Publications dans BD européenne
Le bain du pistolero
 

Un nain vaut mieux que deux Rosita

Quel dommage que le nain de L'Homme des hautes plaines ait été remplacé par Rosita (Wanted tome 2, planche 44).Girod, le dessinateur qui passa sa jeunesse a imiter Giraud pour finir par remplacer Swolfs... Voilà qui donne à penser.

On a un tome 5 de Wanted en rayon à Dante. 20€. Je sais qu'il y a pas mal de gens qui le cherchent.

 
Bloody september de Will Argunas, éditions Casterman
 

American vertigo

Ci-contre Clint Eastwood interprète un médecin légiste.

C'est la seconde fois que Will Argunas utilise l'acteur dans une de ses bédés. La première c'était dans L'Irlandais que nous avions abordé dans le cadre de notre clintophilie.

À l'époque Will s'appelait encore Arnaud Guillois. L'Irlandais était une honnête proposition de polar se déroulant dans un cadre parisien vraisemblable. Depuis l'auteur n'a pas su résister à l'attrait de l'Amérique et il s'est rebaptisé Will Argunas, anagramme approximatif de son patronyme du terroir. Sa première œuvre sur ce nouveau terrain, Missing, faisait partie du haut du panier de la première salve d'albums édités par KSTR, le label autoproclamé wok'n'woll des éditions Casterman.

Comme d'habitude je ne me rappelle pas grand chose de précis, mais cette histoire m'avait paru un exercice de style réussi. Le flic hanté et obsessionnel était bien campé et son enquête inaboutie assez réaliste. Le dessin employé, avec ses aspects incertains de gribouillis crasseux dépeignait avec succès une ambiance malsaine et le découpage était efficace.Découpage toujours réussi et cinématographique pour le second opus de Will...

Et pour cause, Black Jake (KSTR encore) est un décalque même pas honteux du Bad Lieutenant d'Abel Ferrara. On y voit donc Harvey Keitel, un flic ripou, se débattre avec ses problèmes de drogue, ses créanciers et toutes ses autres embrouilles. Will a juste transposé l'intrigue sur la côte Ouest et a rajouté une moustache à son flic. Tant de créativité pouvait dérouter, mais l'ensemble se lisait avec le confort que l'on éprouve à s'installer devant un écran pour voir défiler un terrain déjà connu et balisé, ce qui est malheureusement le principe récurrent de l'industrie hollywoodienne.

De l'exercice de style nous étions passé à l'assimilation.Avec le nouvel opus, Bloody September, Argunas enfonce le clou et s'enlise dans le radotage. Devenu simple machine a brasser les clichés télévisuels et cinématographiques en provenance des Etats-Unis, le bédéaste fournit une livraison ultra-prévisible et saturée d'emprunts. Oui car Will a beaucoup regardé son écran depuis la dernière fois...

Des pornos, mais aussi de bonnes séries. Surtout les Soprano. James Gandolfini lui a tapé dans la rétine.  Ainsi les familiers de HBO retrouveront Tony qui n'arrive pas à dormir, Tony en peignoir devant la porte de son frigo, Tony chez sa psy... Tiens elle a le même bureau qu'à la télé. Sauf que là elle est jouée par Glenn Close avec la coupe qu'elle avait dans The Shield...

Construisant son histoire à l'aide de captures d'écran, Will Argunas gratifie aussi son lecteur de la présence d'Eva Mendes en artiste peintre lesbienne (c'est celaaaa oui...), Terry Kinney (le directeur d'Emerald City dans Oz), et de bien d'autres, sans compter ceux que l'on n'arrive pas à reconnaître...

Comme l'intrigue met en scène un horrible serial killer fasciné par la pornographie et les têtes coupées[1], on peut aussi voir des scènes de tournage de X, présentées exactement comme leur rendu vidéo, sans aucun apport de point de vue.

L'ensemble pourrait être drôle comme une satire façon Mad ou Pierre La Police, mais malheureusement l'auteur ne prend aucune distance avec son procédé créatif et semble même se prendre très au sérieux si l'on en juge par l'édifiante liste d'ouvrages cité en bibliographie et par la conclusion de l'histoire, consternante de bêtise à force de vouloir tirer de son intrigue de grandes considérations politico-historiques.

Je me dis qu'un éditeur ne devrait pas laisser ainsi se gâcher un talent dans les brumes télévisuelles... mais après tout, pourquoi est-ce que nous nous obstinons à exiger davantage de la BD que des autres industries culturelles ?

[1]qui utilise les têtes de la même façon que le méchant de Haute Tension d'Alexandre Aja, un autre frenchie qui aime tellement singer les Ricains qu'il a fini par faire des films pour eux.

 
Belle collection de Pilote en solde.
 
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Nous profitons des soldes pour réaménager le magasin. Or, à l’endroit précis où noussouhaitions étendre le  rayon de bande dessinée à 5 euros, se trouvait unecollection du journal Pilote, souvenir fané d’une France décadente qui ne jouitplus vraiment d’une bonne presse aujourd’hui.

Plutôt que de nous encombrer plus longtemps avec ces vestiges d’un autre âge, nouspréférons les solder et faire plaisir au vieux nostalgique fauché qui sommeilleen vous. Chaque exemplaire est ainsi à 1 euro, au lieu de 3.

Avec AaapoumBapoum, faisons fi du passé et place aux productions modernes, flattons lecourage, le labeur, des jeunes et ardents auteurs d’aujourd’hui et de demain.

 
La colère est vilaine conseillère : Tuniques bleues 34
 

No more heroes anymore

Les lecteurs réguliers de ce blog savent bien que j'ai du mal avec la maltraitance des animaux. Pour les nouveaux lecteurs, je place en hyperliens discrets deux archives, l'une concernant Spirou, l'autre Blake et Mortimer.

Depuis quelques jours je suis plongé dans les Tuniques Bleues, en raison d'une proche actualité : un mauvais album 53 juste derrière nous et devant nous une exposition à Angoulême, sous la responsabilité érudite du nécessaire Christian Marmonnier, et un bel album hommage à sortir fin janvier chez Dupuis.

Au sein de ces près de deux milles planches, relues pour la vingtième fois pour certaines, découvertes pour d'autres, une vignette a choqué ma sensibilité exarcerbée. Deuxième case du second strip de la planche 3A de l'album trente quatre. Vlan ! Ou plutôt "PAF". Blutch frappe son cheval sur la tête. Oui. Paf sur Arabesque.

Consternation et déception.

Déçu par Blutch qui se montre si indigne du pinacle où je le plaçai lors de mes jeunes années, ô mon héros aspirant déserteur et malingre, ô mon champion de l'humour qui désarçonne et désarme les brutes à l'esprit étroit ?

Ou déçu par Willy et Raoul, se montrant indignes de leur création, à force de répétition ? Pauvres artisans auto-esclavagés, ayant signé de piètres contrats dans leur jeunesse et depuis enchaînés à leur table à dessin et à leur divan... Ayant oublié dans le flux des corvées répétées la pureté des pulsions qui les motivaient au premier jour...

Et si...

Est-il possible que ces deux messieurs ne se soient pas rendus compte de ce qu'ils faisaient ? Plus de dix ans après cette case, dans la savoureuse monographie qui lui est consacrée au éditions Toth, Lambil ne confiait-il pas :

"J'ai toujours été très écolo (...) j'ai toujours été préocuppé par le sort des animaux, et surtout par celui de la faune sauvage"

.

Quant à Cauvin, ne fait-il pas ce bel aveu de pacifisme dans cet ouvrage à sortir chez dupuis :

"je ne suis pas anti-militariste, je suis anti-guerre"

Ces deux créateurs prolixes et talentueux, précurseurs de l'auto-fiction dans la BD avec

Pauvre Lampil, une série peu rentable mais si marquante, ces deux piliers de la BD franco-belge de qualité et de tradition sont-ils deux nigauds inconscients ?

Non.

Cela ne saurait être. Cette scène de maltraitance sur un animal innocent a donc été sciemment conçue et dessinée.

Que nous raconte donc ce trente-quatrième album intitulé Vertes années ? Précisément l'enfance et la jeunesse malheureuse de Blutch.

Blutch comment ? Blutch tout court.

Si Cornélius (oui comme l'éditeur) est le prénom de Chesterfield, Blutch n'a pas de prénom ou pas de nom, il est juste Blutch (oui comme le bédéaste président d'Angoulême). Blutch orphelin. Blutch servant de béquille à un pauvre alcoolo sur les chemins déjà désenchantés de l'Amérique. Blutch comme un hobo sans famille. Oui

Sans Famille, comme Rémi de Hector Malot. C'est à pleurer tout ça. Et vous croyez quoi ? qu'on peut avoir une vie de merde comme ça, être né sous la malfortune et tout, essayer de s'en sortir par le travail en montant sa petite entreprise tout seul et se retrouver déporté sur les champs de bataille dégoulinant des tripes de ses semblables, le tout sans en être affecté et en gardant sa belle morale pacifiste sans jamais faillir ? Et bien non. Toute cette merde pèse sur nos épaules. Même les saints ont leurs faiblesses. Il arrive que le sympathique Blutch laisse sortir la brute qui est en lui. Un salopard capable de taper son fidèle destrier entre les oreilles, parce qu'il est en colère, parce qu'il s'est fait engueuler par un plus gradé que lui... Un pauvre type frustré qui se défoule sur une bête.

C'est sûr, c'est dur à encaisser. Presque aussi dur que ce même Blutch essayant d'assassiner froidement ce pauvre naïf de Cornélius dans le dernier opus

Sang bleu chez les bleus : l'ayant assommé dans son sommeil et ligoté, il le balance en pleine nuit du haut d'un pont dans la rivière...

Les Tuniques bleues, une série qui oscillait entre réalisme et humour... avant d'être de moins en moins drôle.

 
Marcel Labrume d'Attilio Micheluzzi
 

Par Stéphane. 

Ok, ok, je recycle pas mal ces derniers temps sur le blog. Mais je n'ai pas beaucoup de temps pour écrire en ce moment. Mes camarades non plus, d'ailleurs, accaparés par le raz-de-marée des clients venus spécialement pour la Noël et les multiples palettes de livres que nous venons de recevoir (pour la même occasion évidemment).Bref, voici une critique de Marcel Labrume, parue dans le Chronic'art du mois de novembre. Au sujet de Chronic'art, je vais en profiter pour faire un peu de retape et vous dire que ce mois-ci c'est numéro double avec 8 pages d'interview et de photographies sur le président d'Angoulême, le jeune et déjà célébré Blutch, que l'on aime beaucoup à AAAPOUM. Quant à Marcel Labrume, il est à vendre dans nos modestes échoppes pour un prix public de 20 euros. Soit deux fois moins que l'édition originale, moins belle, que nous vendons également.

Attilio Micheluzzi fait partie des grands oubliés, des maîtres qui n’ont jamais eu la reconnaissance qu’ils méritent. Contemporain de Pratt, cet ancien architecte reconverti sur le tard en auteur de bande dessinée a pourtant lui aussi marqué son époque par la qualité de ses récits d’aventure et la finesse de son trait. Dommage que l'œuvre n’ait pas survécu à la mort de son auteur. Jusqu'à une époque récente, les amateurs devaient écumer les AAAPOUM BAPOUM pour trouver à prix d’or des ouvrages d'époque, le plus souvent mal fabriqués. Or, depuis quelques années, les éditions Mosquito ont entamé une politique de réédition soignée, avec photogravure fine et traductions refaites. Après Rosso Stenton et Afghanistan, cet hiver dernier, c’était au magnifique Petra Chérie, pavé de 300 pages contant le crépuscule d’une aristocrate perdue dans la tourmente de la première guerre mondiale, d’être à l’honneur avec presque 70% d’inédit. Et aujourd’hui, c’est au tour de Marcel Labrume. Il était temps, ce chef d’œuvre primé à Angoulême comme meilleur livre de 1984 était paradoxalement indisponible depuis une quinzaine d’années. Il se dit souvent que la bande dessinée n’a que faire de sa propre histoire… comment ne pas le croire après de tels manquements. 

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Bref, Marcel Labrume, c’est le héros typique chez Micheluzzi, une caisse de résonnance de son époque plus qu’une figure à suivre ou à adorer. Journaliste français exilé au Moyen Orient pour fuir la défaite de son pays et les magouilles qui lui collent aux fesses, Marcel vend ses services au plus offrant, sans distinction, qu'il soit nazi, musulman, juif…. L’atmosphère qui baigne le récit évoque inévitablement le film Casablanca, auquel le livre doit beaucoup, que ce soit pour le thème d’un Orient comme carrefour où se croisent les lâches et les vermines européennes exilées loin de la guerre, comme pour son esthétique, tout en ombres et en lumières jouant dans le décor sur les motifs de la prison. 

 L’une des grandes qualités de Micheluzzi, en effet, outre son sens du récit et ses héros complexes qui se rangent du bon côté de la barrière par un coup du sort plus que par sens moral, c’est son immense talent graphique. Comme beaucoup d’italiens de cette époque, et Hugo Pratt le premier, Micheluzzi goûte le sublime trait noir et blanc des grands maîtres de la bande dessinée américaine d’après guerre. Or, seul Pratt et lui vont s’inscrire dans cette esthétique élaborée pour la simplifier, l’épurer des détails inutiles au récit. Chez eux, les formes vont devenir synthétiques, les outils graphiques rudimentaires : une ligne, quelques hachures, et des masses de noir vont faire l’affaire, l’un préférant le pinceau épais (Pratt), l’autre le pinceau fin ou la plume. Marcel Labrume, en plus d'offrir deux épisodes mélancoliques et exotiques, marque l’un des sommets de cette esthétique, où cadrages, onomatopées et ombrages, se placent au service de l’efficacité narrative. L’aventure, encore et toujours, avant tout.

 
Sur la neige de Aubin et Wazem
 

Un chat et son shérif

Il est des albums qui vous emportent tout naturellement... Vous ne pensiez pas les lire, juste les feuilleter comme ça, pour vous faire une idée, mais voilà. 

Sur la neige

est un livre entrainant. Le découpage est si simple et efficace, il émane des premières planches une telle ambiance qu'il est dur de résister à une lecture si confortable.

Une petite ville des États-Unis dans une région froide, couverte de neige. Spencer, son shérif  : un petit homme, jeune et avec des lunettes et un chat, un gars doux et calme. Si petit, doux et calme que toutes les gens du coin (qui sont plutôt brutaux) le prennent pour un baltringue. Pire, tous le monde fait comme s'il n'existait pas. Les notables du coin semblent s'adonner à leur trafics sans s'inquiéter d'un représentant de la Loi si inoffensif. On se demande même s'ils ne l'ont pas mis à ce poste justement pour être tranquilles...

Jusqu'à la veille du jour où commence cette histoire.

Agréable à lire, avec un dessin souple et un découpage maitrisé qui ne déplaira pas aux amateurs de Frederik  Peeters : voilà un bon récit qui mêle agréablement l'amour du polar américain et le récit intimiste franco-suisse.

Cet album fait partie des Tohu Bohu pas chers que nous avons récemment acquis pour vous les proposer à 6€ l'un et 15€ les trois.

De plus Sur la neige est actuellement le seul album connu du dessinateur Aubin Frechon, l'homme qui est actuellement en train de turbiner sur la suite du nouveau Blake et Mortimer qui sort demain...

Plus d'infos sur le travail d'Aubin Frechon sur Blake et Mortimer sur le blog de Laurent, l'homme qui surveille le Centaur Club jour et nuit.

 
Blake et Mortimer : la malédiction des trente deniers, tome 1
 

Sous un soleil de plomb

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Bonne idée que de lancer le professeur Mortimer dans une nouvelle enquête archéologique comme au temps de la Grande Pyramide. Sur les traces de Judas en plus (Cette année entre le Crumb et le Blake et Mortimer on peut dire que la culture biblique est à l'honneur). Et puis la Grèce est un beau cadre, Van Hamme semble d'ailleurs y avoir passé d'excellentes vacances. Il s'y est laissé gagner par une douce torpeur méditerranéenne. Comme il a un peu trop pris le soleil, ébloui, il a négligé de cacher ses ressorts scénaristiques.  Si la trame générale se parcourt sans déplaisir, les ficelles sont bien épaisses et chaque péripéties se termine par un nœud qui a du mal a passer tant il est enduit d'invraisemblable ou de carnavalesque... Oh ! Un chien tombe dans un trou (Muff ? C'est toi ?) ! Oh ! Un éclair arrête les bandits ! Tiens Olrik se prend les pieds dans sa robe. Mince, des moutons... Le plus discutable reste cette scène où l'on voit des Grecs jouer aux cartes attablés dehors en plein soleil plutôt que de rester tranquillement à l'intérieur. Van Hamme singe à nouveau Jacobs sans jamais comprendre le soin du détail qu'affectionnait le maître, sans jamais éprouver la moindre empathie pour les personnages, sans jamais chercher à se mettre à leur place. Chez Jacobs les méchants étaient intelligents en dehors de leurs crises de folie et de panique. Les scélérats donnaient du fil à retordre aux deux anglais. Ici ils sont juste grotesques. Van Hamme ne résiste d'ailleurs pas à l'attrait d'une conspiration néo-nazie digne d'une farce télévisuelle... Good grief !

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Sur le plan du graphisme, feu René Sterne fait ce qu'il peut pour se couler dans le moule Blake et Mortimer, en ratant souvent le découpage, mais en réussissant certaines audaces qui donnent un peu de légèreté et d'humour à une pesante mécanique narrative. Après le  décès du dessinateur (planche 29), c'est sa femme, Chantal de Spiegeleer, dessinatrice également, qui prend le relai honorablement, même si on sent que l'académisme exigé la maltraite quelque peu. Je déplore tout de même leur vision d'Olrik : La némésis de Blake et Mortimer a troqué son élégance naturelle pour des manières affectées de vieille tante, c'est presque impardonnable.

 Un Blake et Mortimer de plus, qui se lit et qui contient de bonnes idées, mais qui agace souvent. On verra si le tome 2 coule le rafiot ou s'il ramène tout le monde à bon port, ce qui est encore possible... Mais qui va le dessiner au fait ? Moi je veux bien que ce soit Chantal de Spiegeleer, mais il faut qu'elle fasse quelque chose pour le Colonel et qu'elle arrête de faire ses phylactères à l'ordinateur.

P.S. : On me rappelle avec justesse que c'est Aubin Frechon qui travaille actuellement sur le tome 2 des Deniers. Voilà qui tombe bien, car nous avons justement en magasin un Tohu Bohu dessiné par Aubin Frechon...  Sur la neige, scénario de Wazem. 6€.

 
Les combattants de la liberté et les forces du mal
 

«Selon que leurs objectifs nous paraissent justifiés ou non, les terroristes obtiennent l'appellation de "combattants de la liberté" ; celle-ci dépend donc de notre appréciation de leurs objectifs bien d'avantage que de leurs moyens d'action.»

William R. Polk, Les leçons oubliées du Vietnam in Le Monde diplomatique, novembre 2009.

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En relisant le formidable récit de guerre qu'est le Secret de l'Espadon,je souriais, entre deux gorgées de thé,  de ce que les partisans se dressant contre l'oppression des "Jaunes" en Terre Perse ressemblassent fort à l'image que la diplomatie étasunienne donne de ses actuels adversaires qualifiés de fondamentalistes musulmans... Des partisans qui attaquent les convois de blindés d'une armée d'occupation. Mais c'est surtout l'appel au terrorisme et au sabotage qui clôt le premier volume (de l'ancienne édition en deux volumes, la seule, la vraie) que je trouve résonner étrangement dans le contexte actuel, d'où ma notule du 27 octobre 2009.

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"Pas de pitié pour les traîtres qui se sont mis au service du conquérant ! Chaque jour plusieurs de ces misérables payent de leur vie, leur lâche ignominie ! Chaque jour nos actes de sabotage désorganisent la puissance ennemie et préparent notre revanche. Celle-ci sera décisive, car le moment est proche , où, armés d'un engin d'une efficacité absolument irrésistible, nous rejeterons les Jaunes dans leur repaire, où nous les écraserons définitivement !". Il suffit en effet de remplacer "Jaunes" par "Américains" pour que ce qui est un appel à la victoire du "Monde libre" ressemble à un communiqué de revendication d'un attentat par une organisation nationaliste irakienne ou afghane.

La prochaine création de Leblon-Delienne dans la gamme de résines Blake et Mortimer,consacrant la figure héroïque du "fidèle Nasir", a le mérite de rappeler que les combattants musulmans ne furent pas toujours synonymes, dans l'imaginaire occidental, de fanatiques hystériques et criminels au service de l'Axe du mal !Fussent-ils en train de lancer un couteau pour atteindre par surprise le dos d'une sentinelle Jaune. Il faut tout de même préciser que pour tous les braves combattants musulmans croisés dans L'Espadon,"Monde libre" rime avec perpétuation de la mainmise de la couronne britannique sur le Moyen-Orient. Ainsi les partisans perses qui sont parvenus à s'emparer d'un blindé, s'empresse de le donner à deux anglais déguenillés qui descendent de la colline (Espadon, t.1, p.30)...

 
Exposition Attilio Micheluzzi : Marcel Labrume
 
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On vous avait promis deux expositions par an, on va tout faire pour s’y tenir.

Après l’argentin Éternaute, de Oesterheld et Solano Lopez (informations ici),AAAPOUM BAPOUM met en place une exposition autour d’Attilio Micheluzzi, pour fêter la réédition de Marcel Labrume.

Dans l’attente d’une critique plus complète de l’ouvrage, nous pouvons d’ores et déjà rappeler que Marcel Labrume reçut,l’année de sa publication, l’Alfred de la meilleure bande dessinée au Festival d’Angoulême,et vous renvoyer sur la présentation fort bien faite de l’éditeur.

 Quant à l’événement, il se tiendra du vendredi 23 octobre au vendredi 20 novembre dans notre échoppe de la rue Serpente. Venez nombreux au vernissage, qui auralieu le vendredi 23, au milieu des chips bio et des vins italiens, animé d’une présentation de l’éditeur et des libraires, de débats et de questions portant sur le parcours et l’œuvre de l’uns des auteurs italiens les plus passionnants de sa génération. 

- Exposition Marcel Labrume, de Attilio Micheluzzi. Librairie AAAPOUM BAPOUM,14 rueSerpente, 75006 Paris. Métro St Michel ou Odéon.

- Vernissage vendredi 23 octobre à partir de 19H.

- Critique de Pétra Chérie.