Publications dans Indés
De la tristesse des milieux carcéraux dans le monde
 

Y a pas de ça chez nous monsieur, ah ça non…

Par Stéphane


Post conjoncturel, c'est-à-dire motivé par une suite d’événements vécus en moins d’un jour, je raconte.

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Dimanche 26 mars au soir, je mange chez moman. Fin de repas devant télé et Marcolivierfogiel, avec comme invité un ancien détenu de la prison américaine de Guantanamo. Il est français, mais comment diable s’est-il retrouvé capturé là-bas ? C’est la question sous-entendue sous le reportage, évidemment. Moi aussi ça m’intéresse.

Sauf qu’avant de se lancer dans une grande litanie autant insurgée que prévisible sur la tyrannie «du gouvernement américain qui emprisonne sans vergogne ni respect des droits de l’Homme…», l’émission commence par un court programme d’introduction, véritable panorama des pires conditions de détention à travers le monde.

Ouille, ça commence mal. Déjà, le narrateur présente Guantanamo avec des trémolos dans la voix pendant que défilent des images… d’Abu Ghurayb. Belle purée mais passons. Ensuite ça embraye sur la Chine, l’Amérique du sud, le Moyen-Orient et patati et patata, «c’est abominable, mais comment des gouvernements peuvent-ils laisser de telles horreurs se produirent…. My God, mais quelle indignation». Et bien sûr…aucun mot sur la France. Typique, ce regard sur l’étranger pour mieux se sentir fier de notre état de droit et de notre beau modèle républicain. Un pur fantasme ceci dit en passant.

Car comme me le rappelait mon pote Jules le lendemain pour en rajouter une couche, "ce n’est pas comme si la France venait de se faire épingler méchamment par le Commissaire aux droits de l’Homme du conseil de l’Europe,qui nous rappele que notre système pénitencier est l’un des plus insalubres d’Europe". Et pas qu’un peu, à lire les articles ici, ici, et surtout , que Jules m'envoya à ma demande depuis son Angleterre. Clairement, on est bien mal placé pour faire la morale à qui que ce soit.

Et la BD dans tout ça, attendez, j’y viens dans la suite avec une très belle surprise. Parole.


Ce même dimanche, dans l'après midi, j'avais lu les épreuves de L’Homme qui s’évada, une nouvelle bande dessinéeà paraître au mois de juin chez Actes Sud. Dans le livre, sont rassemblées en un recit les adaptations de Au bagne et de L’Homme qui s’évada, deux reportages du journaliste et écrivain Albert Londres, datant des années 1920. Pour résumer, le premier livre traitait des conditions de détention dans les bagnes français de Cayenne, le second narrait les retrouvailles avec Eugène Dieudonné. Ancien prisonnier rencontré lors de la visite du bagne. Accusé à tord puis déporté, ce dernier réussit à s’évader après quelques années de détention cruelles pour trouver refuge au Brésil. Londres l’y rejoignait pour le reconduire, gracié, sur sa terre natale, et écrire ce livre.

L’adaptation, sous la forme d'une bande dessinée unique, des reportages de Londres, en plus d’être un formidable récit d’aventure centré autour de la figure du martyr Dieudonné, est un bon moyen de reprendre pied avec le vrai visage de notre pays, dans son Histoire, mais aussi dans les multiples échos qu'elle renvoie à notre actualité. Voici en avant-première quelques planches non finalisées, avant couleurs, de ce livre à consulter dès sa sortie. Cliquez dessus pour les voir en plus grand

 
Les veufs connaissent-ils mieux l’amour ?
 

Quelques remarques et sentiments de lecture par Stéphane

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Mon bel amour se veut l'electrocardiographie des battements du couple, comme organe vital de l'amour. Pour la forme, une citation de Gide, suivie d'une tranche de vie de bande dessinée intimiste par Poincelet. Entre défunt romancier homosexuel et le bédéaste hétéro se dresse un dialogue, sur ce qui fonde les extrêmes d'une relation sentimentale, ces hauts et ces bas.

Très curieusement, Frédéric Poincelet cite les journaux intimes qu’André Gide a tenus après 1939 pour illustrer sa bande dessinée. Curieux en quoi ? En ceci que Gide devint veuf en 1938. Dans les pages de ces cahiers là -et contrairement à ceux qui précédèrent en décrivaient les années de son mariage blanc avec sa cousine-, il est un célibataire libéré des contraintes de l’union qui entame une nouvelle vie intime. Une situation en tous points inverse à celle qui traversent Frédéric Poincelet et ses proches dans le livre, empêtrés dans les aléas de la vie de couple. Il n’empêche, chacun des extraits de journaux choisis illustre à merveille la situation intime que l’auteur décrit ensuite en bande dessinée.

L’Homme au centre du monde. Le fugace au centre de l’Homme.

Des faiseurs d’images réalistes, photographes ou dessinateurs, il est deux races. Ceux attirés par l’Homme, ceux attirés par le monde. Frédéric Poincelet fait partie de la première espèce. Chacun de ses livres place l’humain au centre du débat. Pas une case sans corps ou sans morceau de chair. Pas une case où cette matière humaine ne soit au centre. La plupart du temps, le trait découpant le monde externe meurt dès que l’on s’éloigne de quelques centimètres autour des corps (seuls les moments de solitude laissent au monde vide le loisir de s’étendre, comme pour mieux décrire le sentiment d’abandon qui éprend les personnages). Il s’agit bel et bien de capturer l’Homme, le proche ou l’aimé, et ne capturer que lui. L’extraire quelques instant du monde pour le figer sur la page. Peut-être peut-on pousser l’interprétation de cette démarche esthetique un peu plus loin. Plus que d'appréhender l’individu dans sa globalité ou dans son essence, on éprouve le sentiment que l’enjeu du dessin est surtout de discerner les moments ou détails délicats qui témoignent de ce que l’auteur aime en lui et en l’autre, et par ce geste se réapproprier ou figer dans le marbre cette essence à l'origine des sentiments. Pour être plus clair, plus que saisir celui qu’on aime, ce qui compte serait de saisir ce que l’on aime en lui. (chapitre téléchargeable Download P._113-126_mba_red.pdf pour illustrer, gracieusement offert par les éditions ego comme X)

«Du rassasiement des désirs peut naître, accompagnant la joie et comme s'abritant derrière elle, une sorte de désespoir» Gide toujours, mais de mon préféré Les Faux monnayeurs.

Voila un sentiment très présent et fort dans l’œuvre de Gide, que partage avec lui Frédéric  Poincelet. Celui de la dualité de l’amour, de joie et désespoir mêlés. Le travail de maquette sur le dédoublement du titre Mon bel amour a d’ailleurs, immédiatement après la lecture du livre, fait écho dans mon esprit à la citation de Gide que je reprends en titre. Une impression appuyée par la fragilité du dessin de Poincelet (qui d’ailleurs dans ce nouveau livre a beaucoup gagné en subtilité, tendant vers un réalisme dont le détail adoucit les effets doloristes), et par la typographie utilisée pour inscrire le nom de l’auteur sur la couverture (sorte de canevas qui se découd, évoquant l’usure des choses, et par extension symbolique la tenture de Pénélope, emblème de l'effort dans l’amour par excellence).

 
Pour guérir le Lupus.
 

Quelques pistes et notes de lecture en pagaille et à froid de AAApoum et BApoum (ne demandez surtout pas qui est qui, nous même ne le savons pas).

PS: les images arrivent bientôt, le temps de scanner.

1. couvertures


Et si le Lupus n’était plus une maladie de peau, mais une maladie de l’âme. C’est ce que semblent annoncer les couvertures des trois premiers volumes. Sur les plats, deux personnes, Lupus et Tony, Lupus et Saana, côte à côte. Immobiles, ils ne communiquent pas, et ne se regardent que rarement. Leurs yeux sont tournés vers un lointain inaccessible ; leurs pieds à chaque fois butent contre le bord d’un précipice, d’une rivière, de l’espace, qui semble les empêcher d’avancer, même d’un pas. Chaque nouvel album, nouvelle étape, consistera donc à traverser cet abîme, ce vide incommensurable qui sépare du futur tout comme de l'individu qui se tient à côté. Si loin, si proche.



Sur le quatrième plat des deux premiers volumes, un personnage vient rompre l’isolement du couple : Saana secoue sa serviette, Nyargance jette un regard inquiet vers le premier plat. Des éléments perturbateurs, dont chaque bousculade vaut mieux que l’isolement. Mais au dos du troisième album, personne, un lit vide, et c’est tout (symbole d’une sexualité impossible). La solitude, celle qui pèse comme une prémonition tout au long de l’intrigue, se rapproche. Mais quelle crainte imprègne Lupus ? La peur d’être seul, ou celle de se découvrir une aspiration profonde à la misanthropie ?

2. Frustration et communication



Lupus illustre bel et bien la difficulté à communiquer. Entre amis, entre parents, entre amoureux même pas amants. La mort de Tony marque la découverte puis l’échec dans le premier volume. A partir du second tome, plusieurs scènes illustrent la route vers un apprentissage de la parole. Parmi les plus comiques, notons par exemple le t-shirt réactif de Saana, qui répond à sa place en deux temps trois mouvements, parmi les plus tragiques, le vieil homme replié dans l’autisme qui retrouve un début d’activité laborieuse au contact de la jeune héroïne. Ce genre de symbole inonde la série, à vous d’en trouver quelques autres. Enfin, le troisième volume marque le retour aux sources du problème –station spatiale, lieu de la chute du rêve familial-, et aide à percer les origines de cette infirmité sociale. Un père sans visage, sans parole.





3. Métaphysique.



Quelque chose transcende l’Homme dans Lupus, mais quoi ? Est-ce le désert humain qui isole les personnages sur les couvertures, mais sert en même temps de refuge où échapper à l’écrasante civilisation ? Est-ce une Mère Nature aux multiples visages ? (D'un côté elle est étrange, inaccessible et inquiétante un peu comme celle d'Aldébaran de Leo,  une source d’angoisse pour l’Homme qui a rompu avec elle, d'un autre côté elle est riche, florissante et sexuée, source d’émerveillement et d’inspiration.  Elle est un bain sensoriel qui témoigne du mélange d’envie et d’appréhension devant la reproduction et les besoins primaires. La baise est une pulsion et une menace. ) Est-ce cet univers infini qui nous contemple depuis son obscurité, lieu d’angoisse et d’inconnu ? Ou est-ce enfin la vie, incompréhensible sujet qui discerne toujours un chemin détourné pour prospérer, quel que soit l’hostilité du milieu ? Ah la la, ce sacré Lupus et sa sexualité contrariée.

4. Résignation et optimisme : Lupus volume 4.



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Sur la couverture, Lupus est maintenant seul, le désert humain qui s’étend depuis les premiers volumes touche ici son apogée. Tout n’est pas sombre pour autant. Le sol ne se dérobe plus à ses pieds. Il y a un lac, et un passage de terre derrière qui augure la possibilité d’avancer, d’envisager le futur. Le jeune homme porte un costume cravate, au quatrième plat dépasse le nez de sa voiture, tout est dit.

Sans trop déflorer l’intrigue, qu’apprend cet ultime volume :

Le chapeau blanc qu’arborait fièrement Tony lors du premier volume appartenait à Lupus lorsqu’il était enfant. L’acte de la coupe de cheveux est chez Frederik Peeters le symbole d’un amour, et son résultat préfigure la réussite ou l’échec de la relation à venir (miroir de la scène dans les pilules bleues). La vie trouve vraiment toujours le moyen de prospérer, quel que soit l’hostilité du milieu (les quatre couvertures misent bout à bout résonnent). Le dialogue n’est pas le seul moyen d’expression (voire le travail de Peeters sur les vêtements et leur valeur sémiotique, et dire que tout le monde clamait que « l’habit ne fait pas le moine »). Enfin, note finale parmi les plus agréable : la famille n’est pas fatalement celle du sang, dixit le petit garçon au nez de son père, au yeux de sa mère, et au chapeau de… Lupus.

5. Références.


Lupus est nimbé de références multiples et variées, tournant tout de même pas mal beaucoup autour du cinéma de Kubrick. L’hôtel spatial vide et les errances du héros pourront faire penser à Shining, de même que les scènes au bar de la station ou Lupus seul dialogue dans le vide. L’espace infini et son silence, le reflet de la planète sur la vitre du casque de cosmonaute, la confrontation finale entre Lupus et son père, que l’on peut facilement considérer comme un double en plus vieux, sont autant de scènes aux échos de 2001, L’Odyssée de l’espace. Parfois, quelques images à l’intertexte symbolique apparaissent sur le robot télé -M le Maudit dans le troisième album, une que je n’ai pas été capable de reconnaître dans le quatrième (une BD à 5 euros offerte à ceux qui donnent la réponse en commentaire). Enfin, la promenade spatiale ou ouverture du volume 4 est un hommage comique aux aléas du capitaine Haddock dans On a marché sur la Lune, ne serait ce que par la proximité esthétique des combinaisons dans les deux séries.

6. Pourtant, sous le beauté du récit et la justesse de certains de ses thèmes…


… se dresse un discours parfois déplaisant. Car que dit l’histoire de Lupus si l’on s’attache à certains aspects du scénario.

6.1./ Tous dans le rang… La révolte ne mène nulle part et est l’apparat de l’immaturité. L’adulte, lui, ne cherche ni à fuir, ni à se révolter, mais fait la paix avec son destin afin d’être, sinon totalement épanoui, au moins à sa place dans l’ordre naturel des choses. Le monde, d’ailleurs, paraît beaucoup plus serein une fois ce constat accepté.

6.2./ Ce cheminement ne peut s’accomplir sans la réconciliation avec le père. Tony, on le comprend au début du quatrième opus, déprime non seulement car son père est mort, mais surtout parce cette mort laisse à jamais en suspend leur conflit et la violence de leur relation. C’est un être condamné au tourment et à l’exclusion qui entame le voyage avec Lupus, d’où sa mort peut-être, seule issue à un être qui n’a plus aucune chance de s’épanouir.

6.3./ Mais surtout, point le plus détestable dans Lupus, la vision de la femme selon F. Peeters, qui fantasme et établit des variations sur une figure bien connue des archétypes féminins, la « femme enfant ». Faussement forte, c’est par elle que le malheur arrive. Immature, emmerdeuse, capricieuse, manipulatrice, allumeuse et sainte-nitouche, dans le besoin constant d’être sauvée ou prise en charge par le sexe dit fort, et incapable d’assumer ses responsabilités. Ce personnage mérite des baffes à longueur d’albums, il faudrait lui dévisser la tête… Seulement, Lupus lui se complait dans son rôle de souffre-douleur, il se rachète une bonne conscience dans le sacrifice. Il ne couchera pas avec elle, ne vivra pas avec elle, il en fait son deuil et traîne sa rancœur et sa passivité pour notre plus grand énervement. Il se laisse utiliser et nous renvoie une image détestable, celle de notre propre situation d’impuissance de lecteur. Personne ne viendra nous aider, aucun Bertrand Cantat ne viendra dans la station corriger cette emmerdeuse et expliquer la vie à Lupus. Le seul qui aurait pu le faire s’appelait Tony et il est mort. D’ailleurs il n’est pas innocent de la part de l’auteur de faire coucher Saana avec l’incarnation de la figure virile et bourrue (le militaire) tandis qu’elle se refuse à la figure moins affirmée de Lupus. En bonne créature du Serpent, elle manipule les hommes et utilise le meilleur de chacun d’eux, sans s’impliquer réellement.C’est une vision sexiste de la femme (qui revendique d’ailleurs à haute voix les taches ménagères comme soulagement de l’esprit, alors que l’homme lui fait de la mécanique).

Par sa position centrale, et surtout par ses ressemblances avec le personnage féminin des Pilules bleues, elle semble incarner davantage qu’elle même. La tentation est forte de voir à travers elle ce que Peeters pense des femmes. Un constat peu nuancé les autres figures féminines représentées que sont les mères : protectrices, étouffantes, à la relation sans enjeu (seul le rapport au père compte pour Tony et Lupus), dans le dolorisme passif, et surtout au foyer… évidemment.

 
Vous ne pouvez pas savoir
 

Surtout si vous lisez ses livres

Par Stéphane

Ceux qui n'ont jamais rencontré Wandrille ne peuvent imaginer à quel point l’homme est bourré d'humour (tout court aussi, parfois).

Ayant eu l'occasion de travailler quelques heures en sa compagnie pour la chaîne Album, je peux vous attester qu'il sait se montrer hilarant. Alors, pour ceux qui lisent ses productions, je ne saurais que trop vous conseiller d'aller regarder sa profession de foi, nouvellement publiée, et le découvrir sous un nouveau jour, plus sympathique, celui d'un esprit vif et sarcastique. Cet article fut rédigé sans Smiley, conformément à la charte de ce blog

 
Rapport qualité/prix
 

Par Stéphane

Ma mère disait souvent, pour parler de ses trés rares emplettes vestimentaires : "Moi, je préfère m'acheter peu de choses, mais des belles choses".

Une hérésie comportementale que je devais vérifier, à l'âge de quinze ans, par son acquisition enjouée d'une encyclopédie avec minis-disques vynil des meilleurs enregistrements audio de l'Histoire (oui oui, je me suis tapé De Gaulle et le 6juin), qui devait me permettre de mieux reussir mes études (tu parles Charles). Cinq ans de crédit qui privèrent le foyer de quelques plaisirs comme un amiga 500,  un Skate board de qualité, et retardèrement considérablement mon accès à la  console de jeu sega mégadrive... Depuis ce puissant trauma, j'ai bien du mal avec les objets de qualité, tout en étant puissamment attiré par eux. Une névrose qui me poursuit jusque dans la BD.

Petite expérience vidéo de débat  éditorial matinal, donc pas frais. Avec toujours les mêmes règles : une idée, une prise, et les contraintes inéluctables de ce genre d'exercice (voix qui part en vrille, répétitions, absence de rythme..). Vous me pardonnerez j'espère mes égarements vocaux. La suite du débat se fera évidemment par commentaires interposés…

 
Spiegelman de retour au New Yorker
 

Par Stéphane

J'en avais déjà parlé ici, un journal iranien a lancé un concours de caricatures sur les juifs, geste maladroit et mesquin chargé de démontrer par l'expérience la suscéptibilité face à l'humour raciste (Ne l'oublions pas, cela a été peu dit en France, mais le Jyllands-Posten qui publia originellement les caricatures de Mahomet est un journal danois d'extrême droite). Beau pied-de-nez, le concours a été détourné par de petits groupes de dessinateurs juifs qui ont décidé de prendre les devants.

C'est cette semaine au tour d'Art Spiegelman d'y participer avec plus de talents et de reussite. Dans le New Yorker ou Courrier International, au choix, se trouvent trois dessins de  l'auteur de Maus. Les voici scannés pour vous dans la suite. Cliquez pour les voir en plus grand.

Ci-contre: "Que ça te serve de leçon Abie - il est interdit de représenter le profit."

A gauche: Ma solution finale pour le concours iraniens de dessins antisémites "Ha! ha! ha! Ce qui est vraiment hilarant, c'est que rien de tout ça n'est vraiment en train de se passer. "

 

A droite: "c'est drôle, vous ne faites pas juif"

 
L'éprouvette n°1 est distillée
 

Un peu de carburant pour nos cerveaux

par Vlad

Ilest arrivé avant-hier ! Je l’attendais avec impatience ! Un critique denos relations en avait ramené un d’Angoulême et m’avait bien mis l’eauà la bouche en m’en lisant quelques passages délectables ! Le numéro 1de la nouvelle revue théorique de L’Association est disponible !

L’objet est à la hauteur de mes attentes.

Comme on peut le voir sur la vidéo ci-dessous, il est bien épais, bien imprimé, doté d’une belle maquette… (Lavidéo est privée de son, mais ce vous montre mon doigt boudiné c’estque le n° d’ISBN est bien dissimulé à l’intérieur, au sein d’ungénérique-ours facétieux, ce qui a beaucoup agacé nos voisins librairesde neuf, gestion informatique normalisante oblige, mais qui nous a bienamusé nous). Le tout à un prix raisonnable (20 €).

Ce premier numéro prolonge la réflexion entamée avec dynamisme et clarté par J-C Menu dans son ouvrage paru l’an passé : Plates-bandes (pourceux qui ne l’ont pas lu ce petit livre vilipendait les gros éditeursde BD qui empiètent sur le terrain de « l’Avant-garde », notion qu’ilpréfère à « éditeurs indépendants »).

Le volume mêle agréablement le distractif et le rélexif. L’humour de l’ensemble rendant plus digeste les passages les plus ardus (l’article Avant-garde & Monde-miroir, dans lequel Pacôme Thiellement tisse des liens entre Forest, Frank Zappa et Jacques Rivette a bien fait chauffer mes neurones atrophiés !). L’équipe rédactionnelle montre un souci constant de s’inscrire dans une continuité historique et surtout d’élargir son champ de références à l’au-delà du ghetto bédéïque. Ce qui est très plaisant dans ce projet, c’est que de même qu’il considère la bande dessinée comme un art qu’il faut traiter avec la considération qu’il mérite, il ne prend jamais les lecteurs pour des cons. Ainsi, le dossier consacré à la dédicaçomanie est davantage compatissant que réellement méchant. Il présente le grand mérite d’aborder ce phénomène comme une pathologie compulsive, soigneusement entretenue par les éditeurs. En tant que dealeurs professionnels nous pouvons témoigner de la justesse des observations ici recueillies (cf. notre note Le client drogué du jour) ! Outre ce dossier particulièrement jouissif, je vous recommande la très intéressante interview de Latino Imparato gérant du distributeur le Comptoir des indépendants (qui nous présente le point de vue d’une profession jusqu’ici pas trop consultée par les experts du microcosme) et la colère d’Yvan Alagbé (que nous partageons !) quant au saccage de l’œuvre de Ben Katchor par Casterman (Julius Knipl en collection Ecritures).

Il est probable que la presse ne retiendra de cette entreprise que les bordées d’insultes que J-C Menu distribue avec générosité à différents protagonistes du monde de la bande dessinée. Il faut bien dire que l’éditeur n’a pas peur d’accroître la liste des ses ennemis et que la question de l'art semble pour lui vitale ! Il ne faudrait pas que l’anecdotique prenne le devant : l’éprouvette (que l’on se retrouve ou non dans les vues qui y sont exprimées) est ce qui est arrivé de plus stimulant intellectuellement dans le petit panorama du discours sur la bande dessinée depuis les premiers numéros de la revue 9e art.

 
Avant-première: le nouveau C. Montellier
 

Voici donc en exclusivité quelques planches du prochain livre de Chantal Montellier à paraître en avril chez Actes Sud, à l'occasion du vingtième anniversaire de l'explosion du réacteur nuclaire de la base de Tchernobil, en ex-URSS.

De prime abord, c'est un chef d'oeuvre qui va nous tomber dessus, sombre et documenté.

Les images dans "la suite"... et merci T.G.

cliquez sur les images pour les avoir en plus grand ou les enregistrer. ps: ces images ne sont pas encore finalisées... comme vous aurez pu le remarquer.

 
Petite histoire du grand Texas
 

Dallas et dynasties...

par Vlad

Cette semaine j'ai lu un livre qu'un ami m'a offert à... Noël. Oui, moi aussi j'ai des piles de livres qui s'accumulent sur ma table de nuit. Il s'agit de Petite histoire du grand Texas écrit par Grégory Jarry et dessinée par Otto T., publiée par les éditions flblb (12€).Je ne connaissais pas ces auteurs (visiblement des piliers de flblb) et je n'avais pas entendu parler de cet ouvrage...sorti l'été dernier.  Pourtant il faut croire que de vrais libraires l'avaient vu passer puisque l'exemplaire qui est désormais en ma possession porte un ex-libris de la librairie Super-héros... (Ah ! ils sont forts de l'autre côté de la Seine !). Il n'est jamais trop tard pour dire du bien d'un livre. Même s'il n'a pas eu besoin de nous vu qu'il est désormais indisponible ! Des hordes de salopards altermondialistes semblent en effet avoir rafflé toutes les premières éditions à des fins de propagande anti-impérialiste ! Misère !Tout d'abord ce livre est plaisant par son apparence : c'est un bel objet, fabriqué avec soin, doté d'une belle impression en bichromie, d'une format à l'italienne atypique mais maniable et d'une couverture malicieuse. En ces temps de standardisation effrénée, c'est à mes yeux un atout. Certains au vu du dessin diront que leur fille de trois ans en fait autant. Je leur dirai alors que je vais monter un maison d'édition pour signer un contrat d'exclusivité avec cette gamine. Ah ! Je me rappelle la tête de mes amis lorsque je leur conseillais la lecture de Trondheim il y a plus de dix années ! ("Lewis Trondheim... Il est aujourd'hui le premier !")

Le titre indique clairement le contenu : un historien qui se présente comme texan malgré son patronyme surprenant (Mohammed Ben Youssef) raconte l'histoire de son pays devant une caméra. Le point de vue de ce distrayant manuel historique est, au vu des dernières évolutions de la situation mondiale, de considérer que les Etats-Unis (et par conséquent le reste du monde) sont une excroissance du Texas...

Le dispositif est assez simple : le texte de la conférence est dactylographié en haut de chaque planche, tandis que les dessins s'imposent en commentaires jamais prévisibles.C'est donc trois histoires différentes du Texas (le véritable berceau de l'humanité) qui vont se dérouler sous nos yeux sur 7 chapitres et environ 70 pages (elles ne sont pas numérotées et je ne vais quand même pas les compter !). Le texte est une propagande patriotique, raciste et décomplexée, parfaitement révisionniste comme nous y ont habitués les tenants du pouvoir étasunien (politique et militaire) que ce soit à l'encontre des rouges ou des terroristes. Le dessin, patient travail d'épure suggestive, se charge de rétablir une vérité historique, forcément synthétique et outrancière, mais dont la pertinence s'impose. La troisième histoire est celle qui naît de la confrontation de ces points de vue antagonistes.

Le livre se permet également, par ce procédé, de nous faire rire à trois reprises :- Par le texte, qui tenant à la fois de Bart Simpsons et de Pierre La Police est assez irrésistible ("les Espagnols mangeaient de la paëlla, une nourriture infecte avec des bouts de coquilles de moules").- Par le dessin dont la tournure extrêmement synthétique produit de petites marionnettes gesticulantes, ce qui souligne avec pertinence les ressorts du comique (outrance et répétition mécanique).- Et évidemment par le décalage soigneusement réglé entre le discours et sa supposée illustration, ce qui est un procédé bédéïque fort connu (mais ignoré de E. P. Jacobs), mais utilisé ici avec gourmandise.

Un ouvrage à la fois drôle, beau et atypique, qui plus est réellement fort instructif d'un point de vue historique... Et en plus indisponible : un rêve de collectionneur. Dépêchez-vous, il doit bien en rester sur quelque provincial rayonnage.

 
Spécial Gipi
 

C'est une première, pas parfaite. Néanmoins laissez-vous aspirer quelques minutes par la délicatesse d'un trait cassant, recouvert dans un second mouvement d'un fébrile tissu de ouates grises. Un prix de l'Alph Art comme rarement mérité.

Gipi dédicace 2

A completer d'une trés enrichissante  interview de Nis, et d'une visite sur le blog italien de l'auteur