Publications dans 2012
BATMAN : la cour des hiboux (1)
 

La vision d'un détail dans un coin de case a fait ressurgir en moi un ensemble d'interrogations futiles autour du personnage de Batman et de sa vraisemblance. Le Sombre Chevalier balance un bon coup de pied dans le visage d'un malfrat ukrainien.

À ce moment on peut apercevoir que sous sa semelle il y a son logo, la chauve-souris stylisée. J'ai tout d'abord cru que ce logo était en relief, aussi je m'interrogeais sur la pertinence de marquer ainsi ses semelles, ce qui permettrait à n'importe qui de savoir que Batman est passé par ici ou par là pour peu qu'il y ait un peu de boue. À y regarder de plus près il me semble qu'en fait ce logo est peint sur la semelle dans un petit cercle laissé en creux entre les crans.

Qui a peint ce logo ? Bruce Wayne lui-même, pour passer le temps entre deux séances de muscu et de bricolage ? Plus probablement un de ses nombreux Robin, assumant ainsi une des tâches subalternes qui dans toute société hierarchisée combinent astucieusement humiliation et formation nécessaire. On peut dès lors imaginer que c'est le dernier arrivé, son fils Damian, qui s'est acquitté de la peinture du logo sur les semelles, Dick et Tim, plus anciens dans la boite ayant sans doute depuis longtemps été promus à la peinture des logos sur les carrosseries des nombreux véhicules que l'on peut apercevoir dans la Batcave.

La Batcave... Quel boulot quand même ! Quand on pense qu'il a fallu bâtir tout ça dans la plus grande discrétion, sans faire appel à des intervenants extérieurs pour que personne ne soit au courant, pour que rien ne fuite, pour que personne ne puisse faire le rapprochement entre Wayne et Batman... Et tous ces véhicules, qu'il a fallu assembler en interne, même si certaines pièces ont pu être commandées toutes faites en passant par des sociétés écrans domiciliées aux îles Caïmans... Et ce dinosaure empaillé, oulah ! Ça n'a pa été facile de le faire passer par l'entrée, surtout sans se faire remarquer.

Bon, je ne vais pas insiter trop longtemps. Les fans ne cessent de le répéter, ce qui est bien chez Batman, c'est qu'il n'a pas de superpouvoirs, que c'est un mec presque normal (milliardaire et champion dans tout les domaines, mais en dehors de ça, parfaitement normal). C'est vrai que cette figure est intéressante, mais elle implique qu'on la confronte à une certaine vraisemblance. Que Superman se construise vite fait une gigantesque "Forteresse de solitude" on peut très bien l'admettre, mais qu'un type sans super-pouvoirs qui tient à préserver son identité secrète s'aménage, tout seul ou avec un ou deux stagiaires, une batcave high-tech, ça passe beaucoup plus mal.

Ce problème est inhérent à presque toutes les aventures de Batman et pas seulement au démarrage des nouvelles dans Batman : La cour des hiboux de Scott Snyder et Greg Capullo, mais cet ouvrage est farci de nombreuses autres petites choses gênantes sur lesquelles je reviendrai très prochainement.

Deuxième partie de l'article.

 
Down Under T.1 de Pezzi et Sergeef

J'ai déjà écrit ici tout le bien que je pensais du western australien de John Hillcoat, The proposition, aussi c'est avec curiosité que je me suis penché sur cette production Glénat correctement dessinée, qui semble entrer dans la même catégorie. La référence à Ned Kelly permet de dater l'histoire à la fin des années 70 (1870...). L'histoire est un peu tortueuse et demande une certaine vigilance mais on peut l'admettre d'un premier tome (sur 3 de prévus).

Cependant les personnages m'indiffèrent plutôt. Je déplore surtout la volonté d'exhaustivité de la scénariste : à vouloir caser à tout prix le maximum du fruit de ses recherches sur la période, elle finit par créer une intrigue pleine de grumeaux exotiques et inutiles. Ce parti pris, qui pourrait être pédagogique (vous allez apprendre l'histoire de l'Australie en vous distrayant), est contredit par l'absence de notes explicatives. Ainsi, qu'est-ce qu'un "corroboree" ?

Je sais que les encyclopédies existent, mais une petite étoile comme Charlier les faisait et qui renvoie à une petite note aurait été sympa (d'ailleurs c'est marrant mais dans plein de BD franco-belges, il y a ces petites astérisques, mais souvent elles ne renvoient à rien car le dessinateur a oublié de caser la note). Les soldats que l'on croise sont-ils britanniques ou locaux ?

À propos de ces soldats (ou policiers ?), je trouve que les héros leur parlent avec beaucoup d'impertinence. Je n'ai pas trouvé cette scène très vraisemblable... Je me vois mal ricaner et me foutre de la gueule de flics me demandant si j'ai croisé un sans-pap qui courait. Je leur répondrais probablement juste "euh... non", mais il est vrai que je ne suis pas un héros, que je ne suis pas australien et que je ne suis pas armé.

Ceci dit, cette bédé est tout à fait lisible, mais à son stade actuel de développement, elle ne va pas m'obséder la nuit en attendant la suite.

Down Under t.1 : L'Homme de Kenzie's River de Nathalie Sergeef et Fabio Pezzi, éditions Glénat, une occaz à 10€ vue rue Serpente.

Soirée Eerie et Creepy
 
Frazetta et son héros fetiche

Frazetta et son héros fetiche

N’y allons pas par quatre chemins:

La réédition des EERIE et CREEPY par le label Delirium, c’est l’évènement éditorial de cet automne pour les fans de patrimoine.

A ceux qui ne connaissent pas, il faut commencer par dire que les plus grands dessinateurs des années 60 à 80 sont passés entre ces pages, que les deux magazines servirent de passerelle entre deux générations. Les anciens génies -Archie Goodwin, Frank Frazetta,  Alex Toth… - allaient aider à accoucher d’une nouvelle famille de champions, comme Corben, Simonson ou Wrightson.

C’est donc le must du récit fantastique, capable de secouer l’époque, de braver la censure, de marquer l’imaginaire et de briller au firmament de l’image pour des décennies.

Les relire démontre que cette bande dessinée ne connaît pas les rides, quand bien même la naïveté de l’époque n’est plus de mise aujourd’hui.Venez donc jeudi 11 octobre à 19h rejoindre un parterre de critiques de bande dessinée et de spécialistes, en présence des éditeurs et d'invités tels que Jean-Pierre Dionnet et Doug Headline, pour découvrir en exclusivité les magnifiques anthologies EERIE ET CREEPY.La discussion sera suivie d’un petit cocktail aux couleurs d’Halloween, et les livres seront en vente en avant-première durant cette soirée (parution prévue le 23 octobre).

 
Le client loufoque du jour (37)
 

Et sinon tout va bien?

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J'ai cru comprendre que la relation entretenues par certaines personnes avec ces si beaux objets que sont les bandes dessinées - mangas et la difficulté à atteindre certains étages trop bas évoquaient des états de délabrement physiques et mentaux suffisants pour que je doive arrêter de ronchonner systématiquement  à la vue de clients assis. Mais parfois, j'ai beau le vouloir de tout mon être, pourtant je ne saisis pas.

 
Dédicace impromptue: Anouk Ricard, Faits divers, Cornelius
 

François Truffaut a dit quelque part qu’il ne servait à rien de chercher le réel car la réalité dépassait toujours la fiction…

Même s’il m’est impossible de retrouver cette citation, je ne peux m’empêcher d’y penser au moment de vous présenter Faits Divers, le nouveau livre d’Anouk Ricard. Dans cette petite suite de gags qui prend comme motifs des faits divers de la presse régionale, il semble qu’Anouk Ricard refuse de rendre les armes face à une réalité qui se montre franchement imprévisible et folle.

Anouk  ne conserve que les titres, relativement imagés, de la presse, puis laisse son imaginaire plein de fantaisie vagabonder pour réinventer l’évènement. Autant dire que le réel peut ici s’accrocher pour dépasser la fiction. Et que le rire est fatalement au rendez-vous.C’est donc un petit livre qui en dit beaucoup sur l’univers artistique de cette jeune artiste en passe de devenir très grande.

Connue et adulée pour sa série jeunesse Anna et Froga, admirée par une pléthore de lecteurs et d’artistes pour son sens du langage à plusieurs niveaux et sa capacité à changer de public (enfants ou adultes) sans changer d’univers, Anouk Ricard livre ici un joli aveu sur sa manière de regarder le monde.

Un monde fou qu’il faut absolument dépasser en folie, sous peine de perdre pied avec la réalité. 

 
American Splendor de Harvey Pekar, aux éditions Çà&Là
 

Les 3 antohologies d'American Splendor de Harvey Pekar aux éditions Çà&là viennent rejoindre le catalogue de bandes dessinées américaines underground que nous proposons en neuf, en particulier le Harv & Bob publié aux éditions Cornélius et dédié à sa collaboration avec Robert Crumb.

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Harvey Pekar décédait au début de l’été 2010, une abondante œuvre de bande dessinée autobiographique en legs. Originale par sa forme, obsessionnelle par son thème, cette collection de confessions soulevait, derrière son caractère faussement anecdotique, inlassablement la même question : Pourquoi écrire sur soi ?

Or c’est précisément dans la réponse artisitique de Pekar que cette écriture autobiographique puise sa forme et son originalité. Si coucher sa vie sur papier nourrit souvent le goût de l’exhibitionnisme ou le désir de dresser le bilan, répond à l’urgence de témoigner de l’horreur ou au besoin de graver dans le marbre un instant précieux avant de l’oublier… qu’importe en définitive ces motifs à la surface, l’autobiographe saisit surtout la plume pour se réapproprier l’image qu’il a de lui-même.

Mais jamais Harvey Pekar.Cas rare, si ce n’est même unique même par son obstination, Pekar n’a de cesse de recourir à l’écriture autobiographique pour offrir son égocentrisme en pâture à des dessinateurs chaque fois différents. Une forme de masochisme étrange qui consiste à mettre en scène l’abandon répété de l’objet suprême chez l’autobiographe, sa propre image.

Perdre un peu du contrôle de sa vie, de son image, de son héritage, pour percer à jour un sujet qui s’étend au-delà de soi – cette fameuse Amérique obsédée par sa splendeur… voilà un projet fascinant qui vaut à lui seul que l’on s’attarde sérieusement sur l’œuvre d’Harvey Pekar.

American Splendor 1,2,3, éditions Çà&Là, entre 19 et 20 euros pièce.Harv & Bob, éditions Cornélius, 21,50 euros

 
ÉDITIONS IMHO : SOIRÉE DE RENTRÉE CHEZ AAAPOUM
 

Hello les amis.

Vous avez raté la soirée Pepito de Bottaro avec les éditions Cornélius?

Pas grave, on accueille la soirée de rentrée des éditions I.M.H.O., le jeudi 20 septembre à partir de 18h, rue Serpente. Non moins de 5 nouveautés seront présentées ce soir-là,  dont deux titres mis en vente en avant- première exclusivement pour la soirée, alors que leur sortie officielle est pour le 4 octobre.

Voici le menu :

Anamorphosis de Shintaro Kago succède à Fraction, second volume de sa trilogie de l’horreur. Les nouvelles s’y succèdent tel un catalogue des visions qui hantent les cauchemars de cet auteur dont beaucoup pensent qu’il est fou. Description et extrait sur le site de l’éditeur. Extrait et présentation éditeur

Palepoli de Usamaru Furuya :Après Litchi Hikari Club et quelques autres livres plus ou moins violents et sombres dans la collection Sakka, voici Palepoli, l’une des premières œuvres de Furuya, déjà obsédé par la culture populaire tout autant japonaise qu’occidentale. Extrait et présentation éditeur

Tohu Bohu de Shin’ya Komatsu : Série de situations surréalistes, ce recueil d’histoires plonge dans des univers fantasmagoriques peuplés de personnages extravagants capables de contrôler le temps ou de parcourir le ciel sur des bicyclettes volantes…  autant d’invitations au voyage et à la poésie. Extrait et présentation éditeur

Et en vente exceptionnelle en avant-première le 20 septembre, avec une parution annoncée le 4 octobre.

Promenade dans la ville de la boîte à Biscuit de Rokudai Tanaka : Un magnifique recueil de nouvelles dont le dessin naïf et joyeux contraste avec la tristesse sous-tendue par cet univers médiéval fantastique travaillé par l’angoisse de la guerre. Le sucre et la gourmandise y traversent les images comme une métaphore d'une légèreté indispensable pour supporter l’existence. Autant dire que les amateurs de poésie naïve et de détresse pudique seront ravis. Extrait et présentation  éditeur

Blue de Naoki Yamamoto :A l’époque, Asatte Dance était l’un des tous premiers mangas publiés en Français. L’insuccès nous a privés des autres livres de cet auteur vraiment très doué pour tisser des liens psychologique entre sexualité et rapports sociaux. Extrait et présentation éditeurDe nombreux critiques de bande dessinée seront présents pour cette présentation, ainsi que l’éditeur. Vous pourrez discuter avec la crème de la profession.

Comme à l’accoutumée, boissons alcoolisées ou non et petites collations donneront à cette présentation professionnelle un petit côté cocktail convivial.

Bref, ça va être sympa, détendu et en bonne compagnie. On compte sur vous pour venir nombreux.


 
Quelques belles images de R. Crumb
 

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Robert Crumb est un jeune auteur d'origine étatsunienne qui débute et qui a récemment immigré en France dans l'espoir de percer au pays de Nine Antico et de Bastien Vivès. Toujours promptes à aider les jeunes talents, les éditions Cornélius ont édité quatre petites affiches afin de le faire connaître.

C'est avec plaisir que nous prenons le risque d'exposer ces affichettes qui sont à vendre à 10€ pièce. Si vous aimez l'audace et l'avant-garde, si vous aimez soutenir les jeunes, venez acheter ces belles images !

 
Le Believer #2 été 2012 : America, America
 

Il est rafraîchissant de lire autre chose que des illustrés pour la jeunesse et de l'art séquentiel, aussi nous vous invitons à lire Le Believer et à l'acheter chez nous. Depuis quelques jours déjà, vous pouvez trouver chez nous le 2e numéro de cette revue saisonnière nommée Le Believer et qui contient du matériel traduit de la revue étatsunienne, The Believer. Pourquoi cette publication s'appelle-t-elle "Le Croyant", je n'en ai aucune idée, mais cette fournée est très intéressante.Abordons tout de suite ce qui interpelle d'abord le lecteur de bédé qui fréquente ce blog et qui est éventuellement client chez Aaapoum Bapoum : on trouve dans ce numéro une interview de Charles Burns de 9 pages, complétée par 3 pages d'illustrations (reprises de planches déjà publiées). Si la tournure de l'entretien vise plutôt à présenter l'auteur à ceux qui ne le connaîtraient pas, l'amateur trouvera tout de même de quoi y sustenter sa soif de découvertes.  Il détaille

notamment le tout début de sa carrière et ses travaux publicitaires. Il revient sur Black Hole, Burroughs et Hergé. Il y parle aussi un peu d'Hemingway et de Crumb.

"Le premier dessin de Crumb dont je me souviens , c'est une carte de vœux, car il travaillait à l'American Greetings Association. Et même si c'était une carte gentillette, du type carte d'anniversaire avec un gros gâteau, il y avait une sensation d'étrangeté qui s'en dégageait, quelque chose de perverti."

Si on apprend que le chat de Charles Burns s'appelle Iggy, aucune question en revanche n'abordera les circonstances qui l'amenèrent à réaliser une pochette pour Iggy Pop (Brick by Brick, 1990)... et ça je le regrette, car je me demande s'il existe une personnalité plus antagoniste à celle du dessinateur méticuleux que celle du rocker bordélique et décérébré.Charles Burns aborde aussi les particularités techniques de son style.

" J'ai toujours été sensible à un certain dessin : ces lignes qui commencent très grasses, pour finir très fines, que l'on fait avec une brosse."

Là je me permets d'émettre un doute sur la traduction (d'où le gras). Jérôme Schmidt n'a sans doute pas eu le temps qu'il fallait pour peaufiner son texte, mais si le mot dans la version originale est "brush", et c'est très probable, un "pinceau" eût été préférable, car il est impossible de faire ce que fait Charles Burns avec ce qu'on appelle par ici une brosse, ou alors je n'ai rien compris à ce qu'il voulait dire ou à l'utilisation d'une brosse.

Bon, et vous vous tâtez encore : est-ce que quelques pages sur Burns valent les 15€ que coûte cette austère revue ? Certes il dessine aussi les en-têtes des articles (encore que dans ce numéro la plupart des cul-de-lampe sont de la main de Tony Millionnaire, ce qui pourra d'ailleurs en intéresser quelques uns), mais bon 15€ ?  7,50€ d'accord... C'est là que j'interviens ! Oui, car il est rafraîchissant de se sortir la tête quelques heures des méandres de l'art séquentiel.

Ainsi pour vous donner envie je vais vous détailler le sommaire, par ordre d'intérêt croissant (à mes yeux, évidemment, et sans aucune concertation avec mes camarades de lutte et de jeu). Cet ordre est sans doute contre-productif, puisque la plupart des lecteurs vont s'arrêter aux premiers paragraphes qui seront les moins élogieux, mais enfin, c'est ainsi que mon instinct me guide.

Le détective sauvage et la planète des  monstres, bien qu'intrigant, ne m'a pas transporté. En effet il s'agit de l'hommage d'un écrivain argentin – Rodrigo Fresán– à un écrivain chilien, Roberto Bolaño. Je ne connais ni l'un ni l'autre, ce qui n'est pas un problème en soi. Le souci étant plutôt que la prose alambiquée de Fresán semble inlassablement tourner autour du pot si bien qu'à la fin on ne sait toujours pas de quoi sont faits les livres de Roberto Bolaño : science-fiction ? poésie ? oniro-réalisme ? C'est le problème parfois avec certains Argentins qui sont presque aussi doués que les Français pour entortiller la plus simple patate dans des couches de brume, de manière à lui donner de l'extérieur la silhouette d'un artefact complexe accessible aux seuls initiés. Je pourrai vous dire si c'est un bon article le jour ou j'aurai lu moi-même du Roberto Bolaño, ce qui n'est pas pour 2012. Reste que les passages où le rédacteur évoque le souvenir de ses rencontres avec l'auteur, sont, eux, fort agréables à lire et assez émouvants. Au passage je note que cet article est traduit de l'espagnol par Alexandre Civico. De l'espagnol ? Alors quoi ? The Believer n'est-elle pas une revue étatsunienne contenant du matériel original ? Cet article provient-il d'une source extérieure ? Si oui laquelle ? Tout ceci manque un peu de présentation et d'éclaircissements.

Les griffes des morts vivants un vendredi 13 d'Adrian Van Young. Même si l'article est agréable à lire, le sujet dans ma sphère d'intérêt et le projet amusant, je n'ai pas bien vu où l'auteur voulait en venir. Le gars s'enfile tous les grands classiques du cinéma d'horreur par tranche de 24h maximum par série (Halloween, Zombies, Jason, Freddy, Hellraiser) et note ses impressions et idées.  Les observations pertinentes abondent mais l'ensemble souffre un peu de vision d'ensemble.

Discussion avec Nick Cave. De la différence d'écriture entre chansons, scénarios et romans...  On y parle beaucoup du projet de scénario pour John Hillcoat qui donna lieu au second roman du rocker vagabond d'origine australienne. Quitte à parler de John Hillcoat, il est vraiment regrettable que cette courte interview n'aborde pas du tout la question de The Proposition, l'excellent film dont Nick Cave écrivit le scénario. Un western violent et australien, empli de sable rouge, de violence et de magie noire, qui n'oublie pas de traiter la question de l'impérialisme.

De manière plus anecdotique, on ne parle pas non plus dans cette interview du port de la moustache qui marqua la fin d'une époque et extériorisa aux yeux du monde le changement de positionnement de Nick Cave face au choix de sa destinée : qui ne meurt pas d'une overdose voit considérablement augmenter ses chances de mourir de vieillesse.

American Isolato par Ginger Strand. Celle qui écrit cet article semble en connaître un rayon sur les serial killers. Elle développe l'idée que le mythe du serial killer itinérant a été monté en épingle par les autorités soucieuses d'augmenter leur arsenal de moyens de contrôle de la population. Elle observe le curieux renversement de popularité dont ont bénéficié ces criminels. De repoussoirs absolus dans les eighties ils sont devenir des héros dans la décennie suivante après le seuil que fut le film Le silence des agneaux. Elle explique que les tueurs en série d'opérette, raffinés et cérébraux, calqués sur le modèle d'Hannibal le Cannibale, servent  à occulter la sordide réalité de criminels représentatifs d'une société tout aussi sordide et désolante.

Micro-interview avec Paul Verhoeven. Ce cinéaste a toujours un point de vue singulier. Ici il explique très clairement pourquoi il voulait faire un film sur la vie de Jésus et pourquoi il a renoncé et c'est extrêmement éclairant sur les capacités et limites du septième art.

• Rencontre avec Gus Van Sant par Alexandra Rockingham. Le cinéaste raconte comment Will Hunting lui a ouvert la voie pour faire son curieux remake de Psycho. Il explique aussi comment en voyant Sátántango de Béla Tarr, il est entré dans le processus de réflexions d'où est sorti ce chef d'œuvre qu'est Elephant.

Will Self / Geoff Nicholson : correspondance. Quelques e-mails échangés entre deux écrivains anglais qui aiment marcher, s'intéressent à la psycho-géographie et ont des choses amusantes et pertinentes à dire sur le sujet. Si le travail de Self m'est assez familier, je n'avais jamais entendu parler de ce Nicholson, dont je peux désormais envisager de poser un livre sur ma table de nuit (des conseils, amis lecteurs ?). J'ajouterai que je n'aurais jamais pu imaginer que Will Self aimât marcher.

La fabrique du désir de Peter Lunenfeld. L'auteur y développe de manière plaisante les parallèles entre les parcours de Walt Disney et de Hugh Hefner, le cerveau en pyjama de Playboy, deux entrepreneurs arrivés en Californie et ayant chacun à sa manière ouvert la voie à l'industrialisation des désirs.

"Pensons à Hefner comme à un pionnier [...] s'intéressant non pas à créer l'illusion du vivant avec des choses inanimées, mais à l'inverse à rendre le vivant si lisse qu'il en approche l'irréalité."

Essorer le désert de Tana Wojczuk. Là on commence vraiment à aborder la crème de ce numéro de Believer. L'auteure (oui moi j'aime bien le "e" à la fin) démonte le mythe de la Californie paradisiaque et giboyeuse et explique comment pour alimenter en eau Los Angeles, un lac fut complètement asséché à plus de 300 kilomètres de là. Elle raconte comment le mythe de la conquête de l'Ouest, de ces hommes solitaires ayant la possibilité de se bâtir une fortune, à surtout servi à enrichir les plus forts et à faire accepter aux autres les privations d'une société inégalitaire. Individualisme débrouillard comme masque de la barbarie capitaliste. Le sujet n'est pas nouveau mais il est brillamment énoncé, documenté et analysé. On apprend aussi que dès la fin du dix-neuvième siècle des américains avaient tenté de proposer des solutions alternatives qui auraient évité nombre de catastrophes humaines et écologiques. Passionnant.

L'échelle est colossale et la complexité inouïe de B. Alexandra Szerlip.Norman Bel Geddes ne fut pas seulement le concepteur du Futurama pour le pavillon américain de l'exposition universelle de 1939, cette maquette géante de 11000 m² qui fut visitée par 24 millions de personnes. Il inventa d'abord dans les années 20 un champ de courses miniature avec des petits automates incluant une simulation de hasard, puis un jeu de guerre très compliqué mettant en scène deux pays imaginaires avec toutes leurs unités. Tout ceci fait assurément de lui un pionnier du wargame, des réalités virtuelles et même du jeu vidéo. Tous les gamers devraient donc lui allumer un cierge ou du moins être pleins d'empathie pour sa dévorante passion pour le minuscule. On regrettera tout de même qu'un article qui parle surtout d'échelle et de dimensions soit visiblement mal relu, précisément sur la question des mensurations. Ainsi on voit mal comment Le Jeu de la Guerre peut bien avoir coûté 9000 dollars de plus que le le champ de courses dit "Nutshell", quand il est écrit que le premier a coûté 13000 dollars et le second 40000... Par ailleurs les dimensions données pour Le Jeu de la Guerre semblent curieusement étroites par rapport à la densité évoquée. On ne comprend pas comment des répliques de navires peuvent faire de "deux centimètres et demi à trente mètres" sur un terrain de 1 mètre de large sur 7 de long. Des détails, mais qui lorsqu'on se penche sur des miniatures, sont assez gênants. C'est cependant un article très instructif et fascinant.En complément sur cette vidéo, vous pouvez-voir des images d'époque et en couleurs du Futurama (à partir de 15 minutes et 42 secondes de film).

• Terre d'abondance de Casey Walker. Tout part de l'épais livre, non traduit en français de William T. Vollman, Imperial, qui parle de la frontière entre les États-Unis et le Mexique, dans la Californie du Sud. Casey Walker étant originaire de cette région (précisément de El Centro, à quelque kilomètres au nord de la relativement fameuse ville frontière duale Calexico / Mexicali), c'est avec grand intérêt qu'il se lance dans la lecture de ce reportage proliférant (1300 pages et quelques). Dans les quelques pages de ce reportage on apprend beaucoup sur les relations entre le Mexique et les États-Unis et sur la fascination que peut exercer un objet littéraire aux limites de la folie, fusse-t-il en partie un échec.

"Pourquoi ce désert fut-il colonisé, en fin de compte ? Qu'est-ce que les gens ont trouvé de prometteur dans ces centaines de kilomètres de sable, sans source d'eau et à la chaleur écrasante ?" écrit Casey Walker et plus loin il s'interroge sur les raisons qui ont pu pousser Vollman a écrire tant de pages sur un sujet qui n'intéresse personne. Une question qui ricoche jusque sur sa propre condition de lecteur de l'œuvre. L'idée l'effleure à un moment qu'il est peut-être le seul lecteur de ce livre. Une très belle chronique qui parle autant de son objet que du critique et du médium.

Vendre son corps au paradis de la lune de miel de Ginger Strand assurément le point d'orgue de ce numéro. Ginger Strand file le parallèle sous-tendu par le film Niagara de Henry Hathaway entre son actrice principale, Marilyn Monroe et la force des chutes. De la même façon que la part de naturel et d'artificiel est difficile à cerner chez l'icône, on apprend ici que la formidable puissance évoquée par les vertigineuses chutes d'eau n'est plus tellement naturelle depuis les années 50, période durant laquelle les berges et la topographie des lieux furent reconfigurées par l'ingénierie humaine. De même le débit d'eau est parfaitement contrôlé et réglable selon les heures de la journée. Alors qu'elle réfléchit à la question, à Niagara même, Ginger Strand voit se dérouler un congrès des Chapeaux Rouges, cette organisation de femmes seules et mûres ayant pour but de se divertir et d'afficher leur soif de frivolité. Pour qui, comme moi, n'avait jamais entendu parler de cette institution, le récit bascule vers l'exotisme le plus loufoque. L'occasion est utilisée par l'investigatrice de brosser un vaste panorama de l'industrie du tourisme et l'invention de la Lune de miel, son rôle idéologique et commercial. Elle dessine aussi un schéma de l'évolution des rapports maritaux dans la société américaine. Il s'agit d'un article très dense, riche et vivant qui partant d'un sujet a priori peu exaltant crée une matière stimulante et réjouissante. Bravo.

Voilà une revue qui sait dénicher ce qu'il y a de captivant derrière le rideau rutilant des États-Unis. Elle manque un peu de rédactionnel de présentation des auteurs et de notes – et surtout je continue de déplorer l'absence de datation des articles, mais vous ne devriez pas regretter vos 15 €.

Le Believer, numéro deux : America, America, 128 p. 15€, éditions Inculte.

 
Les réservations
 

Regardez bien la photo ci-contre.

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Sur la pochette de protection Alex a écrit "Revient Jeudi soir", ce qui signifie qu'il a mis de côté ce comic à petit prix pour un gars qui n'a versé aucunes arrhes de réservation, comme l'indique le "NR" entouré, qui signifie chez nous "Non Réglé".

Donc aujourd'hui on est vendredi et le gars n'est pas passé. Résultat, on a perdu notre temps : environ une minute pour faire mettre le livre de côté et deux minutes pour le remettre en rayon trois jours plus tard. C'est exactement pour ça que je refuse et demande à toute l'équipe de refuser les mises en réservation sans acomptes !

Le gars qui veut vraiment acheter le livre et qui n'a pas les moyens de verser 1 euro, il n'a pas vraiment envie de l'acheter, ou alors il est tellement pauvre qu'il ne devrait pas dépenser ses petits sous pour lire les aventures d'Œil de Faucon et Oiseau Moqueur, un couple appelé à se disloquer, en plus.Donc

ON NE MET RIEN EN RÉSERVATION SANS PERCEVOIR DES ARRHES, c'est-à-dire une partie de la somme, qui fera que si on ne vous revoit jamais, on n'aura pas travaillé pour rien et on se retrouve rapidement avec 5m² de bouquins que personne ne viendra jamais chercher.

Les seules exceptions tolérées concernent les clients qui ne sont pas sur place, qui habitent loin et qui nous contactent pas téléphone au sujet d'une pièce dont on leur a parlé.

En fait je pensais faire un post rigolo, mais au final voilà une prose totalement dénuée d'humour et ennuyeuse. La digestion sans doute.Sinon, désolé, ce matin à Serpente on a ouvert avec deux heures de retard. C'est ma faute, j'avais oublié que S; du aaablog était en vacances et que ça pouvait avoir des répercussions sur mes horaires.