Publications dans Février 2014
VAMPIRE QUE ÇA TU MEURS.
 

 Vampires est une série de deux albums qui recueille de nombreuses histoires courtes sur le thème -assez évidement- des vampires. S'intercalent entre ces histoires des illustrations exclusives souvent assez marquantes.

En introduction du premier volume une histoire étonnante de Joann Sfar qui appuie très fort sur la grosse parodie américaine. Elle est plutôt réussie et fera pouffer les amateurs éclairés de Batman mais ne donne pas du tout le ton du panel. En conclusion du second volume une histoire peinte de Fabrice Neaud qui ne fait comme à son habitude pas dans la dentelle quand il s'agit de dépeindre la pulsion homosexuelle mais la mélange avec finesse au récit vampirique malgré un choix narratif très... frontal. Entre les deux: une majorité de récits surprenants (ça n'est jamais vraiment gagné dans un recueil) et si les auteurs n'ont pas la possibilité d'opérer de grands chambardements du mythe, ils prennent efficacement le parti d'en jouer en arrivant à le travestir avec inventivité.  Tels les auteurs d'un Eerie moderne, les participants à ces deux ouvrages collectifs mettent l'accent sur le détournement et le twist final. Lorsque l'histoire n'est pas une parodie c'est un pastiche et nombre des récits de la série ne manquent pas d'humour.

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   Si nous devions citer tous les auteurs prestigieux qui apparaissent au détour de chaque page, vous seriez vite noyés. [1]Selon mes petites préférences je pourrais choisir de mettre en avant la belle illustration de Mike Mignola ou l'histoire méta-vampirique un peu balbutiante mettant en scène une chasseuse de suceurs de sang qui, à cause d'un quelconque Dracula, loupe son casting pour jouer... Buffy la chasseuse de vampire. Pour le reste, à vous de le découvrir rue serpente.

Vampires, 2t, éditions Carabas, 2001 et 2002, épuisé, 25€

Si toutefois vous restez attaché au vampire romantique ou que par  un hasard incroyable vous sortez comme moi d'une séance de Only lovers left alive, vous préférerez vous pencher sur les deux tomes de la série Blood qui fera surement l'objet d'un article plus tard mais que vous pourrez trouver en attendant rue serpente.

[1] Lauffray, Talbot, LLoyd, Bacchalo, Mignola, Edwards, Springer, Sevestre, Yoann, Sfar, Alice, Wendling, Gianni, Pion, Caza, Recht, Parel, Marazano, Neaud, Wendling à nouveau, Hubert, Duprat, Morvan, Buchet, Moynot, Chabouté, Bengal, Carré, Rossi, Lacroix, Johanna, Macé, Tarquin, Delmas, Druillet, Recht again, Labiano, Vervisch. On vous avait prévenu.

 
ÉTRANGE ET STRANGE
 

Quelques aaapoumiens à l'humeur archéologue ont décortiqué ces dernières semaines de nombreux Strange, Spécial Strange et autres séries d'époque.  Entre deux genèses, ils ont fait quelques découvertes étonnantes. En voici trois :

Deadpool Mini-séries une et deux

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Deadpool est un personnage qui apparaît dans le Titans N°155, bien décidé à faire la peau à Nathan Summers alias Cable. Il dispose d'un bagou déjà ravageur mais de peu d'autres spécificités. Il revient ensuite sporadiquement dans divers autres séries, gagnant petit à petit en popularité.

Planqués dans les numéros 304 à 311 de la revue Strange se terrent les épisodes des deux premières mini-séries Deadpool, qui posent de manière abrupte le personnage (ça semble habituel à l'époque) avant de lui laisser finalement une série totalement dédiée par la suite. Créés  par Fabian Nicieza / Joe Madureira puis Mark WaidIan Churchill, ces deux arcs narratifs complets répondent à des épisodes d'X-force parus quelques années auparavant mais qu'il n'est pas nécessaire de dégoter pour autant. Deadpool y est déjà ce qu'il devrait être. Les personnalités multiples et le 4e mur en moins, me semble-t il, mais tout est en place pour que ces deux éléments apparaissent sans à-coups et sous peu. L'ambiance y est moins délirante, plus poussiéreuse ; l'anti-héros étant tout de même un mercenaire pur et dur avant de partir en vrille. Entre Sarajevo, la France, le Caire et l'Inde, Deadpool affrontera entre autre le Fléau dans une course poursuite internationale aux enjeux potentiellement faramineux, puis défendra son intégrité physique pendant que son intégrité mentale se fait la malle.  Notre petit pack se révèle bien pratique car ces épisodes n'ont pour le moment jamais été réédités.

Il parait que Mark Waid a dit au sujet du personnage: "Franchement, si j'avais su que Deadpool était à ce point un pauvre mec quand j'ai accepté d'écrire la mini série, je ne l'aurais pas fait." (Frankly, if I'd known Deadpool was such a creep when I agreed to write the mini-series, I wouldn't have done it.) Admettez que ça donne au personnage un petit caractère.

Strange 304 à 311, 55€Titans 155, 3€

X-men contre vengeurs

Vous seriez en droit de vous demander si Marvel ne nous a pas fourni avec le récent crossover AvsX une simple resucée de cette histoire. Et bien pas du tout. Dans cette aventure complète de 1988, les X-men fédérés autour d'un Magneto repenti (tandis que Charles Xavier explore les étoiles) affrontent popovs et vengeurs qui voudraient naïvement que Magnéto paye quand même un peu pour ses crimes contre l'humanité. On retrouve un même schéma de prise de position autour d'une entité surpuissante divisant l'opinion puis un clivage similaire avec des X-men se regroupant autour du problème en face de vengeurs qui imaginent détenir toutes les réponses du monde et pensent pouvoir tout gérer par eux même. Les changements les plus marquants et de fait les plus cocasses sont induits par la période politique ayant vu la création de ce comics. Tout est dorénavant un peu désuet mais le scénario et les répliques ne manquent pas de charme.

X-men contre vengeurs, un Récit Complet Marvel de  Stern, Rubinstein et Silvestri, 15€

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X-men Days of the futur past (futur antérieur)

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Quelques initiés savent que le second film X-men (celui de 2003) est tiré d'un arc narratif très apprécié appelé God love, man kills.

Nos archéologues du début de l'article ont découvert en rayon deux Special Strange, les numéros 35 et 36 contenant des épisodes d'Uncanny X-men étrangement similaires au pitch du prochain film Days of the Futur Past. Il s'avère après vérification que ce sont en effet ces deux épisodes qui servent de base au film. Quelques petits ajustements ont été fait à cause de l'inattendue notoriété cinématographique de Wolverine mais l'idée est la même. Et ça rend très bien en comics. L'histoire que je ne vous révélerai pas ici est audacieuse. La rupture tant narrative que d'ambiance avec les arcs adjacents lui donne une force toute particulière. C'est normal, c'est du Chris Claremont & John Byrne! Le site marvel-world nous apprend d'ailleurs qu'en 2001, la première partie de cette histoire fut élue vingt-cinquième meilleur comics de Marvel de tous les temps.

X-men futur antérieur, Spécial Strange N°35 et 36, €

 
BAP CAVE, LES COMICS DU SOUS-SOL
 

Je sais nos lecteurs rêveurs patentés tandis que nos collectionneurs ont plus la tête dans leurs listes que dans les nuages. Je remarque de ce fait qu'il leur fut aisé de manquer la découverte de notre sous-sol et malgré un panneau qui se veut visible et informatif, la question revient souvent: "Mais qu'y a-t il donc dans votre cave?" Ou plus prosaïquement: "Y'a quoi en bas?"

Beaucoup de choses. Des soldes, des occasions, des BDs à 3€ ou même à moins. Et puis des comics. C'est la dessus que je vais vous éclairer pour le moment. Et oui, 1€, 2 ou 3, c'est possible même pour autre chose que des fascicules Gen 13. Outre notre rayon phare de "comics divers" qui contient des fascicules aussi variés que du Spawn couplé à des Strange et un poil de séries Wildstorm par exemple, le sous-sol se pare régulièrement de nombreux albums américains. Entre Martha Washington et Danger girl, voici une sélection de titres qui prouve que, six pieds sous terre, il n'y a pas que des séries décomposées.

Patrimoine: The Punisher, cercle de sang: T1 la nuit du massacre. 1€

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Publié en France en 1989 par comics USA, il est le 15e album de leur collection "Super-héros". Ce titre se fait très discret dans notre boutique alors que sa présence en pile remonte déjà à un certain temps. En cause ? Surement sa couverture un peu trop rétro qui a du mal à réveiller la flamme du massacre dans l'œil de l'amateur des Punisher de Dillon/Ennis.  Pourtant cet album, qui est le premier du triptyque Blood circle , représente un pas important dans la carrière du punisseur.

En effet, le cercle de sang est la toute première mini-série offrant la place de personnage principal au Punisher. Il avait bien fait quelques apparitions auparavant (ne serait-ce que pour tenter de dessouder Spider-man en 74) mais jusqu'en 86, date de parution américaine, il n'était bien qu'un personnage secondaire (quoi que pressenti pour un plus grand rôle depuis fort longtemps).

L'entrée en matière est rude pour le personnage comme pour le lecteur qui découvrait alors probablement le Punisher. Enfermés à Ryker's, la tête embrumée et les poches vides de tout leur arsenal habituel, lecteur et héros tentent de reprendre pied et de saisir toute l'ampleur de la situation alors qu'ils sont jeté sans ménagement en plein milieu d'une intrigue qui se révélera ensuite par petites touches efficaces.  Étonnamment, pas de dilemme moral pour le Punisher malgré des alliances contre nature. Il sait ce qu'il fait. Être coincé avec les malfrats qu'il prend plaisir à abattre habituellement n'est pas source de doute: il doit sortir à tout prix de prison. Pour ce faire, il utilisera tous les "moyens" à sa disposition. Et si des prisonniers s'échappent avec lui, ils tomberont bien entendu dans le cadre de sa répression musclée. Il ne réfléchit pas sur le système carcéral et sa potentielle force de pénitence mais suggère en creux que la prison est un lieu suffisamment contraignant et limitant pour qu'il n'ait pas à y agir comme à l'accoutumée.Vous retrouverez dans cette aventure quelques clichés mais découvrirez dans la foulée que de vieilles ficelles peuvent parfois éveiller la meilleure des scènes.

Les postures dessinées par Mike Zeck sont un peu raides et il leur arrive d'en devenir très drôles mais à l'inverse, certains effets de mise en scène sont très marquants et quelques cases révèlent un coup de plume intéressant. Le Punisher oscille durant tout l'album entre l'allure thoracique d'un Schwarzenegger et le visage plus allongé d'un Nicolas Cage, ce qui, rajouté à quelques expressions faciales un peu gueulardes fait tanguer l'aura du personnage d'aventurier mouillé dans de sales combines à salopard judge dreddien.

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Modern Love: American Virgin T1 tête, 3€

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Un jeune prêcheur abstinent extrêmement convainquant part à la recherche de réponses quand sa fiancée se fait décapiter en Afrique par des terroristes. Les premières pages montrent très efficacement le monde rigide et superficiel de la foi-spectacle américain mais cette critique goguenarde se transforme vite en road trip rageur. "Face à des tueurs à gages, des paparazzi, la pornographie et la voix de Dieu en personne, Adam découvre un monde spirituel totalement inexploré", nous dit la quatrième de couverture. Pour l'instant, il découvre surtout la masturbation et un monde sans aucune pitié face auquel il n'est absolument pas préparé. De la pudibonderie américaine exacerbée à la crasse d'un monde en rébellion, nous assistons à la déchéance de l'ange qui ne trouvera jamais vraiment les bonnes réponses.

La série est constituée de 3 tomes aux USA mais le T.1, Tête, seul album paru chez Panini, se suffit convenablement à lui même, ne demandant de faire aucune impasse à celui qui accepte l'indécision d'une fin ouverte discrète.

Frank Quietly a dessiné de magnifiques couvertures qui sont fort heureusement présentées tout au long de l'album. Ça aurait été bien dommage de les manquer.

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Fan fiction officielle: Ultimate X-men et Ultimate Spider-man, collection prestige 4€

Les aventures des super-héros de la ligne éditoriale ultimate prennent place dans un "A/U", un alternate universe (univers alternatif) officiel qui a permis aux auteurs lors de sa création dans les années 2000 de faire fi de toute continuité et de se lâcher complétement comme les petits fanboys qu'ils sont tous au fond d'eux. Réinvention des origines, rencontres différentes, méchants... remixés, tout est modifié. De nombreuses séries sont touchées, dont les X-men et Spider-man qui nous intéressent ici plus spécifiquement. Quelques années plus tard, on a pu retrouver le début de ces aventures alternatives dans un format plus étonnant. Cartonné de la taille d'un franco-belge, chaque album de la collection prestige reprend de manière bien ordonnancé le contenu des fascicules sortis en kiosque.

 Non loin de nos Battle Chasers et de nos Witchblade édition USA, nous avons disposé quelques piles de ces aventures des ultimate X-men et d'ultimate Spider-man en édition prestige. Rien ne se perd, rien ne se crée, pas même une petite préface: vous n'aurez droit qu'a des aventures pures et dures. Mais quelles aventures: Mark Millar et Adam Kubert chapeautent les débuts de ces nouveaux X-men tandis que Brian Michael Bendis s'occupe de Spidey. Vous pourriez en vrac être témoin de la première rencontre des X-men avec le Shield ou de la première apparition de Gambit. Vous pourriez apprécier la conclusion d'un combat qui amena Spider-man à se remuer la caboche pour mélanger pouvoirs totémiques et héritage de l'atome. Vous pourriez découvrir que Cyclope n'a jamais eu de bonnes notes à l'institut Xavier, hormis lorsqu'il fallait faire preuve de leadership et vous dire que c'est peut être une des racines les plus profondes qui font des événements récents (Schisme et AvsX) de simples conséquences paroxysmiques logiques voire annoncées.

Chaque album coûtait à l'origine 10€50.Loin de ternir le prix du prestige, nous avons plutôt choisi de le rendre plus accessible, à 4€.

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PROMO YOKO TSUNO
 

Le sous-sol aaapoumien vient de voir ses étagères complètement chamboulées par de nouvelles piles.

Parmi celles-ci les six premiers tomes de la série Yoko Tsuno en réédition broché moderne. Nous avions prévu de les mettre à 3€ mais pour fêter leur arrivée, vous y aurez droit à 2€50. Cette petite offre sera valable pendant un mois, donc jusqu'au samedi 22 mars. Ça peut vous sembler modeste mais imaginez ces 50 cents se répercuter sur les 6 volumes.

Rappelez vous que la série est un grand classique et non sans raison. Elle suit deux grands axes à ses débuts: un album sur deux est consacré à des aventures spatiales qui construisent un univers extraterrestre complexe et solide. L'album d'après a presque invariablement trait à de nouvelles technologies, du moins telles qu'on les vivait dans les années 1970. Le charme kitsch de la science fiction de cette époque...

À noter qu'après le T13, la série perd un peu de ses qualités. Nous vous faisons donc profiter des meilleurs album, en fait.

Les autres nouvelles piles sont à découvrir par vous même car il faut bien préserver un peu du suspens qui vous étreindra à la descente prochaine des marches qui mènent à la cave.

 
ARRIVAGE THE HOOCHIE COOCHIE
 

Arrivée simultanée des deux revues du catalogue The Hoochie Coochie : l'épais Turkey Comix n°22 et l'oblong DMPP n°10.

Turkey Comix 22. 280 p. (tiens, ils ont numéroté les pages sur ce livre !), noir & blanc avec un cahier couleurs et un poster couleurs encarté, jaquette en gravure deux passages, 20 €. EAN : 9782916049397. Je ne l'ai pas lu en entier mais j'ai noté la présence de Joe Dog, la férocité de L.L. de Mars, un exorcisme autobiographique de G. Ducatez qui règle certains comptes avec ses parents.

DMPP #10. 216 p. noir & blanc avec un cahier couleurs, 15 €. EAN : 9782916049403. Parmi de nombreuses choses, je me suis penché sur une interview de Ben Katchor, forcément intéressante même si l'homme se montre froidement technique et ne semble pas vouloir déployer en entretien le même humour que dans ses planches. On y apprend plus sur ses œuvres-conférences. On trouve aussi un reportage sur des prostituées en Russie fait par Viktoria Lomasko, une artiste-reporter russe que l'on va prochainement revoir chez The Hoochie Coochie.

Si une partie de la production de The Hoochie Coochie me laisse totalement de glace, on ne peut dénier à cette maison d'édition une grande cohérence éditoriale, une enviable persévérance, la joie d'expérimenter sans se reposer et le souci de faire de beaux livres difficilement séparables de leur condition matérielle. Vous pourrez trouver une grande partie de leur production dans notre boutique de la rue Serpente, avec évidemment ces deux nouveautés.Retrouvez le catalogue de The Hoochie Coochie sur leur site, qui allie efficacité et élégance.

 
L'ÉTINCELLE DE PARK TAE-OK ET CHOI HO-CHEOL
 

Une histoire vraie

Quand on parle de la misère et des conditions de vie des classes laborieuses, on évoque souvent Dickens. Moi je n'ai jamais lu Dickens, alors je ne vous dirais pas que L'Étincelle est une histoire à la Dickens. En revanche j'ai vu beaucoup de Ken Loach et j'ai même un peu lu Fredrich Engels, alors je suis en mesure de déclarer que L'Étincelle de Choi Ho-cheol et Park Tae-ok peut s'inscrire dans cette filiation. On y pleure presqu'autant qu'en regardant Princesse Sarah mais on en sort avec une plus grande rage combative.

Jeon Tae-il est né en Corée du sud juste avant la guerre civile qui pérennisa malheureusement les frontières héritées de la Seconde guerre mondiale. Malgré les efforts de ses parents pour faire perdurer leur activité commerciale de tailleurs, la richesse et le confort restent inaccessibles. C'est même la misère totale lorsque le père se fait arnaquer et que la boutique familiale se retrouve en faillite. Le paternel sombre dans l'alcool et la mère tombe malade. Tae-il est alors un jeune adolescent qui doit s'occuper de trouver de quoi nourrir les siens... avec un petit frère et deux petites sœurs, ce n'est pas évident. Ce n'est pas joyeux. Il essaie à peu près tout ce qui est de son ressort : fouiller les poubelles, vendre des journaux à la criée, des parapluies, cirer les chaussures, faire le colporteur de bricoles...

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Les réactions de mépris de ceux qui refusent de voir ses efforts sont assez écœurantes et l'heure n'est pas aux triomphes des organisations syndicales et des organisations de solidarité.  La société sud-coréenne des années soixante est assez marquée par la victoire de l'idéologie capitaliste qui ne fera que s'accentuer par la suite, la dictature militaire qui s'installe durablement à partir de 1961 n'arrangeant évidemment rien. Un féroce anticommunisme d'État, facilité par la menace nord-coréenne, permet d'empêcher toute revendication des travailleurs. Ces derniers ont face à eux des patrons très soudés pour étouffer dans l'œuf toute contestation et qui n'hésitent pas à user de violences avec le soutien total de la police et du gouvernement.

Plus tard Tae-il deviendra en effet syndicaliste et sacrifiera sa vie de manière mémorable pour attirer l'attention sur les conditions de travail déplorables des ouvriers sud-coréens. Mais ce n'est pas cette période qui est retranscrite dans les deux tomes de L'Étincelle. Juste ses jeunes années d'enfant des rues... et c'est déjà bien assez éprouvant.Les détails de la vie quotidienne sont très bien rendus, ainsi que les caractéristiques si particulière de l'urbanisme coréen d'alors, fait d'une infinité de ruelles courant sur les pentes de petites collines. Les couleurs des albums ne sont pas très heureuses, hélas. Informatiques et mollassones, elles ne mettent guère en valeur le dessin, pourtant expressif et sans surcharges.Jeon Tae-il deviendra un figure exemplaire pour les travailleurs coréens en lutte dans les décennies qui vont suivre sa mort. Cette période n'est pas traitée par la bande dessinée, mais si cela vous intéresse, vous saurez vraisemblablement dénicher le film  A Single Spark : Jeon Tae-il que lui consacra  Park Kwang-su en 1995. Très intelligemment, ce film entremêle les cinq dernières années du héros de la classe ouvrière avec la vie d'un intellectuel, opposant au régime, qui cherche justement à écrire un livre sur Tae-il, cinq ans après sa mort, afin que son sacrifice ne soit pas oublié. Presque sans chichis et avec une certaine mesure dans le pathos, ce film est un excellent complément à la bande dessinée.

L'Étincelle ne semble pas avoir rencontrer un grand succès lors de sa parution en France, en 2008 et en 2009, mais ce relatif désaveu ne doit pas vous décourager. Cette lecture est très instructive, notamment grâce aux excellentes préfaces de Robert Chesnais qui présente bien le contexte historique.

Nous avons l'honneur de vous proposer quelques packs regroupant les deux tomes pour la somme de 15 € au lieu des 48 € initiaux en neuf ! Si ce tarif prolétarien vous indiffère et que vous souhaitez uniquement acheter le tome 1, c'est également possible, mais pour 9 € (au lieu de 24 €).

L'Étincelle T.1, L'Enfance de Park Tae-ok et Choi Ho-cheol, Vertige graphic, 2008. EAN : 9782849990551L'Étincelle T.2, L'Ange de la rue de Park Tae-ok et Choi Ho-cheol, Vertige graphic, 2009. EAN : 9782849990674Cet article m'a convaincu, j'ai très envie de m'acheter un pack L'Étincelle à 15 €, mais j'habite assez loin du 6e arrondissement parisien : j'appuie sur le bouton rouge...[button link="http://aaapoum.com/boutique/product.php?id_product=455" color="red"] L'Étincelle[/button]

 
RAGEMOOR DE R. CORBEN ET J. STRNAD
 

Ragemoor est une histoire horrifique, certes, avec des êtres humains qui deviennent fous et de moins en moins humains. Mais c'est surtout très drôle. Le grandiose est ici, comme souvent avec ces auteurs, parfaitement accoquiné avec le grotesque. Le personnage principal est d'une naïveté et d'une stupidité confondantes, mais largement excusable par son éternel isolement. Tel Perceval le Gallois, Herbert ne connait rien du monde extérieur et voit dans une prostituée matoise une gente dame aux nobles sentiments... mais le personnage de Ragemoor ne possède par contre aucune des qualités offensives propres au chevalier, et ses efforts héroïques s'avèrent délétères. Le personnage du domestique, le "fidèle Bodrick", bien plus entreprenant et efficace, est un régal.

En lisant Ragemoor, "une histoire à la Poe, à la Lovecraft" selon le souhait du dessinateur, on a effectivement l'impression d'avancer en terrain connu, d'écouter une variation sur une histoire connue depuis des temps ancestraux et brumeux, ce qui ravira les amateurs du genre et du maître. Ce récit aurait pu être fait tel quel dans les années 70, à ceci près – mais peut-être cette impression est-elle dûe au fait que je n'ai pas relu de vieux Corben depuis quelques années – que le caractère auto-parodique m'a paru plus appuyé.

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Techniquement, tel que le faisait remarquer Frédéric Poincelet dans le Kaboom n°3[1], Corben vient partiellement recouvrir son trait noir d'un voile gris informatique cherchant à modeler la surface. Ce procédé est très étrange et froisse un peu l'œil. À mon sens, loin de créer de la profondeur, il créé surtout un trouble irréalisant. En effet, le masque gris transparent semble appliqué à la truelle, débordant çà et là, n'englobant pas l'entièreté d'un trait et ne répond en apparence à aucune logique... Est-ce un calcul ?  de la négligence ? Je ne saurais répondre.

En tous cas, voilà une histoire agréable à lire si l'on aime les trucs dégueux, et très bien imprimée. Peut-être trop bien imprimée : les noirs bien noirs et le papier glacé font ressortir les bizarreries esthétiques sus-mentionnées. Le livre est agréablement maquetté, agrémenté d'une préface de François Truchaud, qui signe la traduction, et d'un court entretien avec les auteurs par Roger Ash. Notons également la présence des quatres illustrations couleurs pleine page faites pour les couvertures des fascicules originaux étatsuniens et quelques planches de croquis et de recherches graphiques.Le livre mérite donc amplement ses 20 € et vous pourrez le trouver chez nous incessamment.

Ragemoor de Richard Corben et Jan Strnad, éditions Délirium, 120 p. n&b, 20€.EAN : 9791090916111

[1] Richard Corben, un dessin monde, dans Kaboom n°3, 2B2M, novembre 2013, 6,95 €. Il est à ce propos amusant de noter les différences entre la réponse que fait Corben à Poincelet et celle qu'il fait à Ash dans l'entretien à la fin de l'album, sur la question du choix du noir et blanc pour cette histoire.