Publications dans Février 2010
Carte postale
 

Salut AAAPOUM BAPOUM,

6a00d8341c924153ef01310f3829de970c-800wi.jpg

Capetown, c'est beaucoup de soleil, de vent, de vins, de plages gigantesques, de galleries d'Art, de jardins botaniques, de routes sinueuses qui vous mènent vers des points de vue de toute beauté. Tintin y est considéré comme un promoteur de racisme et le point de vue des blancs d'Afrique encore les pieds pris dans l'histoire de la colonisation éclaire beaucoup le sujet. Les entendre remet bien en perspective la distance de celui qui vit au loin en Europe, insconscient de la puissance qu'exerce encore aujourd'hui la colonisation, et qui brandit toujours cette "époque" dans laquelle "replacer l'écriture"dès qu'on lui parle de placer une notice en ouverture de Tintin au Congo. "L'époque" n'est pas la même pour tout le monde.

J'ai rencontré Joe Daly, très sympa, trentenaire, fils d'auteur de livres pour enfant, un peu babos sur les bords, et paranoiaque comme peuvent l'être tout les habitants de Capetown (à raison, il faut croire). Il déssine cependant très bien et son point de vue sur l'écriture éclaire vraiment sur ce que c'est d'écrire aujourd'hui en Afrique du Sud. Les artisites, ici, brillants, nombreux, parmi ceux que j'aime le plus en ce moment (notamment le photographe Pieter Hugo) sont vraiment les pieds encimmentés dans le monde et l'époque. Ils sont concernés, et c'est vraiment exhaltant.

Pour notre part, on hésite à visiter un Township, divisés entre la peur d'une tentation amorale de voyeurisme (pas moi) et la nécessité de voir ce que ce monde produit de plus misérable. Capetown -contrairement à Mumbay par exemple où cohabitent côtes à côtes les bâtiments les plus luxueux et les bidonvilles- est une urbanisation à la Los Angeles, avec des quartiers fermement divisés et organisés par classes sociales. On verra, peut-être reussira-t-on à donner un cours de français dans une classe.

Bref, voici la fin de ma première carte postale numérique. Ce soir, je vais boire des bières avec le duo Bitterkomix. Je vous raconterai.

Bises à vous tous, et bon courage.

S; du aaablog

 
Tardi, le Trou d'obus, tirage de tête dédicacé
 

Quel excellent ouvrage  que

Le trou d'obus de Tardi !

Déjà le tirage normal (1984) est fort intéressant, avec son petit théâtre à monter soi-même, deux planches cartonnées à découper, qu'en général les collectionneurs ne découpent pas.

Mais ici c'est le tirage de tête dont il s'agit... qui en plus d'être numéroté et signé, est accompagné d'une planche authentiquement mise en couleurs au pochoir, selon la tradition des images d'Épinal.

La cerise sur le gâteau c'est la dédicace dont Tardi a orné la page de titre. Je la présente ici pour ne pas avoir à ouvrir la vitrine, puis la pochette pour satisfaire la légitime curiosité des clients potentiels. Oui trop de manipulation nuit à la perfection.

Vous remarquerez que prudent et prude je n'indique aucun prix dans cet espace consacré à la réclame.

 
Manara les pâquerettes
 

Chez Aaapoum Bapoum nous n'hésitons pas à clamer bien haut : la Saint Valentin représente le degré zéro du romantisme !

Non pas que nous soyons des célibataires aigris rongeant le frein de la misère affective, mais plutôt des allergiques du consumérisme agressif.

Le Déclic en calibre 80.

Le Déclic en calibre 80.

C'est pourquoi ce matin je fus pris de stupeur en ouvrant le courrier. Une lettre de la société Lovely Planet nous sommant de souscrire à leur nouveau produit : la célèbre télécommande du Déclic au cœur (?) de la bande dessinée de Milo Manara.

 Cette objet de la taille d'un bras d'enfant obèse est munie d'une télécommande que le partenaire est censé activer afin de provoquer, je cite le communiqué de presse : "des Ah ou des Oh".

6a00d8341c924153ef01310f1dc34e970c-800wi.jpg

Toujours pour reprendre la petite note qui nous est parvenue "ce produit, lancé (faites gaffe!) en janvier et qui connaît déjà un grand succès, pourrait donc parfaitement compléter votre offre" (nous, on n'offre rien du tout d'abord !).

Je m'adresse donc directement à nos fidèles visiteurs : seriez-vous intéressés par cette immondice ? Devons nous en commander un carton plein ?

Vivement la fête des mères pour recevoir leur nouveau catalogue.

 
Quizz éclair
 

KRAAAAKKAT

6a00d8341c924153ef01310f1cebea970c-800wi.jpg

Une nouvelle devinette qui devrait amuser au moins Ro et Ivan...

À quel maître de la bande dessinée mondiale peut-on attribuer les deux cases ici présentées ?Chauffez vos esprits et vos arguments pour gagner une surprise.

 
Hergé s'inquiéta pour Oesterheld
 
https://www.flickr.com/photos/gianfrancogoria/1540639369/Originally uploaded byGianfranco Goria

https://www.flickr.com/photos/gianfrancogoria/1540639369/

Originally uploaded by

Gianfranco Goria

Les visiteurs de l'exposition sur Oesterheld  au Musée de l'automobile (!) de Turin en février 2002 (Donde está Oesterheld ? Il fumetto argentino desaparecidopurent découvrir entre autres documents, cette lettre d'Hergé adressée au sanglant président argentin, Leopoldo Galtieri...

Comme quoi on peut avoir une réputation de bourgeois réac et cependant se soucier du sort de guerilleros d'extrême-gauche.

 
Jack Kirby : New Gods et Mister Miracle
 

"Il dessine tellement mal qu'on a bien du mal à comprendre pourquoi vous aimez autant Jack Kirby. Néanmoins vous allez être contents, il revient le mois prochain".

6a00d8341c924153ef0128778f9f4a970c-120wi.jpg
6a00d8341c924153ef0128778fa1e3970c-100wi.jpg

J'ai le souvenir d'une annonce de ce genre dans le Courrier des lecteurs d'un vieux Strange, que je n'ai pu retrouver par manque de temps. Cela fait des siècle que je n'ai pas posé le regard sur ce genre de rubrique ennuyeuse mais dans Strange, je ne la ratais jamais. De mémoire, je n'étais pas le seul. Pourquoi des mouflets s'intéressaient-ils autant aux avis de leurs camarades qu'aux aventures de leurs héros ? Difficile à dire, mais j'aime à penser que l'impact de ces figures héroïques curieuses, presque malades, était trop puissant. Il fallait nous confronter à d'autres points de vue pour se rassurer sur nos émerveillements et nos doutes. Ce que nous découvrions à travers ces pages, nul adulte ne pouvait le comprendre. Et le courrier des lecteurs était ce lieu de rencontre où chacun pouvait échanger avec quelqu'un qui le comprendrait. Il en était de même pour Jack Kirby. Ce dessinateur de génie, aucun adulte ne pouvait le comprendre, mais les enfants l'adoraient. Ils le réclamaient souvent et ce clivage esthétique entre générations ne manquait pas de se retrouver dans les pages du Courrier.

6a00d8341c924153ef0120a88ca191970b-320wi.jpg

Jack Kirby, à présent, est un dieu pour tout le monde. Nul n'oserait contester cette esthétique unique, cette capacité à doubler chaque personnage, chaque geste, d'une dimension grotesque qui n'ôte pourtant rien à la puissance dramatique de l'action. Chez Kirby, l'improbable tient lieu de réalité incontestable, l'élastique devient dur comme la pierre. On pourrait parler pendant des heures  des personnages, des machines foldingos, des délires spatio temporels, des poings fermés d'une taille incroyables, des perspectives et des proportions faussées à dessein, des postures de Dieux grecs, de la composition des pages, des effets de matière.... beaucoup l'ont fait et mieux que moi : je vous invite à utiliser internet…

À Aaapoum, on a en ce moment deux livres particuliers de J. Kirby : Mister Miracle et New Gods.

 Dans ces ouvrages, Kirby essayait de fonder un nouvel univers, en marge des vieilles légendes, peuplé de héros invincibles dotés de pouvoirs, avec des rivalités entre planètes comme enjeux. Autant le dire, rien de nouveau, puisque c'est surtout une forme de revanche sur Marvel et sur Stan Lee que cherchait à prendre le dessinateur, tout juste parti chez le principal concurrent DC Comics. Son ambition, créer une œuvre totale qui lui appartiendrait, avec son nom sur la couverture ; un chef d'œuvre capable d'être réédité et relié plus tard, ce qui ne se pratiquait pas du tout à l'époque. Il lance alors de concert quatre séries, dont les deux que nous vendons en magasins. S'il a accès aux noms les plus fameux de la galaxie des super-héros, Superman notamment, il n'en fait presque pas usage. Son œuvre travaille à rester en marge, totale.

Force est de reconnaître que ce n'est pas le cas. New Gods, Mister Miracle, mais également Forever People ou la reprise de Superman's pal Jimmy Olsen fondent une tétralogie qui ne marquera pas les annales. Sans cadre, Kirby peine à s'incarner. Les récits manquent de sérieux, les enjeux tombent un peu à plat. Mais ce n'est franchement pas grave, au contraire. Cette innocence qui caractérise la beauté naïve des récits de Kirby trouve de très belles illustrations et l'ensemble, à défaut d'ampleur, exhale un charme incroyable.

Mais surtout, c'est pour la beauté des dessins qu'il faut lire Mister Miracle et New Gods. Quelle claque! Adossé aux meilleurs encreurs de sa carrière, Vince Colletta et Mike Royer, animé par la volonté d'en découdre avec le succès, Kirby laisse là l'un de ses plus beaux travaux graphiques (avec Démon). Et même si les éditions françaises, tristement, sont en noir et blanc, la maestria est telle qu'elle s'accommode finalement assez bien de ce traitement.

New Gods,éditions Bethy, 336 pages, épuisé, 35 euros.• Mister Miracle, La liberté ou la mort, éditions Vertige Graphic, 246 pages, 7 euros.

 
Le meilleur livre Cornelius 2009
 

Shohei Kusunoki, La Promesse et autres histoires.

Traduit du japonais par Satoko Fujimoto et Eric Cordier, 272 pages, 24 €

6a00d8341c924153ef0128776c90ce970c-200wi.jpg

Cequi distingue le drame de la tragédie, c’est la notion de destin. Commentclasser, dès lors, ce recueil de nouvelles qui oscille entre les genres pouroffrir une peinture du malheur dans ce qu’il a de plus nu. Un samouraï entre dans une auberge pour s’abriter de la pluie et se trouve pris à partie par unartisan à peine sorti de l’adolescence.

Deux parents impuissants languissentaprès l’opération qui guérira ou non leur fils. Une icône en bois dérivant aufil de l’eau s’agace à voix haute (animisme japonais oblige) qu’un rat la prenne pour une embarcation de fortune. C’est la rencontre de l’adversité, sansraison morale ou force supérieure. Sans issue également, pour ces êtres ballotés par un destin qu’ils aspirent, secrètement, prendre en main.

Aucun n’y parviendra, pour sûr, puisque telle est la tradition des auteurs, tel Shohei Kusunoki, qui illustrent la question de la chance et des hommes depuis la nuit des temps. Il émerge, néanmoins, toujours une grandeur chez ces êtres quirésistent au sort, qui l’endurent. Une dignité transportée pour beaucoup par la grâce d’un trait délié et lumineux, flattant les expressions et ces moments où le poids du destin se fait si lourd qu’il est sur le point de les effondrer.

Mais il n’y parvient pas. Reste l’éclat noir d’une fatalité, peut-être japonaise, pragmatique donc injuste, sans erreur à punir et sans dieu pourl’ordonner.

 
Le bain du pistolero
 

Un nain vaut mieux que deux Rosita

Quel dommage que le nain de L'Homme des hautes plaines ait été remplacé par Rosita (Wanted tome 2, planche 44).Girod, le dessinateur qui passa sa jeunesse a imiter Giraud pour finir par remplacer Swolfs... Voilà qui donne à penser.

On a un tome 5 de Wanted en rayon à Dante. 20€. Je sais qu'il y a pas mal de gens qui le cherchent.

 
Bloody september de Will Argunas, éditions Casterman
 

American vertigo

Ci-contre Clint Eastwood interprète un médecin légiste.

C'est la seconde fois que Will Argunas utilise l'acteur dans une de ses bédés. La première c'était dans L'Irlandais que nous avions abordé dans le cadre de notre clintophilie.

À l'époque Will s'appelait encore Arnaud Guillois. L'Irlandais était une honnête proposition de polar se déroulant dans un cadre parisien vraisemblable. Depuis l'auteur n'a pas su résister à l'attrait de l'Amérique et il s'est rebaptisé Will Argunas, anagramme approximatif de son patronyme du terroir. Sa première œuvre sur ce nouveau terrain, Missing, faisait partie du haut du panier de la première salve d'albums édités par KSTR, le label autoproclamé wok'n'woll des éditions Casterman.

Comme d'habitude je ne me rappelle pas grand chose de précis, mais cette histoire m'avait paru un exercice de style réussi. Le flic hanté et obsessionnel était bien campé et son enquête inaboutie assez réaliste. Le dessin employé, avec ses aspects incertains de gribouillis crasseux dépeignait avec succès une ambiance malsaine et le découpage était efficace.Découpage toujours réussi et cinématographique pour le second opus de Will...

Et pour cause, Black Jake (KSTR encore) est un décalque même pas honteux du Bad Lieutenant d'Abel Ferrara. On y voit donc Harvey Keitel, un flic ripou, se débattre avec ses problèmes de drogue, ses créanciers et toutes ses autres embrouilles. Will a juste transposé l'intrigue sur la côte Ouest et a rajouté une moustache à son flic. Tant de créativité pouvait dérouter, mais l'ensemble se lisait avec le confort que l'on éprouve à s'installer devant un écran pour voir défiler un terrain déjà connu et balisé, ce qui est malheureusement le principe récurrent de l'industrie hollywoodienne.

De l'exercice de style nous étions passé à l'assimilation.Avec le nouvel opus, Bloody September, Argunas enfonce le clou et s'enlise dans le radotage. Devenu simple machine a brasser les clichés télévisuels et cinématographiques en provenance des Etats-Unis, le bédéaste fournit une livraison ultra-prévisible et saturée d'emprunts. Oui car Will a beaucoup regardé son écran depuis la dernière fois...

Des pornos, mais aussi de bonnes séries. Surtout les Soprano. James Gandolfini lui a tapé dans la rétine.  Ainsi les familiers de HBO retrouveront Tony qui n'arrive pas à dormir, Tony en peignoir devant la porte de son frigo, Tony chez sa psy... Tiens elle a le même bureau qu'à la télé. Sauf que là elle est jouée par Glenn Close avec la coupe qu'elle avait dans The Shield...

Construisant son histoire à l'aide de captures d'écran, Will Argunas gratifie aussi son lecteur de la présence d'Eva Mendes en artiste peintre lesbienne (c'est celaaaa oui...), Terry Kinney (le directeur d'Emerald City dans Oz), et de bien d'autres, sans compter ceux que l'on n'arrive pas à reconnaître...

Comme l'intrigue met en scène un horrible serial killer fasciné par la pornographie et les têtes coupées[1], on peut aussi voir des scènes de tournage de X, présentées exactement comme leur rendu vidéo, sans aucun apport de point de vue.

L'ensemble pourrait être drôle comme une satire façon Mad ou Pierre La Police, mais malheureusement l'auteur ne prend aucune distance avec son procédé créatif et semble même se prendre très au sérieux si l'on en juge par l'édifiante liste d'ouvrages cité en bibliographie et par la conclusion de l'histoire, consternante de bêtise à force de vouloir tirer de son intrigue de grandes considérations politico-historiques.

Je me dis qu'un éditeur ne devrait pas laisser ainsi se gâcher un talent dans les brumes télévisuelles... mais après tout, pourquoi est-ce que nous nous obstinons à exiger davantage de la BD que des autres industries culturelles ?

[1]qui utilise les têtes de la même façon que le méchant de Haute Tension d'Alexandre Aja, un autre frenchie qui aime tellement singer les Ricains qu'il a fini par faire des films pour eux.