je cite l'extrême facilité que nous avons à trouver ses dessins sur les portails généraux des plateformes tumblr et pinterest, hérauts de communautés geek et hipster autocentrés. Mieux, la rapidité à laquelle apparaissent ces deux sites lors d'une simple recherche internet sur l'auteur.

Un poil Matsumoto ou pô ?

Un poil Matsumoto ou pô ?

Yohan Radomski livre pour un site d'actualité français une interview de l'auteur très intéressante. M. Radomski vivant depuis maintenant de nombreuses années en Chine, il a le privilège de côtoyer des auteurs et de pouvoir les aborder avec un certain naturel. Ça nous donne une entrevue pleine de petites révélations. Voici en vrac ce qu'on y apprend d'important:

  • Zao Dao a 25 ans, c'est impressionnant.

  • Zao Dao est autodidacte. (Damnit)

  • Zao Dao s'inspire principalement de ses lectures d'enfance et des titres traditionnels au style marqué que ses parents lui ont transmis mais elle cite tout de même tous les grands auteurs marquants de sa génération. (Matsumoto, Otomo, Mizuki, Moebius...) En effet, certaines de ses illustrations font un fort écho à Matsumoto tandis qu'on aperçoit quelques monstres moebusiens dans ses carnets mais une rapide recherche google nous fait comprendre qu'elle ne mentionne pas négligemment Dai Dunbang.

  • Zao Dao n'est pas une artiste commercialement mineure. Son album s'est très bien vendu en chine malgré un précédent désaveu du marché face à son style. C'est une grosse surprise pour elle et une grosse réussite pour tous.

  • À l'origine, le livre est muet. C'est Mosquito, son éditeur français qui a insisté pour rajouter des pistes de lectures. On peut regretter le fait que ça perturbe le travail de mise en place visuelle de l'auteur, parfois jusqu'à gêner à la vision d'une très belle planche, mais on peut aussi concéder que ces mentions apportent un contexte parfois salvateur.

  • Zao Dao signifie "riz précoce". Voilà un détail qui vous resservira peut-être un jour en société.

À force d'enchainer les envolées vagues, je me rend compte que je n'ai même pas décris la trame du récit. Un hardcore fan pourrait m'envoyer au visage qu'il me suffit de flâner dans l'histoire et l'auteur elle même vous dirait qu'elle préfère vous impacter avec ses images mais tant pis, il manquerait quelquechose si je ne mentionnais pas ce qui habituellement fait toute la force d'un titre moins maitrisé. Pour 20 euros, pendant 117 pages, Yaya, un jeune garçon va voyager d'aventures en aventures, de rencontres en affrontements, de questions en réconforts. Au final, rien de plus à révéler puisque c'est la manière dont l'auteur nous dit son récit qui impressionne. Cette quête qui semble avoir pour but une affirmation de soi nécessaire permet à l'auteur d'amener son héros absolument là ou elle le désire en évitant la majorité des contraintes de cohérence habituelles.

Zao Dao multiplie les effets de styles en jouant sur de subtiles variations: changement du papier à dessin, changement de la proportion de couleur dans ses fresques, changement du pinceau à la plume, décors foisonnants puis grands blanc... Maintenues dans une bulle stylistique cohérente et complexe, ses planches se réinventent sans cesse. Un environnement modulable couplé à un découpage très illustratif nous balade dans un ensemble de photographies graphiques, saisissant au vol de fugaces moments englobés d’éternité.

Et pourtant il me semble maladroit de passer aussi vite sur les pérégrinations de Yaya. Permettez moi de vous citer son incroyable combat contre Rakshasa et ses sbires, sa rencontre fortuite avec une fée des montagnes, son doux rétablissement aux cotés de la fille de l'apothicaire et la fête célébrée en son honneur par moult villageois. Voyez qu'il s'en passe des choses.

N'hésitez pas à passer brièvement sur le site des éditions Mosquito pour de nouveaux aperçus de la maestria de l'auteur. Si je pouvais vous en montrer plus, je finirai par vous révéler l’entièreté de l'album. je vais donc choisir de m’arrêter là et d’espérer que toute cette apologie vous aura touché, vous poussant à aller chercher l'album dans une boutique quelconque (de préférence Aaapoum Bapoum tout de même) pour profiter du bonheur de le feuilleter physiquement.

À noter que la reliure des éditions mosquito tient admirablement bien puisque j'ai scanné une grosse partie de mon exemplaire à l'occasion de cet article, sans réel dommage. Autre point de précision, si ces scans rendent suffisamment hommage au travail de l'auteur, attendez vous à de grosses marges blanches autour de la majorité de ces illustrations. Un mal bien  inévitable puisque la racine du problème vient du format des illustrations elles-mêmes, tellement disparates qu'elles en sont impossible à compiler uniformément.

 
LES MURAILLES DE SAMARIS
 

Il y a déjà un moment que je voulais vous en parler, chers collectionneurs qui lisez parfois ce blog, mais je n'ai pas trouvé le temps. Comme il y a plus d'un mois que nous n'avons rien publié ici, je sens que c'est l'occasion. Voilà, je suis au regret de vous annoncer, qu'à mon avis la première édition de la toute première histoire des Cités obscures des vénérables François Schuiten et Benoît Peeters est surcotée...

Datant de 1983 Les Murailles de Samaris est effectivement coté 55 € au BDM et BDgest indique carrément une fourchette de prix allant de 50 à 75 €. Or notre petite expérience nous a appris qu'il est très dur de vendre cet album à ces prix. Dans les 30 euros oui, il part, mais pas au dessus. D'ailleurs il est trop fréquent pour être vendu à ces prix. La preuve nous en avons bien une dizaine en stock !

La réédition de 1984 est sensiblement plus rare et elle me paraît plus recherchée et mériter sa cote de 30 €. La raison en est qu'elle contient deux planches de plus, la fin de l'album y étant remontée et augmentée.

Outre une proposition de rectification de cote, je voulais vous annoncer que nous réalisons à partir d'aujourd'hui rue Dante une promo sur cette EO. Nous vendons donc nos exemplaires à 15 €, ce qui est tout à fait intéressant (j'en garde un à 30€ pour le futur !).

La mise en page diffère entre l'édition de 1983 et celle de 1984, qui contient deux planches de plus.

La mise en page diffère entre l'édition de 1983 et celle de 1984, qui contient deux planches de plus.

 
TANGANYIKA D'ATTILIO MICHELUZZI
 

On peut dire que nous avons pas mal de chance sur un point : il y a des éditeurs qui ont des goûts qui s'approchent des nôtres. Ainsi Mosquito s'efforce depuis des années d'éditer les inédits de Micheluzzi et de rééditer ses bandes devenues dures à se procurer.Tanganyika qui vient de paraître est de fait la réédition en noir et blanc de L'Homme de Tanganyika, publié auparavant en couleurs une première fois en France par Mon Journal (en 1984) et une seconde par Christian Chalmin (en 1986).

À l'origine cette histoire fait partie de la série Un Uomo Un'avventura : 30 albums édités en Italie par Bonelli entre 1976 et 1980 qui forme une collection prestigieuse où, outre Micheluzzi, s'illustrèrent, parmi les plus célèbres, Toppi, Crepax, Pratt, Buzzelli...

Cette histoire se passe au début de la première guerre mondiale. L'île de Zanzibar, en marge de l'Océan Indien, n'est guère éloignée de la Côte du Tanganyika. Or l'île est une possession britannique, tandis que cette partie du continent est alors dominé par les Allemands. Un croiseur de guerre allemand est justement coincé non loin de Zanzibar à une centaine de kilomètres au sud, dans le delta du Rufuji. Pour le débusquer dans la mangrove où il se cache par manque de carburant, il faudrait aux Anglais un avion... Or un bateau doit justement arriver du Cap avec dans ses soutes un hydravion en pièce détaché appartenant à un géologue américain !

Dans un style de dessin moins dépouillé que par la suite (ce fumetto est dessiné en 1978) Micheluzzi est déjà en pleine possession de son talent. Il y a là tout ce qu'on apprécie chez lui : élégance et humour, contexte fouillé et sens de l'ellipse, subtilité permanente, minutie du détail et ambiguïté des êtres. Évidemment c'est la grande aventure sur fond de monde colonial et de guerre, mais il y a cet incomparable sens du recul, cette bienveillante ironie qui fait de Micheluzzi un créateur unique et toujours moderne.

Écouter dialoguer ses personnages est toujours un grand plaisir. Dès leur première apparition ils sont tous judicieusement et succintement résumés par une parole ou un acte. Toute la tragédie à venir est déjà là en germe, les lecteurs et le narrateur complice n'ont plus qu'à en savourer les rouages.Loin du manichéisme Micheluzzi réserve un traitement équivalent aux deux camps, ce qui change plaisamment de la dramaturgie hollywoodienne. En somme Micheluzzi c'est ça : de la grande aventure comme à Hollywood dans les années 50 mais avec en plus la subtilité que confère une intelligence et une culture hors du commun.

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J'envie les lecteurs qui n'ont jamais ouvert un Micheluzzi. Ce livre-ci est parfait pour débuter, avec un prix honnête de 13 € et une bonne facture (reliure cousue, impression en Slovaquie).

Un problème de géographie

Comme nous sommes assez tâtillons, nous nous permettrons de déplorer une relecture insuffisante de la part de l'éditeur. Les nombreuses coquilles qui parsèment le livre pourraient presque en gâcher la lecture. Une d'entre elles est particulièrement dommageable car située en première planche. Elle resulte probablement d'un contresens au moment de la traduction :

"— Oui mais, nous n'avons pas d'aéroplane en Afrique Britannique.— Mais on a un géologue irlandais qui arrive demain à Capetown sur un petit vapeur pourri..."

Je n'ai pas l'édition italienne sous la main, ni même les anciennes éditions françaises, mais il me semble au vu du contexte et de la page suivante qu'il faut lire :"— Mais on a un géologue irlandais qui arrive demain de Cape Town sur un petit vapeur pourri...".

Sinon page 19 dans un récitatif, un "30°" a été méchamment transformé en "30%", ce qui ne veut rien dire, mais c'est moins grave. Ces menus défauts éditoriaux, hélas bien répandus de nos jours – aussi bien dans les grandes maisons que les petites, n'enlèvent rien à la qualité intrinsèque de l'œuvre de l'honorable maître italien que je ne saurais trop vous encourager à lire.

Pour finir quelques boni :

▲ Carte qui peut vous manquer pour jouir pleinement des situations tactiques au cœur de l'ouvrage.Extraite de "The Times history of the war, Vol. X" imprimé à Londres en 1917et lisible ici, grâce aux petites mains de l'université de Toronto qui l'ont gentiment scannépour le plus grand plaisir des curieux du monde entier.

Le véritable croiseur allemand "Königsberg" au large des côtes africaines,trouvé sur flickr grâce à Andy qui aligne là-bas une belle collection de photos de guerre

The African Queen (1951) Directed by John HustonShown from lef

The African Queen (1951) Directed by John HustonShown from lef

▲image extraite d'African Queen de John Huston,un film que Micheluzzi a certainement apprécié...Ce n'est pas pour autant que vous trouverez un rôle de femme important dans Tanganyika !

Véritables soldats indigènes de l'Armée Britannique. Photo extraite du même livre que la carte plus haut, mais également trouvable sur flickr (tapez "times history of the war" dans le moteur de recherche de cette mine, vous allez vous régaler, pour peu que vous appréciez les photos en noir et blanc de types morts depuis belle lurette).

Tanganyika d'Attilio Micheluzzi, Mosquito, 2015, 54 p. N&B. 13€ code EAN : 9782352832874

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BLUEBERRY ET LE PARADOXE TEMPOREL
 

Une pinaille de Hugues.

C'est notre vieille connaissance Hugues, grand amateur de westerns et de Jean Giraud qui a remarqué une troublante incohérence dans la fausse nouveauté Blueberry de 2007, l'album nommé Apaches qui n'est qu'un remontage aberrant des éclairs du passé montrés dans le cycle Mister Blueberry. Rappelez-vous, dans ces aventures de Blueberry vieillissant (sur fond de fusillade à O.K. Corral, octobre 1881), celui-ci évoquait sa jeunesse et sa première rencontre avec Géronimo, aux lendemains de la Guerre Civile dite par ici Guerre de Sécession (1861-1865). L'album Apaches remonte donc à la suite toutes les séquences de l'hiver 1865 et rejette toute l'action de 1881.

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À mon sens c'est aberrant parce que l'intérêt du cycle de Mister Blueberry est précisément la mise est perspective de l'expérience d'un vieux soldat. Mais bon, le service séduction du consommateur avait pris soin pour vendre cette fausse nouveauté de préciser que Apaches "comprend de nombreuses pages, images et textes complètement inédits". Hugues, qui est un vrai passionné à comparé chaque planche et a pu mesurer l'ampleur de ces ajouts. Moi je n'ai pas eu ce courage tant le projet "Apaches" me semblait vain. Si je l'avais fait aurais-je pu comme lui relever l'énorme pinaille dont je vais vous parler ?

Dans l'un de ces ajouts, deux assez belles planches qui clôturent l'album on voit un plan d'ensemble où Mike S. Blueberry se recueille devant une tombe, celle de Caroline Younger, morte à la page précédente. Ce plan d'ensemble est surmonté d'un récitatif précisant "Trois mois plus tard". Donc cette scène, se déroule au tout début de l'année 1866. Le plan d'ensemble est suivi par un gros plan en contrechamp, nous permettant de déchiffrer la stèle funéraire :

"Caroline Youngerborn jul. 1860died nov. 1881"

"Caroline Youngerborn jul. 1860

died nov. 1881"

C'est bon, vous avez vu où on voulait en venir ? La bonne Caroline ne peut être née en 1860 puisqu'elle a une vingtaine d'années au moment de l'action (1865 donc) et elle ne peut être morte en 1881, puisqu'elle meurt quand Blueb est jeune. D'ailleurs à la fin de Apaches, celui-ci part pour "Fort Navajo, un coin un peu plus tranquille qu'ici, paraît-il".

Que le vieil artiste s'emmêle un peu les pinceaux est bien pardonnable, revenir sur un truc qu'on avait bouclé est jamais très motivant, comme de remonter l'escalier le matin quand on se rend compte qu'on a oublié sa carte de bus. En revanche c'est assez consternant que personne chez Dargaud n'ait alors pensé à relire les planches, trop occupés qu'ils étaient à se frotter les mains à l'idée de tout l'argent qu'ils allaient engranger en vendant un nouveau Blueberry qui ne l'était pas.

J'ai une occaz d'Apaches à vendre rue Serpente, devinez qui me l'a revendue ? Oui Hugues. C'est une réédition de novembre (1ère édition en octobre, signe que la "nouveauté" a bien fonctionné !).

PS : s'il y en a qui ont une théorie moebusienne sur le cycle, l'anneau et le serpent qui se mord le nœud pour justifier l'anomalie, qu'ils n'hésitent pas à nous en faire part ici.PPS : il y a tellement d'exégèse et de glose sur Mœbius que tout ceci a certainement déjà été signalé sur plusieurs forums, mais moi je le découvre juste alors j'en fais part à nos clients.