Publications dans Derniers arrivages---
Le Believer #2 été 2012 : America, America
 

Il est rafraîchissant de lire autre chose que des illustrés pour la jeunesse et de l'art séquentiel, aussi nous vous invitons à lire Le Believer et à l'acheter chez nous. Depuis quelques jours déjà, vous pouvez trouver chez nous le 2e numéro de cette revue saisonnière nommée Le Believer et qui contient du matériel traduit de la revue étatsunienne, The Believer. Pourquoi cette publication s'appelle-t-elle "Le Croyant", je n'en ai aucune idée, mais cette fournée est très intéressante.Abordons tout de suite ce qui interpelle d'abord le lecteur de bédé qui fréquente ce blog et qui est éventuellement client chez Aaapoum Bapoum : on trouve dans ce numéro une interview de Charles Burns de 9 pages, complétée par 3 pages d'illustrations (reprises de planches déjà publiées). Si la tournure de l'entretien vise plutôt à présenter l'auteur à ceux qui ne le connaîtraient pas, l'amateur trouvera tout de même de quoi y sustenter sa soif de découvertes.  Il détaille

notamment le tout début de sa carrière et ses travaux publicitaires. Il revient sur Black Hole, Burroughs et Hergé. Il y parle aussi un peu d'Hemingway et de Crumb.

"Le premier dessin de Crumb dont je me souviens , c'est une carte de vœux, car il travaillait à l'American Greetings Association. Et même si c'était une carte gentillette, du type carte d'anniversaire avec un gros gâteau, il y avait une sensation d'étrangeté qui s'en dégageait, quelque chose de perverti."

Si on apprend que le chat de Charles Burns s'appelle Iggy, aucune question en revanche n'abordera les circonstances qui l'amenèrent à réaliser une pochette pour Iggy Pop (Brick by Brick, 1990)... et ça je le regrette, car je me demande s'il existe une personnalité plus antagoniste à celle du dessinateur méticuleux que celle du rocker bordélique et décérébré.Charles Burns aborde aussi les particularités techniques de son style.

" J'ai toujours été sensible à un certain dessin : ces lignes qui commencent très grasses, pour finir très fines, que l'on fait avec une brosse."

Là je me permets d'émettre un doute sur la traduction (d'où le gras). Jérôme Schmidt n'a sans doute pas eu le temps qu'il fallait pour peaufiner son texte, mais si le mot dans la version originale est "brush", et c'est très probable, un "pinceau" eût été préférable, car il est impossible de faire ce que fait Charles Burns avec ce qu'on appelle par ici une brosse, ou alors je n'ai rien compris à ce qu'il voulait dire ou à l'utilisation d'une brosse.

Bon, et vous vous tâtez encore : est-ce que quelques pages sur Burns valent les 15€ que coûte cette austère revue ? Certes il dessine aussi les en-têtes des articles (encore que dans ce numéro la plupart des cul-de-lampe sont de la main de Tony Millionnaire, ce qui pourra d'ailleurs en intéresser quelques uns), mais bon 15€ ?  7,50€ d'accord... C'est là que j'interviens ! Oui, car il est rafraîchissant de se sortir la tête quelques heures des méandres de l'art séquentiel.

Ainsi pour vous donner envie je vais vous détailler le sommaire, par ordre d'intérêt croissant (à mes yeux, évidemment, et sans aucune concertation avec mes camarades de lutte et de jeu). Cet ordre est sans doute contre-productif, puisque la plupart des lecteurs vont s'arrêter aux premiers paragraphes qui seront les moins élogieux, mais enfin, c'est ainsi que mon instinct me guide.

Le détective sauvage et la planète des  monstres, bien qu'intrigant, ne m'a pas transporté. En effet il s'agit de l'hommage d'un écrivain argentin – Rodrigo Fresán– à un écrivain chilien, Roberto Bolaño. Je ne connais ni l'un ni l'autre, ce qui n'est pas un problème en soi. Le souci étant plutôt que la prose alambiquée de Fresán semble inlassablement tourner autour du pot si bien qu'à la fin on ne sait toujours pas de quoi sont faits les livres de Roberto Bolaño : science-fiction ? poésie ? oniro-réalisme ? C'est le problème parfois avec certains Argentins qui sont presque aussi doués que les Français pour entortiller la plus simple patate dans des couches de brume, de manière à lui donner de l'extérieur la silhouette d'un artefact complexe accessible aux seuls initiés. Je pourrai vous dire si c'est un bon article le jour ou j'aurai lu moi-même du Roberto Bolaño, ce qui n'est pas pour 2012. Reste que les passages où le rédacteur évoque le souvenir de ses rencontres avec l'auteur, sont, eux, fort agréables à lire et assez émouvants. Au passage je note que cet article est traduit de l'espagnol par Alexandre Civico. De l'espagnol ? Alors quoi ? The Believer n'est-elle pas une revue étatsunienne contenant du matériel original ? Cet article provient-il d'une source extérieure ? Si oui laquelle ? Tout ceci manque un peu de présentation et d'éclaircissements.

Les griffes des morts vivants un vendredi 13 d'Adrian Van Young. Même si l'article est agréable à lire, le sujet dans ma sphère d'intérêt et le projet amusant, je n'ai pas bien vu où l'auteur voulait en venir. Le gars s'enfile tous les grands classiques du cinéma d'horreur par tranche de 24h maximum par série (Halloween, Zombies, Jason, Freddy, Hellraiser) et note ses impressions et idées.  Les observations pertinentes abondent mais l'ensemble souffre un peu de vision d'ensemble.

Discussion avec Nick Cave. De la différence d'écriture entre chansons, scénarios et romans...  On y parle beaucoup du projet de scénario pour John Hillcoat qui donna lieu au second roman du rocker vagabond d'origine australienne. Quitte à parler de John Hillcoat, il est vraiment regrettable que cette courte interview n'aborde pas du tout la question de The Proposition, l'excellent film dont Nick Cave écrivit le scénario. Un western violent et australien, empli de sable rouge, de violence et de magie noire, qui n'oublie pas de traiter la question de l'impérialisme.

De manière plus anecdotique, on ne parle pas non plus dans cette interview du port de la moustache qui marqua la fin d'une époque et extériorisa aux yeux du monde le changement de positionnement de Nick Cave face au choix de sa destinée : qui ne meurt pas d'une overdose voit considérablement augmenter ses chances de mourir de vieillesse.

American Isolato par Ginger Strand. Celle qui écrit cet article semble en connaître un rayon sur les serial killers. Elle développe l'idée que le mythe du serial killer itinérant a été monté en épingle par les autorités soucieuses d'augmenter leur arsenal de moyens de contrôle de la population. Elle observe le curieux renversement de popularité dont ont bénéficié ces criminels. De repoussoirs absolus dans les eighties ils sont devenir des héros dans la décennie suivante après le seuil que fut le film Le silence des agneaux. Elle explique que les tueurs en série d'opérette, raffinés et cérébraux, calqués sur le modèle d'Hannibal le Cannibale, servent  à occulter la sordide réalité de criminels représentatifs d'une société tout aussi sordide et désolante.

Micro-interview avec Paul Verhoeven. Ce cinéaste a toujours un point de vue singulier. Ici il explique très clairement pourquoi il voulait faire un film sur la vie de Jésus et pourquoi il a renoncé et c'est extrêmement éclairant sur les capacités et limites du septième art.

• Rencontre avec Gus Van Sant par Alexandra Rockingham. Le cinéaste raconte comment Will Hunting lui a ouvert la voie pour faire son curieux remake de Psycho. Il explique aussi comment en voyant Sátántango de Béla Tarr, il est entré dans le processus de réflexions d'où est sorti ce chef d'œuvre qu'est Elephant.

Will Self / Geoff Nicholson : correspondance. Quelques e-mails échangés entre deux écrivains anglais qui aiment marcher, s'intéressent à la psycho-géographie et ont des choses amusantes et pertinentes à dire sur le sujet. Si le travail de Self m'est assez familier, je n'avais jamais entendu parler de ce Nicholson, dont je peux désormais envisager de poser un livre sur ma table de nuit (des conseils, amis lecteurs ?). J'ajouterai que je n'aurais jamais pu imaginer que Will Self aimât marcher.

La fabrique du désir de Peter Lunenfeld. L'auteur y développe de manière plaisante les parallèles entre les parcours de Walt Disney et de Hugh Hefner, le cerveau en pyjama de Playboy, deux entrepreneurs arrivés en Californie et ayant chacun à sa manière ouvert la voie à l'industrialisation des désirs.

"Pensons à Hefner comme à un pionnier [...] s'intéressant non pas à créer l'illusion du vivant avec des choses inanimées, mais à l'inverse à rendre le vivant si lisse qu'il en approche l'irréalité."

Essorer le désert de Tana Wojczuk. Là on commence vraiment à aborder la crème de ce numéro de Believer. L'auteure (oui moi j'aime bien le "e" à la fin) démonte le mythe de la Californie paradisiaque et giboyeuse et explique comment pour alimenter en eau Los Angeles, un lac fut complètement asséché à plus de 300 kilomètres de là. Elle raconte comment le mythe de la conquête de l'Ouest, de ces hommes solitaires ayant la possibilité de se bâtir une fortune, à surtout servi à enrichir les plus forts et à faire accepter aux autres les privations d'une société inégalitaire. Individualisme débrouillard comme masque de la barbarie capitaliste. Le sujet n'est pas nouveau mais il est brillamment énoncé, documenté et analysé. On apprend aussi que dès la fin du dix-neuvième siècle des américains avaient tenté de proposer des solutions alternatives qui auraient évité nombre de catastrophes humaines et écologiques. Passionnant.

L'échelle est colossale et la complexité inouïe de B. Alexandra Szerlip.Norman Bel Geddes ne fut pas seulement le concepteur du Futurama pour le pavillon américain de l'exposition universelle de 1939, cette maquette géante de 11000 m² qui fut visitée par 24 millions de personnes. Il inventa d'abord dans les années 20 un champ de courses miniature avec des petits automates incluant une simulation de hasard, puis un jeu de guerre très compliqué mettant en scène deux pays imaginaires avec toutes leurs unités. Tout ceci fait assurément de lui un pionnier du wargame, des réalités virtuelles et même du jeu vidéo. Tous les gamers devraient donc lui allumer un cierge ou du moins être pleins d'empathie pour sa dévorante passion pour le minuscule. On regrettera tout de même qu'un article qui parle surtout d'échelle et de dimensions soit visiblement mal relu, précisément sur la question des mensurations. Ainsi on voit mal comment Le Jeu de la Guerre peut bien avoir coûté 9000 dollars de plus que le le champ de courses dit "Nutshell", quand il est écrit que le premier a coûté 13000 dollars et le second 40000... Par ailleurs les dimensions données pour Le Jeu de la Guerre semblent curieusement étroites par rapport à la densité évoquée. On ne comprend pas comment des répliques de navires peuvent faire de "deux centimètres et demi à trente mètres" sur un terrain de 1 mètre de large sur 7 de long. Des détails, mais qui lorsqu'on se penche sur des miniatures, sont assez gênants. C'est cependant un article très instructif et fascinant.En complément sur cette vidéo, vous pouvez-voir des images d'époque et en couleurs du Futurama (à partir de 15 minutes et 42 secondes de film).

• Terre d'abondance de Casey Walker. Tout part de l'épais livre, non traduit en français de William T. Vollman, Imperial, qui parle de la frontière entre les États-Unis et le Mexique, dans la Californie du Sud. Casey Walker étant originaire de cette région (précisément de El Centro, à quelque kilomètres au nord de la relativement fameuse ville frontière duale Calexico / Mexicali), c'est avec grand intérêt qu'il se lance dans la lecture de ce reportage proliférant (1300 pages et quelques). Dans les quelques pages de ce reportage on apprend beaucoup sur les relations entre le Mexique et les États-Unis et sur la fascination que peut exercer un objet littéraire aux limites de la folie, fusse-t-il en partie un échec.

"Pourquoi ce désert fut-il colonisé, en fin de compte ? Qu'est-ce que les gens ont trouvé de prometteur dans ces centaines de kilomètres de sable, sans source d'eau et à la chaleur écrasante ?" écrit Casey Walker et plus loin il s'interroge sur les raisons qui ont pu pousser Vollman a écrire tant de pages sur un sujet qui n'intéresse personne. Une question qui ricoche jusque sur sa propre condition de lecteur de l'œuvre. L'idée l'effleure à un moment qu'il est peut-être le seul lecteur de ce livre. Une très belle chronique qui parle autant de son objet que du critique et du médium.

Vendre son corps au paradis de la lune de miel de Ginger Strand assurément le point d'orgue de ce numéro. Ginger Strand file le parallèle sous-tendu par le film Niagara de Henry Hathaway entre son actrice principale, Marilyn Monroe et la force des chutes. De la même façon que la part de naturel et d'artificiel est difficile à cerner chez l'icône, on apprend ici que la formidable puissance évoquée par les vertigineuses chutes d'eau n'est plus tellement naturelle depuis les années 50, période durant laquelle les berges et la topographie des lieux furent reconfigurées par l'ingénierie humaine. De même le débit d'eau est parfaitement contrôlé et réglable selon les heures de la journée. Alors qu'elle réfléchit à la question, à Niagara même, Ginger Strand voit se dérouler un congrès des Chapeaux Rouges, cette organisation de femmes seules et mûres ayant pour but de se divertir et d'afficher leur soif de frivolité. Pour qui, comme moi, n'avait jamais entendu parler de cette institution, le récit bascule vers l'exotisme le plus loufoque. L'occasion est utilisée par l'investigatrice de brosser un vaste panorama de l'industrie du tourisme et l'invention de la Lune de miel, son rôle idéologique et commercial. Elle dessine aussi un schéma de l'évolution des rapports maritaux dans la société américaine. Il s'agit d'un article très dense, riche et vivant qui partant d'un sujet a priori peu exaltant crée une matière stimulante et réjouissante. Bravo.

Voilà une revue qui sait dénicher ce qu'il y a de captivant derrière le rideau rutilant des États-Unis. Elle manque un peu de rédactionnel de présentation des auteurs et de notes – et surtout je continue de déplorer l'absence de datation des articles, mais vous ne devriez pas regretter vos 15 €.

Le Believer, numéro deux : America, America, 128 p. 15€, éditions Inculte.

 
Les réservations
 

Regardez bien la photo ci-contre.

resa-150x150.jpg

Sur la pochette de protection Alex a écrit "Revient Jeudi soir", ce qui signifie qu'il a mis de côté ce comic à petit prix pour un gars qui n'a versé aucunes arrhes de réservation, comme l'indique le "NR" entouré, qui signifie chez nous "Non Réglé".

Donc aujourd'hui on est vendredi et le gars n'est pas passé. Résultat, on a perdu notre temps : environ une minute pour faire mettre le livre de côté et deux minutes pour le remettre en rayon trois jours plus tard. C'est exactement pour ça que je refuse et demande à toute l'équipe de refuser les mises en réservation sans acomptes !

Le gars qui veut vraiment acheter le livre et qui n'a pas les moyens de verser 1 euro, il n'a pas vraiment envie de l'acheter, ou alors il est tellement pauvre qu'il ne devrait pas dépenser ses petits sous pour lire les aventures d'Œil de Faucon et Oiseau Moqueur, un couple appelé à se disloquer, en plus.Donc

ON NE MET RIEN EN RÉSERVATION SANS PERCEVOIR DES ARRHES, c'est-à-dire une partie de la somme, qui fera que si on ne vous revoit jamais, on n'aura pas travaillé pour rien et on se retrouve rapidement avec 5m² de bouquins que personne ne viendra jamais chercher.

Les seules exceptions tolérées concernent les clients qui ne sont pas sur place, qui habitent loin et qui nous contactent pas téléphone au sujet d'une pièce dont on leur a parlé.

En fait je pensais faire un post rigolo, mais au final voilà une prose totalement dénuée d'humour et ennuyeuse. La digestion sans doute.Sinon, désolé, ce matin à Serpente on a ouvert avec deux heures de retard. C'est ma faute, j'avais oublié que S; du aaablog était en vacances et que ça pouvait avoir des répercussions sur mes horaires.

 
Les Illusions de Gérald Auclin
 

Essai de poésie non-lyriqueC'est un personnage à la dérive. Un naufrage. Sa vie sexuelle et sentimentale est aussi terne que son activité professionnelle. Il est amoureux de sa voisine du dessous et lui laisse des poèmes anonymes sur le paillasson. Des poèmes réalisés à partir de mot découpés dans une presse quotidienne qui ne sert qu'à ça. Il ne va plus au travail mais au bistrot du coin, où il s'alcoolise en morne compagnie.L'univers onirique et fantasmatique du personnage envahit évidemment l'espace de la planche. Les symboles sexuels dont la subtilité allie les lectures de Penthouse et de Georges Bataille abondent. La mise en scène est sobre avec quelques audaces comme les pensées parasites des figurants, déjà lues chez Muñoz et Sampayo il y a quelques décennies.

Si le titre de l'album est une référence à Gainsbourg, la couverture renvoit plutôt à Dutronc.

Si le titre de l'album est une référence à Gainsbourg, la couverture renvoit plutôt à Dutronc.

Le grand mérite de Gérald Auclin dans cette aventure de Victor, un héros qu'il semble avoir déjà utilisé auparavant, c'est de débarrasser la dépression de tout romantisme et de tout mise en valeur. Rien n'exalte ici les vertus créatives et la splendeur d'un état désespéré. Le crâne chauve et plat de l'anti-héros et son attitude générale n'évoquent nullement la pose du louzeur magnifique. Même si certains de ses collages-poèmes pourraient dans un autre écrin retenir l'attention, ils n'apparaissent ici que comme grotesquement décalés.Forcément un tel projet qui tient autant de Houellebecq que de Martin Veyron recèle peu de joies et est peu propice à déchaîner l'exaltation. Ceci dit, la couverture et son recto, est assez distrayante grâce à son côté primaire.Les Illusions de Gérald Auclin, The Hoochie Coochie, 2012, noir et blanc, nombre de pages : à vue de nez entre 60 et 80 (les indés ne savent toujours pas numéroter leurs pages, ou ne veulent pas, pour une raison très obscure). 12€. code EAN : 9782916049243. En vente à Aaapoum Bapoum.

 
Sandy et Hoppy t.14 : Le mystère de la grande barrière
 

Espions, atoll et koala

6a00d8341c924153ef016766fd34cc970b-800wi.jpg

Publiée initialement dans Spirou en 1961, cette histoire du valeureux kangourou et de sa jeune et aventureuse masquotte humaine fut rééditée en 1981 et en noir et blanc par Magic Strip sous le numéro 14. Les éditions Coffre à BD qui, elles, rééditent les aventures de Sandy et Hoppy dans l'ordre chronologique et en couleurs, l'ont placé dans leur tome 3.

Le mystère de la grande barrière n'est pas la meilleure création du grand Lambil. Si son dessin est déjà très au point, ses talents de scénariste n'ont pas encore atteints leur pleine puissance. L'intrigue y est trop linéaire et répétitive : Sandy et son ami Michael passent leur temps à se faire capturer et à s'évader. L'aventure manque surtout cruellement de filles.  À défaut on a des espions étrangers et un koala amusant qui présente l'aventure, ce qui est assez audacieux, cartoonesque et prégotlibien.

Un exemplaire de ce magic strip sera déposé dans peu de temps dans notre échoppe de la rue Dante. Sont prix de vente est fixé à 22€.

Dans nos archives : Sandy et Hoppy, t.13.

 
Turkey Comix 10 ans d'âge
 

 Alors que la quasi totalité des numéros de la revue Turkey Comix sont épuisés, voici que son éditeur post-fanzinoïde, The Hoochie Coochie, s'est décidé à produire un luxueux "digest" sensé permettre à de nouveaux adeptes de compenser leur retard, tout en fêtant dignement le dixième anniversaire de cette maison avant-gardiste et artisanale.

L'objet fait 256 pages et pèse 656 grammes. Certaines pages sont en couleurs. Il y a une linogravure à l'intérieur, collée à la main et la couverture est constituée d'une jaquette  xylogravée 2 couleurs, dont du doré, ce qui est toujours festif.

L'ayant reçu aujourd'hui, en bon libraire, je ne l'ai évidemment pas lu, ce Turkey Comix Hors série, mais j'y ai aperçu un historique illustré de l'entreprise où l'on trouve cette question : "comment faire perdurer l'énergie séminale d'un fanzine dans une revue qui "s'institutionnalise" malgré tout ?".

Pour ma part j'ai parfois pensé qu'un fanzine, c'est une publication qui ne se vend pas, en tous cas pas au prix indiqué dessus. Or Turkey Comix se vend un peu, et notamment à AAAPOUM BAPOUM. Cette compilation qui – il faut que je le précise – contient donc une quarantaine de planches inédites, peut être acquise pour 23€. Il n'y a pas de code-barre dessus.

 
Totendom tome 1 et 2, édition luxe, de Recht et Delmas
 

"—Les héros sont immortels !

— Mais les héros doivent-ils  être inconscients ?"

2 albums... 3 ex-libris

2 albums... 3 ex-libris

La prose grandiloquente de Gabriel Delmas est toujours jubilatoire et exaltée... Ici dans la postface du récit wagnérien mis en images par Robin Recht, il écrit :

"Gloire aux marges fangeuses de l'édition qui défendent la vérité de l'être humain et travaillent à remettre l'artiste sur le piédestal d'où il a été viré autrefois par les charlatans et les menteurs. Je ne fais pas de la putain de bande dessinée. Je fais avant tout du dessin et de l'écriture."

Les commerçants que nous sommes proposent à la vente en ce jour les tirages de luxe numérotés et signés des deux tomes de Totendom.

• Le tome 1 est accompagné de deux ex-libris numérotés et signés. L'un d'Alex Alice, cover artist de la série, l'autre de Robin Recht. Tirage : 300 exemplaires. Cette édition comprend, par rapport au tirage standard,  un cahier supplémentaire de 16 pages fort plaisantes de croquis et d'esquisses. Les 1er et 4e plats sont un peu frottés. 50 €.

Une dédicace de Robin Recht. Correcteur liquide blanc sur pages de gardes noires.

Une dédicace de Robin Recht. Correcteur liquide blanc sur pages de gardes noires.

• Le tome 2 fut tiré à 250 exemplaires. 125 réservés à la librairie Forbidden Zone à Bruxelles et 125 à la  librairie Boulevard des Bulles à Paris, désormais disparue. Un ex-libris numéroté et signé par Robin Recht est glissé à l'intérieur. De plus notre exemplaire, le n°43, est agrémenté d'une dédicace pleine page au correcteur liquide sur fond noir. Ce tirage bénéficie comme celui du tome 1, d'un cahier d'esquisses dont nous déplorons cette fois la maquette immonde et surchargée. 65€.

Avertissons tous de même nos clients que l'acquisition de cette variation fantastique sur Gilles de Rais ne connaîtra sans doute jamais de dénouement, comme tant d'œuvres de cet art si laborieux et long qu'est la bande dessinée...

Ces ouvrages seront à vendre rue Dante d'ici une heure.

 
Ojingogo de Matthew Forsythe
 

Variations

Il y a quelques jours, nous recevions un petit stock d'un bouquin a tarif préférentiel. Un livre que je n'ai jamais lu, mais auquel Stéphane décelait du potentiel commercial dans nos rayons.  Patrick Batman s'enthousiasma aussitôt : "Incroyable ! 4€ de prix de vente public ! Dire que moi je l'ai acheté plein pot en import lors de sa sortie américaine ! Je l'adore ce bouquin !". Alors moi je dis à Patrick : "Ah super ! Tu veux pas écrire 800 signes dessus pour le blog ?".*

Avant-hier Patrick envoie donc un brouillon à S; du aaablog pour relecture et validation (Patrick est très formel). S; du aaablog s'exécute et réécrit à sa sauce le petit texte et le renvoie à Patrick. Lequel ne semble pas convaincu mais, vu le travail fourni par son compère, n'ose pas repasser dessus. Finalement je sais ce qui va se passer si personne d'autre n'intervient : le texte va être enterré et aucun de nos lecteur n'entendra jamais parler de Ojingogo (EAN : 9782353480166). Alors, aujourd'hui, grâce à moi vous n'aurez pas un, mais deux textes sur Ojingogo ! D'abord le texte de Patrick, puis la version modifiée par S; du aaablog. C'est quasi oulipien ce concept. Vous en apprendrez beaucoup sur les coulisses de la boutique et peut-être un peu sur le livre.

Le texte de Patrick :

ojingogo-garden-260x300.jpg

Ojingogo est nouvellement arrivé dans nos deux magasins!  C'est avec un plaisir que j'espère communicatif, que nous vous proposons ce qui constitue clairement l'une des meilleures affaires que vous pouvez réaliser chez nous en début d'annéeL'histoire débute comme un safari photo lovecraftien puis continue comme une balade cartoonesque surréaliste. Le genre de déroulé envoutant où la forme prend le pas sur le fond; le plaisir visuel du dessin substituant aux mots leurs caractères explicatifs. A défaut de piger toutes les transitions entre les séquences, on navigue de surprises en découvertes, l'esprit reposé à travers les planches libres de toutes cases, c'est agréable comme une ivresse médicamenteuse ou un sommeil éthylique.Alors oui le livre est publié sous la collection Petit Lézard donc prioritairement destiné aux minots, mais évidemment nous avons peu de lecteurs sur ce blog en bas age vu que Vlad balance articles sur articles sur Conan, Druillet et tant d’œuvres d'une violence inouïe.Et puis typiquement Ojingogo est un œuvre qu'on s'achète ou offre à des adultes. Les amateurs d' esthétiques pop proche de Jim Woodring ou Junko Mizuno ou les bidules hype comme les Qeeset devraient se ruer sur nos piles.Enfin l'argument imparable c'est bien sur son prix excessivement accessible, 4€ au lieu des 14€ à l'office.

Le texte de S; du aaablog :

Ojingogo, c’est clairement l'une des meilleures affaires que vous pouvez réaliser chez AAAPOUM en début d'année. Non seulement ce conte excentrique offre une excellente lecture, mais en plus son prix est fracassé (4 euros au lieu de 14).

 L'histoire débute comme un safari photo dans lequel les animaux exotiques ont fait place à une créature tentaculaire typiquement lovecraftienne.  Sauf que  le danger s’avère rapidement grotesque. Commence  alors  une autre balade, plus onirique, en compagnie de la petite photographe hystérique et de son compagnon le poulpe. Le déroulé de l’aventure envoute comme n’importe quelle promenade dominicale au milieu d’un décor égorgeant de créatures insolites. C’est un monde inconnu qui vous est donné à découvrir ; et à examiner d’autant plus attentivement que le dessin est conçu pour se substituer totalement à la parole. Les créatures et héros expriment pourtant fortement leurs émotions, eux qui justement naviguent de surprises en découvertes.

Alors oui, Ojingogo est publié sous le label Petit Lézard, ce qui sous-entend destiné aux minots. Mais vous vous doutez bien qu’un blog comme le notre, perpétuellement alimenté en violence par un Vladimir amoureux de Conan et Arzach, on ne perdrait pas de temps à vous parlerde ce livre s’il n’était pas susceptible de vous faire tripper.

Typiquement Ojingogo est une œuvre qu'on achète ou offre aux adultes. Les amateurs d’esthétiques pop proches de Jim Woodring, Junko Mizuno, ou des bidules hype comme les Qeeset vont se ruer sur nos piles.

Alors qu’ajouter de plus, si ce n’est que ce bouquin a fait un flop surprenant en France alors qu’il a connu un succès démentiel en Amérique du Nord et reçu nombre de prix.

ojin1

ojin1

 
Le Believer n°1, éditions Inculte
 
6a00d8341c924153ef016764571d4e970b-320wi.jpg

Du neuf pour les vieux JUB ?S; du aaablog m'en avait parlé. Avant je ne savais même pas que ça existait. Comme beaucoup de choses. The Believer est donc une revue culturelle nord-américaine qui existe depuis une décennie. Chacune de ses couvertures est dessinée par un certain Charles Burns. Son angle d'attaque semble être le même que  Les Inrockuptibles d'il y a 20 ans... Rock, littérature, attitudes sans attachés-cases, contre-culture désormais dominante.Voilà que les éditions Inculte se proposent de traduire et d'éditer les pages les plus pertinentes de cette revue. Ainsi la semaine dernière est paru le n°1 de ce qui espère devenir un trimestriel. The Believer devient donc en français Le Believer. L'aspect austère de la maquette des 128 pages me séduit assez.Au sommaire de ce numéro 1 il se trouve une interview qui nous intéresse au premier chef et qui devrait interpeller notre clientèle.  7 pages sont consacrées à Daniel Clowes. Pour l'instant c'est la seule chose que j'ai lue et je l'ai trouvée très bien. Trop courte mais bien. Je suis content de constater que Daniel Clowes voit son œuvre de la même façon que moi. Il y exprime avec humour, de fort belles choses et un point de vue que ne doit pas partager Enki Bilal :

" Ce que j'ai tellement envié en regardant le film se faire [Ghost World], c'est la facilité avec laquelle on peut changer l'histoire au montage. C'est comme écrire un roman : on peut déplacer des paragraphes, supprimer des personnages, continuer sans cesse à modifier. Avec une bande dessinée on ne peut pas faire ça, c'est impossible. Les cases sont organisées en grille de telle façon qu'on ne peut pas les déplacer ou insérer autre chose, sans quoi la page entière s'effondre."


Le sommaire semble contenir d'autres pages intéressantes, mais dans l'urgence propagandiste dans laquelle je me trouve, je me dois de vous informer avant de tout lire.Le garçon qui nous a déposé les revues nous a gratifié d'une fort élégante affiche, assemblant une foule de portraits d'auteurs dont la revue américaine a parlé. On peut ainsi y voir la tête de Lovecraft juste au-dessus de celle de Nick Cave, et ça, c'est un signe qui ne trompe pas : l'entreprise mérite d'être soutenue.Vous pourrez acheter le Believer chez nous. Son prix est de 15€.Également au sommaire : Don deLillo, Greil Marcus, Harry Matthews, Nick Hornby...EAN : 9782916940762http://www.inculte.fr/Le-Believer-01Par ailleurs il semble bien qu'il y ait demain une soirée de lancement de la revue à la librairie parisienne le Monte-en-l'air demain soir jeudi 29 avril 2012...http://www.facebook.com/events/135194596609700/

 
Sandy et Hoppy
 
6a00d8341c924153ef0167642656bc970b-320wi.jpg

— Hé!  Gamin ! Reviens ! Tu es fou ?!!

— Fou ? Peut-être... Mais je ne peux pas attendre là, bêtement !

Nous en avons très rarement en rayon, mais chaque fois qu'un Sandy et Hoppy arrive jusqu'à chez nous je l'emprunte aussitôt avec une joie non simulée. J'aime beaucoup Sandy et Hoppy. Quand le monde se fait trop rugueux, que l'atmosphère est trop acide, j'aime m'endormir avec mes deux amis australiens.

Réalisé par Willy Lambil avant les Tuniques Bleues, cette série pour la jeunesse est très réussie malgré son manque cruel de postérité. Le dessin de Lambil, plus réaliste que par la suite, est excellent. Les visages sont un peu lassants de répétitivité, mais c'est excellent tout de même. Les éditions Magic Strip, en noir et blanc, rendent d'ailleurs parfaitement honneur au graphisme. Le plus étonnant c'est que, presqu'à chaque fois, le scénario est très bon lui aussi. En 44 planches l'intrigue est parfaitement menée, sans temps mort ni accélération abrupte et queue de poisson. Tout y est au poil. Il faut juste accepter l'idée qu'un gamin de quinze ans est plus mature, courageux et débrouillard que la plupart des adultes, que toutes les charmantes jeunes filles de dix ans plus âgées le trouvent irrésistible, sans doute justement parce qu'il est plus homme que les hommes (un peu comme dans Gloria de Cassavetes, quoi), et qu'il est suivi par un kangourou redoutable d'attention et champion de kickboxing, comme l'apprennent à leur dépends les malfrats. Mais en même temps, ces qualités de sur-scout sont assez courantes dans la littérature enfantine.

La saveur des scénarios réside principalement dans une capacité remarquable de l'auteur complet à mener deux fils d'intrigue qui s'imbriquent efficacement et avec doigté aux environs de la page 22.  Le cadre des aventures étant l'Australie des années soixante, la majeure partie des épisodes se déroulent au sein d'une ruralité quasi-idéale que des événements et des personnages viennent troubler. Gangsters et trafiquants venus des villes sont en effet légion à venir se réfugier dans la contrée paisible des koalas et des aborigènes. Il en résulte un genre de polar campagnard dans la veine de certains fims américains des années soixante-dix comme Charley Varick de Don Siegel ou Thunderbolt and Lightfoot de Cimino... Attention, je parle bien d'ambiance globale, hein, on est chez Spirou là, y'a pas trop de morts ni de torture.

Il faut savoir rendre hommage aux créateurs talentueux quand ils sont encore vivants. Il faut aussi louer Willy Lambil pour son talent de raconteur, cruellement laissé en jachère depuis qu'il s'est inféodé à la Guerre de Sécession et à son ami/ennemi Cauvin, qui aurait parfois dû demander un coup de main à son compère dessinateur. Attention, hein, je ne dis pas que Cauvin est un mauvais scénariste ! Je remarque juste que certains Tuniques bleues n'arrivent pas à la cheville du moindre Sandy et Hoppy. Ne me contrediront que ceux qui détestent les histoires où apparaissent des kangourous.

 Le Sandy et Hoppy qui arrivera bientôt rue Dante est le tome 13 de la collection Magic Strip : L'étranger de Glen Muir (1981). Un petit accroc au premier plat liée à l'adhésion trop longue d'une étiquette trop collante dévalorise quelque peu cet ouvrage broché, qui sinon est en fort correct état. Nous le vendons 18€. L'intrigue entretient une petite parenté avec History of Violence de Cronenberg et le final est assez étonnant, avec son ton un peu amer qui dénote un peu dans la ligne Spirou.

Mince je me rend compte que je fais comme les critiques de BD Stéphane Beaujean et Kamil Plejwaltzsky et que j'ai truffé mon laïus de références cinématographiques souvent lointaines plutôt que de m'attacher à décrire l'œuvre. Pardon.

 
Insolite de Loustal, éditions du Seuil
 

Dans les années 90 Loustal anima régulièrement le supplément du week-end du Tages-Anzeiger – un quotidien de Zurich – par des planches de BD mettant en scène des faits divers. Publié en 1999, Insolite en est le recueil. Se succèdent ainsi, sur près de cinquante pages en noir et blanc, des situations cocasses, des personnages atypiques, des concours de circonstances invraisemblables et des événements tragiques. En effet, la mort rôde souvent sur la chute de ces histoires. Des morts brutales. S'arrêtant à l'aspect insolite et distrayant des faits divers, la presse flatte la curiosité et la moquerie chez ses lecteurs et non la compassion. Ici, la transposition en images rend plus palpable le désarroi des victimes : une fois la page tournée, elles restent seules avec leur douleur.

Cette perspective étant posée, Insolite reste un ouvrage humoristique souvent agréable. Une alternative élégante à la consultation pavlovienne des rubriques de faits divers qu'offrent une infinité de sites pour animer nos longues heures de travail ou nos courtes pauses repas.

Ne résistez pas à cette distraction du luxe : elle présente en plus l'avantage d'être vendue 6€ chez Aaapoum, alors que son prix initial était de 75F, c'est-à-dire plus de 11,40€.

Insolite de Loustal, Seuil, 1999. EAN : 978202036441