Publications dans Comic
Revue de presse : Scarce 67
 

Will Eisner (1917-2005)

Le numéro 67 du magazine Scarce (24 ans déjà !) est disponible. Sous une belle couverture signée Klaus Janson (détail ci-contre),  il abrite un beau et bon dossier en hommage à Will Eisner, Maître de la BD du XXe siècle disparu l'an passé.

39 pages d'articles, bien écrits, bien présentés et bien imprimés et huit pages d'illustrations hommages (peut-être plus dispensables à mon goût). Notons deux articles forts touffus de Francis Saint-Martin l'un sur les débuts de la carrière du créateur, l'autre sur l'épopée du Spirit.

Ce dossier est une bonne occasion d'aborder ou de revenir sur une oeuvre incontournable sans laquelle la bédé des deux côtés de l'Atlantique n'aurait pas le même masque...

 
Comic, 2006, Février 2006Commentaire
L'ARCHE DE MARVEL
 

House of M , le génocide Mutant


Par Stéphane

Elle nous refait le coup. Elle, c’est la prestigieuse maison Marvel, qui, quinze ans après l’inoubliable Âge d’Apocalypse, bidouille un nouveau scénario miracle chargé d’amaigrir son univers trop dilaté par le succès. Avec quelques millions de nouveaux mutants, la planète Terre et le catalogue de parution commençaient à être sérieusement encombrées. Lassés, les aficionados se désengageaient. En réplique, parul’été dernier au U.S.AHouse of M. Bouleversement fondamental version Weight Watcher que les Français découvriront d’ici quelques mois ; contrecoup irrémédiable de ces périodes fastes où les éditeurs, avides d’éponger le moindre dollar égaré dans la poche du comic addict, multiplient les séries jusqu’à l’écoeurement. Curieux et fans, arrêtez cette chronique ici même, les paragraphes suivants sont un spoiler de grande envergure.

Commençons par les conséquences. A la sortie d’House of M ne survivra qu’une poignée de mutants (200 tout de même). Les millions d'autres finiront morts où dépossédés de leurs pouvoirs par la Sorcière rouge. Exit Magneto (vous savez, le grand méchant aimanté), Vif Argent, et même de nombreux X-men. Un mémorandum ferme circule dans les couloirs de la célèbre maison : interdit de ressusciter qui que ce soit pour au moins quelques années. Fini aussi les vieux mythes usés jusqu’à la corde, Serval par exemple se souvient maintenant de son passé. Un bouleversement aux airs d’apocalypse religieuse : un univers s’écroule, un nouveau est à reconstruire.

Seulement, à bien y réfléchir, ce chavirement tactique tout a fait habituel éclipse peut-êtreun second signal, imprévu et plus inquiétant. Et si, à l’aube du XXIeme siècle, la métaphore du mutant n’avait plus de sens ! En effet, quelle minorité peut aujourd’hui crier au rejet et à la haine totale. Et bien que la situation soit loin d’être parfaite en occident, l’icône du mutant telle qu’elle était perpétuée n’est plus à même de rendre compte de la réalité, n’exsudant qu’une image archaïque et déformée jusqu’à la caricature des problèmes de communautarisme et d’exclusion modernes.

Alors se joue, peut-être, larvé dans l’évènement House of M, la raison artistique même qui justifierait la survie d’un tel univers. Et ainsi, les Kevin Smith amateurs qui adorent se prendre le chou sur les valeurs existentielles du superhéros, peuvent ressortir leur question favorite : Mais quelles valeurs devront donc incarner les superhéros de demain ? Je me demande bien moi-même.

PS: la série est dessinée par un Froggy, Olivier Coipel...

 
Paraîtrait que R.R couche avec S.S.
 

Et que P.P. s'est engueulé avec M.M

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Dans une interview DVD,  Kevin Smith pestait contre les scénaristes de la série télévisée Hulk. Il reprochait vertement aux sagouins d’avoir tronqué le nom original du colérique docteur. Fini Bruce et bonjour David Banner. Mais pourquoi tant de haine me direz-vous, ce changement de prénom n’est qu’une modification anodine ; pire, un pinaillage de fan.

Hors vous auriez bien tord. Car ce brave Stan Lee fétichisait les initiales, au point d’attribuer à la majorité de ses créations un nom et un prénom aux premières lettres redondantes. Peter Parker (Spiderman), Bruce Banner (Hulk) , Matt Murdock (Daredevil), Reed Richard & Sue Storm des FF (Quatre Fantastiques), Stephen Strange (Docteur Strange), Doctor Von Doom (Fatalis), Scott Summer (Cyclope)… firent ainsi les beaux jours des mouflets (et bien d’autres moins célèbres encore).

Une explication à cette manie se dessine dans l’interview Stan Lee's Mutants, Marvels and Monsters. Le prolifique créateur y explique que, vu la masse de personnages qu’il devait gérer, c’était un bon moyen de palier ses déficiences mnémoniques, et de se souvenir plus facilement des pléiades de noms qu’il inventait à la chaîne.

Sur l'image de tête, D.B. fait du stop...C'est sûr que dit ainsi, ça fait tout de suite moins classe.

 
Pourquoi ne pas aimer Batman begins
 

Par Stéphane (et Vlad par procuration vu que c'est lui qui éveilla chez moi cette réflexion).

Parce que les Hoolywoodiens sont si cons que pour eux, tous les jaunes se ressemblent -mon dieu quelle connerie, ces ninjas qui peuplent L'Himalaya- et le moindre des paysans des montagnes y parle anglais.

Parce que Bruce Wayne voudrait être sale et trouble comme dans un bon Burton, mais n'y arrive pas (son plus grand crime, se voler à lui même...).

Parce qu’une scène d’action mérite un peu de virtuosité pour épater, et Nolan est une tanche qui ne connaît rien au montage (même s’il photographie bien).

Mais surtout… à lire dans la suite

Le film n’apporte rien, mais rien du tout, à Year one, comics fondateur du mythe de Batman dont est tiré ce nanard. Nolan se dirige même à contre-courant de l’image que Frank Miller a tenté de mettre en place dans le comics américain. Pas cette nouvelle facette humanisé, souvent le verni  moderne que lecteurs et spectateur retiennent. Sur ce point pas de problème, le film respecte le style Miller et l’enrichit même de deux trois idées astucieuses. En revanche le film annihile totalement le combat  de Miller (et celui d’Alan Moore par la même occasion) pour la représentation dans le comics américain d’un monde plus réaliste et moins américanocentré.

Hors, en intervertissant avec allégresse chinois et japonais sous prétexte qu’ils sont jaunes, et que donc personne ne fera la différence, Nolan méprise l’immense passion de Miller pour l’Asie, ses peuples et ses coutumes, et plus grave, dédaigne aussi les populations, qui en aucun cas ne sont interchangeables. Mais ça, je pense que le spectateur s’en fout, il trouve ça joli les ninjas qui sautillent dans les déserts glacés. Ça fait classe, donc nul besoin de se demander comment une telle image est produite, ni ce qu’elle véhicule comme message (au passage ici un profond mépris).

Pire, en transformant le leader de ce groupe de ninjas Himalayens (arfarfarf !!!), le démonique Raz al Gul, en blanc (alors qu’il est bel et bien asiatique dans la BD), il tombe dans le plus vieux des clichés racistes américains, de ceux sur lesquels Frank Miller cracha abondamment lorsqu’il commença la bd : l'icone de l'occidental blanc par nature capable d’apprendre et maîtriser tous enseignements ou domaines, pour finalement surpasser les maîtres du tiers-monde qui les dispensent. Ça lui aurait arraché le cul qu’un asiatique soit meilleur qu’un américain… Frank Miller, lui, cela ne le gênait pas, au contraire il semblait même le penser, à relire ses Serval, ses rônins, ses Daredevil…. Mais bon, cela n’embarrasse apparemment pas le spectateur avide de divertissements, qui ne souhaite pas décortiquer le monde donné à voir. Après tout, l’important dans Batman, c’est comment il fabrique son costume.

 
Les terribles taches
 

Où comment naît la vocation.

Par Stéphane

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Attiré par le mal comme tout les enfants, j’en étais venu à vouer une admiration sans borne pour le fantôme noir, ce terrible ennemi de Mickey qui signait ses forfaits d’une indélébile tache noire. J’étais fasciné, non par son génie diabolique, mais par cette indécrottable manie de souiller.

C’est qu’à cette époque les salissures, plus encore le dessin sur les murs de ma chambre, me sont interdits. Ma mère comme elle le fera des années durant s’applique de nombreuses heures au ménage, à briquer, brosser, avec un ascétisme et une énergie qui, cela demeure encore vrai, confine un peu à la folie.

Je scrutais ces petites macules noirs dans mes bandes dessinées et reconnaissait dans le regard de Mickey, lorsqu’il devait tomber sur l‘une d’entre elles, le désespoir quotidien de ma mère. J’ai ainsi de nombreux mois dessiné sur le mur derrière la porte de ma chambre, à l’abris de la justice, jusqu’à me faire prendre un beau matin.

Ce jour là, je retrouvais dans les yeux de ma mère ce petit quelque chose de Mickey, et en moi  s'étirait un petit sourire intérieur de fantôme noir.

 
Black Hole de Charles Burns
 

Dis, c’est quoi donc maman ce trou noir ?

Au milieu des 70’s, une étrange épidémie se déclare dans une université de la banlieue de Seattle, transmissible par voie sexuelle, et dont les symptômes vont de l’irritation aigue au déploiement d’excroissances inquiétantes. Couvertes de cornes ou queues à l’étrange apparence, les victimes les plus touchées sont tellement déformées qu’elles en deviennent méconnaissables. Est-ce une manifestation métaphorique de leur dépendance, notamment aux drogues circulant en abondance dans les fastueuses « parties » estudiantines ? Où est-ce la réalité ?

Facile d’entrevoir dans ce scénario horrifique une parabole sur le sida, mais clairement Burns ne le souhaite pas. Ces références seraient plutôt à chercher dans les thrillers psychologiques 70's de David Cronenberg, associées à une peur obsessionnel du vagin (très normale après tout) ; nombreux sont en effet les trous noirs dans le livre. Comme dans les films du maître fantastique canadien, Burns développe à certains moments un sentiment presque gynécophobique. Sentiment qu’il estompe en concentrant l’émotion sur les enfants infectés – emportés par la confusion spirituelle d’une époque, entre un mouvement Hippie en déclin, les expérimentation de David Bowie avec la mutation, et une omniprésence dans les rues des drogues et de leurs victimes « méconnaissables ». Dégénérescence du corps et ambiguïté, deux mots d’ordre sublimement communiqués au lecteur par le biais d’un encrage au contraste violent.

 
Joe Sacco & Irak, second round.
 

Ça devient une habitude.

Pour la seconde année consécutive The London Guardian publie en janvier un reportage de Joe Sacco en Irak.

Impossible de traduire le fichier en ligne pour l'instant, mais les anglophones peuvent télécharger le PDF de huits pages ici.

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Les autres devront attendre et espérer que le journal Libération prennent en charge  la version française, comme il le fit l'année passée.