Publications dans 2011
Marco Nizzoli (1) : Raymond Capp
 

"— Oh Ray ! Toutes ces émotions m'ont excitée. Embrasse-moi !"

Le style "sous-mœbius" est quasiment un genre bédéïque en soi et qui mériterait d'être analysé, car à travers lui, c'est un pan de l'histoire du neuvième art que nous pourrions retracer. Marco Nizzoli est un dessinateur italien qui avait 20 ans quand l'Incal de Mœbius et Jodorowsky a pris fin. Cette lecture a profondément marqué l'œuvre qu'il réalisa avec son compère Federico Amico au scénario : Raymond Capp.

Il est inutile de crier au plagiat tant la référence est évidente. Il s'agit d'un polar cyberpunk extrêmement classique, qui se veut un démarquage futuriste des enquêtes de Philip Marlowe, exactement comme l'Incal noir, le premier volume des aventures de John Difool, mais avec en plus une orientation réseaux informatiques formant dimension parallèle – la fameuse "matrice" – qui n'intéressait pas encore Jodo à l'époque. On retrouve ainsi éparpillés dans Raymond Capp divers motifs tant graphiques que scénaristiques de l'Incal, mais aussi d'autres œuvres de Mœbius en noir et blanc. John Difool s'appelle donc ici Raymond Capp, l'holo-maquillage s'appelle "générateur holographique", etc.

Les envolées mystiques de Jodorowsky sont ici réduite à un personnage assez grotesque qui s'exprime comme Yoda, et la tonalité est nettement plus terre-à-terre et vulgaire que dans la saga cosmique des Humanoïdes Associés. Ces réserves émises, l'exercie est assez réussi, et depuis Nizzoli a trouvé en France une sorte de consécration en travaillant avec Jodo sur le Monde d'Alef-Thau, prenant ainsi la suite d'Arno, un dessinateur qui poussa lui-même à la lumière moebiusienne.

La meilleure création de l'album, c'est ce groupe de terroristes critiques littéraires prêts à tout pour défendre la culture face à l'abrutissement des masses (masses auxquelles ils se sentent forcément infiniment supérieurs).

Raymond Capp de Nizzoli et Amico, environ 180 pages à vue de nez, Vertige Graphic 1994, 10€ en neuf, mais quelques exemplaires à 5€ vus à Aaapoum Bapoum.

 
Éloge des cimetières
 

Non ce n'est pas de la Bande dessinée !

Nous sommes tous des zéros satisfaits (2011) est un recueil de textes courts de l'écrivain italien Piergiorgio Bellocchio (né en 1931). Il y exprime avec esprit et humour une nostalgie combattive qu'il utilise comme instrument de lucidité. Il décortique le monde moderne à l'aune du passé et des potentialités détruites de ce passé. Il s'agit d'un ouvrage qui m'est extrêmement stimulant, mais qui ne trouverait pas sa place dans ces colonnes s'il ne contenait pas un excellent texte de 1983 sur les librairies de soldes dont je me permets de livrer aux curieux deux extraits :

"Mes rares achats, je les fais presque uniquement aux puces, dans quelque vieille librairie un peu négligente en matière de retours, ou bien chez les soldeurs.

En ces lieux comme ailleurs, 99% de la marchandise est de la cochonnerie, invendue parce qu'invendable : d'innombrables petits monuments – des pierres tombales – où la vulgarité et l'ignorance, l'insanité et l'escroquerie, qui se seraient bien contentées de faire illusion pendant une seule saison (le temps d'épuiser le tirage), sont condamnées à une embarrassante durée. Ce sont des lieux de justice où les auteurs et les éditeurs expient leur vanité, leur imprévoyance, leurs ambitions ratées."

(...)

"Il est néanmoins possible de faire dans ces cimetières quelques rencontres nettement plus agréables que celles qu'offrent les librairies, au-delà de leur avantage économique. Il s'agit de livres dont on ne m'inflige pas la publicité dans les journaux, dont je n'entends pas parler à la télévision, et dont je n'ai pas à lire les honteux éloges écrits par des critiques qui font semblant d'en rendre compte."

Le reste est également délectable, même lorsqu'il aborde des sujets qui me sont moins familiers.

Nous sommes tous des zéros satisfaits de Piergiorgio Bellocchio, éditions de L'Encyclopédie des nuisances, Paris, 2011, 160 p. 12 €.

 
Avengers Academy
 

Du bon divertissement Marvel

Le Marvel Heroes n°7 (nouvelle numérotation) sorti il y a un mois est agréable pour deux raisons. La première c'est qu'on nous a débarrassés, (contrairement à ce qu'on pourrait penser en voyant la couverture) de la pénible série consacrée au Hulk Rouge, personnage pitoyable aux origines grotesques et aux aventures consternantes. La seconde c'est que nous avons droit à une double dose d'Avengers Academy. Cette série récente, mettant en scène des personnages authentiquement neufs est de loin la meilleure de la revue et mérite à elle seule l'achat de ce titre en attendant une peu vraisemblable publication en recueil.

Une poignée d'adolescents à super-pouvoirs avait été prise en main par Norman Osborn au temps où ce dernier était le chef du monde (c'était le Dark Reign). Forcément Norman œuvrait pour faire de ces jeunes à problèmes de véritables super-vilains. Depuis, les bons ont repris le dessus (C'est l'Heroic Age) et ils se sont demandé ce qu'ils allaient faire de cette bande de jeunes pas forcément foutus... Naît alors la "Avengers Academy", créée pour canaliser, sous la férule de Hank Pym, le potentiel de ce groupe dans la bonne direction et tâcher d'en faire une éventuelle relève pour quand les Vengeurs seront trop vieux (ha ha !).

La principale tâche des bons scénaristes qui reprirent l'œuvre de Stan Lee fut d'insuffler un peu de nuance dans des personnages un peu bruts de décoffrage et pas toujours très subtils. Claremont s'en sortit bien en créant la seconde équipe des X-men qui mêlait nouveaux et anciens personnages. Miller fit des merveilles avec Daredevil. Plus récemment, des gens comme Morrison, Bendis ou Millar surent troubler le monolithisme de certains héros. Dans le cas de Avengers Academy, Christos Gage donne dès le départ une personnalité riche et ambiguë à une poignée de personnages nouvellement créés, avec lesquels il jouit d'une certaine liberté. Le résultat est brillant et fluide... Pas besoin pour lui de se compliquer la vie à essayer de rétro-insérer des traumatismes dans le passé de persos ultra-connus pour tenter d'en épaissir le vécu, processus parfois grippé par des manipulations couinantes qui laissent le vraisemblable sur le bas-côté.

Le résultat est une série qui se lit avec grand plaisir, aux dialogues impeccables, à l'humour rendant supportables les souffrances intimes d'adolescents perturbés au destin compliqué et subissant d'énormes pressions tout en tentant de devenir adultes. Gage met bien en relief les enjeux d'un suspense qui repose sur la fragilité mentale de personnages trop influençables car manquant de repères et d'expérience. Ici les principaux combats sont intérieurs.

Après un épisode 4 à la conclusion décevante car trop brusque et peu crédible, la série repart en beauté dans ce numéro de Marvel Heroes. L'épisode 5 nous montre "Foudre", un personnage qui semble n'être motivé que par le désir d'être célèbre, tandis que l'épisode 6 se concentre sur "Reptil" le nouveau chef de classe, en pleine crise de confiance en lui, qui tremble de voir son rêve d'héroïsme gâché par les ambivalences de la réalité.

 
EXPOSITION HITTINGER
 

CHRISTOPHER HITTINGER : 1 Sept -02 Oct

Chez Aaapoum Bapoum, on ne vend pas de neuf, ou presque. Vous trouverez l'intégralité du catalogue Cornelius, quelques livres du Lezard noir, de Vertige graphic, IMHO et de Hoochie Coochie. Hoochie Coochie, mais c'est qui eux?

Eux, ne tortillons pas des fesses, forment le groupe d'auteurs émergents le plus intéressant du moment. Et parmi eux, toujours, se trouve Christopher Hittinger, un auteur qu'on aime particulièrement et que Stéphane avait défendu très tôt pour son livre Les Déserteurs.

Aujourd'hui, ce même Christopher Hittinger publie un port-folio, vraiment beau: Les Géants, véritables figures fantasmés tirées des mythologies les plus diverses. On pense à Swift mais aussi à l'univers poétique de Shadow of colossus. Ces êtres hors-normes mal adaptés évoluent pourtant avec grâce dans notre univers.

Pour marquer l'évènement, l'intégralité des planches est exposée jusqu'au 02 octobre dans notre échoppe de la rue Serpente. Nous ne faisons pas de vernissage! Par contre, on fêtera dignement le décrochage, le 30 septembre, avec une séance de dédicace et notre traditionnel apéritif festif. En attendant, venez contempler et peut-être acheter l'un des impressionants dessins originaux de Christopher. Voici quelques photos piquées sur son blog pour vous mettre l'eau à la bouche.

Pour voir son blog, rendez-vous ici

 
disparitions
 

Francisco Solano López (1928-2011)

Et voilà, il a suffi que je parte en vacances pour que Francisco Solano López meure précisément ce jour-là, le 12 août... Et sur le blog d'Aaapoum Bapoum : rien ! Et pourtant ce dessinateur argentin figure en bonne place dans notre panthéon puisqu'il est l'auteur de la partie graphique de L'Éternaute, chef d'œuvre de la bande dessinée mondiale et de la science-fiction dont nous avons avec entrain soutenu la diffusion de la version française, éditée en 3 tomes chez Vertige Graphic. Le style de Solano López se caractérise par des visages très expressifs, des corps marmoréens envahissant les cases et un certain pointillisme dans l'ombrage.  Outre L'Éternaute, les lecteurs francophones ont pu lire de lui deux volumes d'Evaristo publiés il y a près de trente ans par Dargaud. S'il a un physique digne du Orson Welles de La soif du mal, le commissaire Evaristo n'en a pas toute la perfidie. Il promène son embonpoint musclé dans des affaires où il fait ce qu'il peut pour rester humain. Digne, mais sans excès. Précisons que c'était sur des scénarios de Sampayo.

Pour plus de détails sur sa biographie, un tour s'impose chez nos amis de BDZoom, où un article patrimonial érudit nous fut offert il y a peu et du vivant de Solano López, gloire à eux !

Kiss comics (1991-2011)

Cette revue espagnole de BD pornographiques vient de sortir son dernier et ultime numéro. Dans une courte interview pour le quotidien El País (reproduite ci-contre) son éditeur José Maria Berenguer explique que les ventes avaient chuté à 6000 exemplaires alors qu'à une époque il s'en écoulait facilement 30 000 sans compter les éditions dans d'autres pays... La faute à internet qui ferait que plus personne ne veut payer pour de la pornographie.

En Espagne ils auront donc eu 239 numéros. L'édition française, qui s'appela d'abord La Poudre aux rêves connut, elle, 115 numéros (de juin 1994 à mai 2003). Nos lecteurs tireront les conclusions qu'ils veulent sur les différences entre les habitudes de lectures des deux côtés des Pyrénées. Outre ses mérites masturbatoires évidents, cette revue eut le mérite de publier de grands auteurs, notamment Solano López...

Aaapoum Bapoum deale couramment les vieux stocks en parfait état de la version française de Kiss comics : du numéro 13 au numéro 115, au prix attrayant de 3€ pièce, encore que nos clients, fort gourmands, préfèrent de loin les acheter par lots de 10 au prix de 20 euros. Jouissance (solitaire ou pas) !

 
Petit Format, avant de retourner à la poussière vient faire un tour chez nous !
 

Rien de neuf, que du vieux et c'est tant mieux !Pierre, tu seras content de constater que je t'ai laissé à Serpente 286 petits formats à trier, à expertiser, à nettoyer, à emballer et à étiqueter. Parmi eux tu trouveras de nombreuses couvertures qui te réjouiront, comme ce Elvifrance au joli titre de Mourir et pourrir et dont le contenu n'a, comme souvent, rien à voir. En l'occurence il s'agit plutôt d'une relecture sado-maso des Poupées du Diable de Tod Browning.

Pour ma part j'ai été assez content de trouver un Vigor avec un Clint Eastwood en couverture, tout droit sorti de Kelly's Heroes, De l'or pour les braves, un film que trente ans après Donald Sutherland avait injustement et audacieusement qualifié de "révisionniste".

 
Pin-up version Liberatore
 

Ex-fan des eighties, voici tes années folles : l'incroyable magazine "CHIC, le magazine noir", n°5, décembre 1984, qui contient, entre autres, du Kris Mirror, du Philippe Bertrand, du Slocombe et un magnifique poster Liberatore qui sera super épinglé dans ta chambre, entre celui des Forbans et celui de Lio.

6€.

 
Captain America
 

Opportunisme

Et voici rue Dante une collection complète de Captain America en 27 n° publiés chez Artima entre 1979 et 1984. Ils reprennent des épisodes publiés initialement aux Etats-Unis entre 1969 et 1980. Tous en bon état. Ne comptez pas sur moi pour vous parler de la qualité du contenu, je n'ai lu du Captain America que depuis qu'il est mort et que c'est Bucky qui a endossé le costume, de très bonnes histoires scénarisées par Brubaker qui maintient son niveau d'excellence.

220 euros c'est un peu cher, certes, mais c'est complet et en bon état et il y a 10% de remise sur ce produit si l'acheteur est abonné à notre newsletter.

 
Portfolio Delaby, éditions Silhouet, 2001.
 

Les Pin-ups de Philippe D.

Nous avions déjà eu ce portfolio tiré à 326 exemplaires, mais ça fait déjà un moment. C'est un ensemble de dessins de pin-ups par le très précis dessinateur de L'étoile polaire et de cet autre truc de gladiateurs, Murena.

Il est vraiment bon dans le style classique beaux-arts rétro. 8 dessins couleurs et 8 dessins style crayons sur calques. On a un peu l'impression de feuilleter un vieux playboy, mais la caution artistique est bien là. On se sent rassurés, on est dans une ambiance boîte de nuit eighties chère à Mourad Boudjellal, mais en bien dessiné.

Un peu comme si on disputait une partie de billard avec Dürer ou Léonard de Vinci dans l'arrière-salle d'un rade à strip-tease. JR Ewing vient nous taper sur l'épaule et nous repropose une tournée de bières.

Seule ombre au tableau, une pliure traverse l'un des calques...

C'est le défaut qui fait que cette estimable pièce de collection ne sera vendue (rue dante) que 55€.

 
SOLDES rue Serpente
 

Jusqu'à fin Juillet vous pourrez profiter dans l'entrée de notre librairie de la rue Serpente de quelques étals de livres à prix sacrifiés. L'opération a déjà commencée mais les piles sont encore abondantes.

Humour

Il faut bien reconnaître que le rayon humour n'a jamais décollé chez nous. C'est sans doute la faute à l'absolu manque d'affection que porte S; du aaablog pour toute forme de rigolade. Austère et droit dans ses tongues  il a insufflé à notre équipe une rigueur morose qui a toujours découragé notre clientèle de se pencher sur le rayon des joyeux. Quant au reste de l'équipe, il est abondamment pourvu en sourcils broussailleux qui n'incitent aucune commissure à se soulever, les traumatismes de réprimandes professorales fortes anciennes ayant tendance à remonter à la surface à la vue de fronts si velus et froncés.

C'est donc la larme à l'oeil que nous bradons désormais le rayon humour à moitié prix. Vu que les prix de départ n'étaient guère élevés, les amateurs de Blachon, de Wolinski et de Serres devraient pouvoir se réjouir.

Mangas

A la vue des quantités inquiétantes de doublons ayant investis nos réserves nous nous sommes décidés à faire profiter nos clients de tarifs incitants à la découverte sur certains titres. Attention, le fait qu'on en ait suffisamment pour les brader ne signifie pas que se soient exclusivement des titres ringards ou frelatés ! Qui pourrait écrire ça de Nana, ou de Gunnm ?

Que vous dire d'autre ?Ah oui : il y a aussi de nombreuses BD vendues 1€. On le fait toute l'année, mais là, il y en a plus.