Publications dans Indés
2 NOUVEAUTÉS HOOCHIE COOCHIE
 

Aujourd'hui nous avons deux nouveautés à vous proposer : les dernières productions audacieuses des éditions The Hoocchie Coochie.

• Dans Hapax, prolégomènes à une bande dessinée de droite, L.L. de Mars modèle la très organique matière de son encre dans une guerre contre un plagiaire. Une proclamation de la realité de la recherche artistique qui se distinguerait de la répétition et de l'imitation qui se cache derrière le masque de l'artisanat. Le plagiaire existe-t-il ou n'est-il qu'un prétexte à l'expression de ce refus du compromis ? Je suis bien incapable de le dire. Il est sûr qu'on ne pourra reprocher à L.L. de Mars de se complaire dans des recettes répertoriées pour s'attacher l'affection du public le plus large possible. Présenté sous la forme d'un dialogue avec la mort cet essai est très stimulant pour les amateurs de dessin. Son refus de la finition et sa volonté de montrer le moment même de la création sont assez roboratives. On notera l'omniprésence des mains, qui, il faut bien le dire, sont les objets qu'un dessinateur voit le plus dans sa vie. La qualité d'impression est à louer. Je n'ai pas compris le sous-titre.

Hapax, prolégomènes à une bande dessinée de droite de L.L de Mars, un nombre de pages inconnu, comme souvent chez Hoochie Coochie, un papier un peu brillant pour une impression en couleurs, même des pages noir et blanc si je ne me trompe, couverture souple et texturée, 20 €.

• L'autre nouveauté, Séquences, n'en est qu'à moitié une. Il s'agit d'une anthologie de Robert Varlez... qui publia quelques planches dans des revues littéraires dans les années 70. Partant de photographies de Muybridge il semble les déclinés en séquences visuelles rythmées pas totalement dépourvues d'éléments narratifs. Ne l'ayant pas encore lu je ne saurais m'aventurer plus loin dans sa description. Celà fait tout de même très arts plastiques et j'écris cela sans y placer de connotations péjoratives. On est aux frontières de la bande dessinée, mais il n'est pas interdit de se promener sur les bordures.

Séquences de Robert Varlez, nombre de pages inconnu, évidemment, noir et blanc, broché, 15 €.

 
FRITZ THE CAT DE R. CRUMB, éditions Cornélius
 

D'après mes informations (ou plutôt mes souvenirs vagues car j'ai la flemme de revérifier) c'est donc aujourd'hui que nous avons le droit de mettre en vente la toute nouvelle édition française de Fritz the Cat de Robert Crumb. Il s'agit donc de la troisième édition par chez nous et c'est la plus complète. La première fut publiée par Actuel en 1972 et la deuxième en 1995 par Anthracite. Nous avons encore quelques exemplaires de 1972, ce qui peut vous permettre de comparer. L'édition Actuel est très contemporaine des personnages et très en phase avec une certaine image de l'underground. Ce n'était pas un chef d'œuvre d'impression et la traduction fut par moment un peu expédiée... Il lui manque de plus la dernière histoire, mais il faut bien dire qu'elle devait alors être à peine sèche. Cette édition a tout de même le mérite d'avoir quarante ans d'avance.

Revenons à la nouvelle édition. Elle est nettement plus confortable à la lecture et les éditions Cornélius ont tâché, autant que possible, de retrouver les planches originales... C'est-à-dire qu'elles n'en ont pas trouvé beaucoup. Toutefois le résultat, même en l'absence d'originaux, est nettement plus fin que dans le Actuel (ce n'est certes pas difficile). Je ne peux pas comparer avec l'Anthracite (annoncé comme un volume 1 mais jamais suivi d'un 2) car je ne l'ai pas sous la main. Le Cornélius est aussi exhaustif que possible et présente les histoires dans l'ordre chronologique de création, ce qui permet d'avoir une vision assez nette de l'évolution du personnage.

Fritz est ainsi l'histoire d'un naufrage. Le type est certes au départ assez antipathique, mais il possède, au-delà de son égoïsme un certain panache et une certaine verve dont on pouvoit espérer quelques éclosions. S'il est principalement animé par l'assouvissement de ses pulsions charnelles et s'il est parfaitement autocentré, il met dans ce programme un raffinement, qui, si on ne pouvait en attendre des dévoiements à la Des Esseintes, pouvait se développer –convenablement arrosé– en un honnête sous-Kerouac de comptoir : "Comment veux-tu que je pleure mon amour perdu, si je me défonce à l'herbe ?", déclare-t-il indigné à son ami Fuzz. Son premier forfait social d'importance, l'incendie de son immeuble, ne manque pas de rappeler le légendaire acte fondateur de l'art contemporain : l'incendie de Rome par Néron.

Las, au fil des pages la vacuité de ses aspirations s'amplifie. Ses sens s'émoussent au fur et à mesure de la répétition de ses excès. Envisagés comme stimulants, les drogues deviennent l'objectif. La fatigue et la saturation envahissent tout. L'invraisemblable succès et la célébrité dont Fritz finit par jouir par un mystérieux tour du destin, ne lui seront d'aucune aide. Au contraire, le vedettariat, en accélérant le processus et en lui fournissant filles faciles et drogues à un rythme plus élévé, le conduira à la chute. Brutale et sans autre envergure que celle de son évidence.

• Fritz the Cat de Robert Crumb, 128 p. N&B, couverture couleur avec rabats, 22,50 €.EAN : 9782360810529

PS : Si vous n'habitez pas tout près de la fontaine Saint-Michel, mais que vous voulez quand même nous faire plaisir, vous pouvez acheter ce Crumb auprès de notre boutique en ligne.

 
NOUVELLE CARTE DE VISITE
 

Merci Matthias Lehmann

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Après l'excellent Nikola Witko, c'est Matthias Lehmann qui a bien voulu enluminer notre nouvelle carte de visite.

Le résultat est parfait.

Du moins pour le recto. Le verso, en effet, à la suite de ce qui doit bien être une erreur de notre ami éditeur-imprimeur n'est pas du tout celui qui Matthias nous avait dessiné mais bien un vieux plan que j'avais fait pour la carte de 2007...

Nos adresses de courriels n'y sont plus totalement d'actualité.

Enfin, la perfection est sans doute satanique, aussi réjouissons-nous en compagnie du dévoreur de livres.

 
American Splendor de Harvey Pekar, aux éditions Çà&Là
 

Les 3 antohologies d'American Splendor de Harvey Pekar aux éditions Çà&là viennent rejoindre le catalogue de bandes dessinées américaines underground que nous proposons en neuf, en particulier le Harv & Bob publié aux éditions Cornélius et dédié à sa collaboration avec Robert Crumb.

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Harvey Pekar décédait au début de l’été 2010, une abondante œuvre de bande dessinée autobiographique en legs. Originale par sa forme, obsessionnelle par son thème, cette collection de confessions soulevait, derrière son caractère faussement anecdotique, inlassablement la même question : Pourquoi écrire sur soi ?

Or c’est précisément dans la réponse artisitique de Pekar que cette écriture autobiographique puise sa forme et son originalité. Si coucher sa vie sur papier nourrit souvent le goût de l’exhibitionnisme ou le désir de dresser le bilan, répond à l’urgence de témoigner de l’horreur ou au besoin de graver dans le marbre un instant précieux avant de l’oublier… qu’importe en définitive ces motifs à la surface, l’autobiographe saisit surtout la plume pour se réapproprier l’image qu’il a de lui-même.

Mais jamais Harvey Pekar.Cas rare, si ce n’est même unique même par son obstination, Pekar n’a de cesse de recourir à l’écriture autobiographique pour offrir son égocentrisme en pâture à des dessinateurs chaque fois différents. Une forme de masochisme étrange qui consiste à mettre en scène l’abandon répété de l’objet suprême chez l’autobiographe, sa propre image.

Perdre un peu du contrôle de sa vie, de son image, de son héritage, pour percer à jour un sujet qui s’étend au-delà de soi – cette fameuse Amérique obsédée par sa splendeur… voilà un projet fascinant qui vaut à lui seul que l’on s’attarde sérieusement sur l’œuvre d’Harvey Pekar.

American Splendor 1,2,3, éditions Çà&Là, entre 19 et 20 euros pièce.Harv & Bob, éditions Cornélius, 21,50 euros

 
Quelques belles images de R. Crumb
 

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Robert Crumb est un jeune auteur d'origine étatsunienne qui débute et qui a récemment immigré en France dans l'espoir de percer au pays de Nine Antico et de Bastien Vivès. Toujours promptes à aider les jeunes talents, les éditions Cornélius ont édité quatre petites affiches afin de le faire connaître.

C'est avec plaisir que nous prenons le risque d'exposer ces affichettes qui sont à vendre à 10€ pièce. Si vous aimez l'audace et l'avant-garde, si vous aimez soutenir les jeunes, venez acheter ces belles images !

 
Le Believer #2 été 2012 : America, America
 

Il est rafraîchissant de lire autre chose que des illustrés pour la jeunesse et de l'art séquentiel, aussi nous vous invitons à lire Le Believer et à l'acheter chez nous. Depuis quelques jours déjà, vous pouvez trouver chez nous le 2e numéro de cette revue saisonnière nommée Le Believer et qui contient du matériel traduit de la revue étatsunienne, The Believer. Pourquoi cette publication s'appelle-t-elle "Le Croyant", je n'en ai aucune idée, mais cette fournée est très intéressante.Abordons tout de suite ce qui interpelle d'abord le lecteur de bédé qui fréquente ce blog et qui est éventuellement client chez Aaapoum Bapoum : on trouve dans ce numéro une interview de Charles Burns de 9 pages, complétée par 3 pages d'illustrations (reprises de planches déjà publiées). Si la tournure de l'entretien vise plutôt à présenter l'auteur à ceux qui ne le connaîtraient pas, l'amateur trouvera tout de même de quoi y sustenter sa soif de découvertes.  Il détaille

notamment le tout début de sa carrière et ses travaux publicitaires. Il revient sur Black Hole, Burroughs et Hergé. Il y parle aussi un peu d'Hemingway et de Crumb.

"Le premier dessin de Crumb dont je me souviens , c'est une carte de vœux, car il travaillait à l'American Greetings Association. Et même si c'était une carte gentillette, du type carte d'anniversaire avec un gros gâteau, il y avait une sensation d'étrangeté qui s'en dégageait, quelque chose de perverti."

Si on apprend que le chat de Charles Burns s'appelle Iggy, aucune question en revanche n'abordera les circonstances qui l'amenèrent à réaliser une pochette pour Iggy Pop (Brick by Brick, 1990)... et ça je le regrette, car je me demande s'il existe une personnalité plus antagoniste à celle du dessinateur méticuleux que celle du rocker bordélique et décérébré.Charles Burns aborde aussi les particularités techniques de son style.

" J'ai toujours été sensible à un certain dessin : ces lignes qui commencent très grasses, pour finir très fines, que l'on fait avec une brosse."

Là je me permets d'émettre un doute sur la traduction (d'où le gras). Jérôme Schmidt n'a sans doute pas eu le temps qu'il fallait pour peaufiner son texte, mais si le mot dans la version originale est "brush", et c'est très probable, un "pinceau" eût été préférable, car il est impossible de faire ce que fait Charles Burns avec ce qu'on appelle par ici une brosse, ou alors je n'ai rien compris à ce qu'il voulait dire ou à l'utilisation d'une brosse.

Bon, et vous vous tâtez encore : est-ce que quelques pages sur Burns valent les 15€ que coûte cette austère revue ? Certes il dessine aussi les en-têtes des articles (encore que dans ce numéro la plupart des cul-de-lampe sont de la main de Tony Millionnaire, ce qui pourra d'ailleurs en intéresser quelques uns), mais bon 15€ ?  7,50€ d'accord... C'est là que j'interviens ! Oui, car il est rafraîchissant de se sortir la tête quelques heures des méandres de l'art séquentiel.

Ainsi pour vous donner envie je vais vous détailler le sommaire, par ordre d'intérêt croissant (à mes yeux, évidemment, et sans aucune concertation avec mes camarades de lutte et de jeu). Cet ordre est sans doute contre-productif, puisque la plupart des lecteurs vont s'arrêter aux premiers paragraphes qui seront les moins élogieux, mais enfin, c'est ainsi que mon instinct me guide.

Le détective sauvage et la planète des  monstres, bien qu'intrigant, ne m'a pas transporté. En effet il s'agit de l'hommage d'un écrivain argentin – Rodrigo Fresán– à un écrivain chilien, Roberto Bolaño. Je ne connais ni l'un ni l'autre, ce qui n'est pas un problème en soi. Le souci étant plutôt que la prose alambiquée de Fresán semble inlassablement tourner autour du pot si bien qu'à la fin on ne sait toujours pas de quoi sont faits les livres de Roberto Bolaño : science-fiction ? poésie ? oniro-réalisme ? C'est le problème parfois avec certains Argentins qui sont presque aussi doués que les Français pour entortiller la plus simple patate dans des couches de brume, de manière à lui donner de l'extérieur la silhouette d'un artefact complexe accessible aux seuls initiés. Je pourrai vous dire si c'est un bon article le jour ou j'aurai lu moi-même du Roberto Bolaño, ce qui n'est pas pour 2012. Reste que les passages où le rédacteur évoque le souvenir de ses rencontres avec l'auteur, sont, eux, fort agréables à lire et assez émouvants. Au passage je note que cet article est traduit de l'espagnol par Alexandre Civico. De l'espagnol ? Alors quoi ? The Believer n'est-elle pas une revue étatsunienne contenant du matériel original ? Cet article provient-il d'une source extérieure ? Si oui laquelle ? Tout ceci manque un peu de présentation et d'éclaircissements.

Les griffes des morts vivants un vendredi 13 d'Adrian Van Young. Même si l'article est agréable à lire, le sujet dans ma sphère d'intérêt et le projet amusant, je n'ai pas bien vu où l'auteur voulait en venir. Le gars s'enfile tous les grands classiques du cinéma d'horreur par tranche de 24h maximum par série (Halloween, Zombies, Jason, Freddy, Hellraiser) et note ses impressions et idées.  Les observations pertinentes abondent mais l'ensemble souffre un peu de vision d'ensemble.

Discussion avec Nick Cave. De la différence d'écriture entre chansons, scénarios et romans...  On y parle beaucoup du projet de scénario pour John Hillcoat qui donna lieu au second roman du rocker vagabond d'origine australienne. Quitte à parler de John Hillcoat, il est vraiment regrettable que cette courte interview n'aborde pas du tout la question de The Proposition, l'excellent film dont Nick Cave écrivit le scénario. Un western violent et australien, empli de sable rouge, de violence et de magie noire, qui n'oublie pas de traiter la question de l'impérialisme.

De manière plus anecdotique, on ne parle pas non plus dans cette interview du port de la moustache qui marqua la fin d'une époque et extériorisa aux yeux du monde le changement de positionnement de Nick Cave face au choix de sa destinée : qui ne meurt pas d'une overdose voit considérablement augmenter ses chances de mourir de vieillesse.

American Isolato par Ginger Strand. Celle qui écrit cet article semble en connaître un rayon sur les serial killers. Elle développe l'idée que le mythe du serial killer itinérant a été monté en épingle par les autorités soucieuses d'augmenter leur arsenal de moyens de contrôle de la population. Elle observe le curieux renversement de popularité dont ont bénéficié ces criminels. De repoussoirs absolus dans les eighties ils sont devenir des héros dans la décennie suivante après le seuil que fut le film Le silence des agneaux. Elle explique que les tueurs en série d'opérette, raffinés et cérébraux, calqués sur le modèle d'Hannibal le Cannibale, servent  à occulter la sordide réalité de criminels représentatifs d'une société tout aussi sordide et désolante.

Micro-interview avec Paul Verhoeven. Ce cinéaste a toujours un point de vue singulier. Ici il explique très clairement pourquoi il voulait faire un film sur la vie de Jésus et pourquoi il a renoncé et c'est extrêmement éclairant sur les capacités et limites du septième art.

• Rencontre avec Gus Van Sant par Alexandra Rockingham. Le cinéaste raconte comment Will Hunting lui a ouvert la voie pour faire son curieux remake de Psycho. Il explique aussi comment en voyant Sátántango de Béla Tarr, il est entré dans le processus de réflexions d'où est sorti ce chef d'œuvre qu'est Elephant.

Will Self / Geoff Nicholson : correspondance. Quelques e-mails échangés entre deux écrivains anglais qui aiment marcher, s'intéressent à la psycho-géographie et ont des choses amusantes et pertinentes à dire sur le sujet. Si le travail de Self m'est assez familier, je n'avais jamais entendu parler de ce Nicholson, dont je peux désormais envisager de poser un livre sur ma table de nuit (des conseils, amis lecteurs ?). J'ajouterai que je n'aurais jamais pu imaginer que Will Self aimât marcher.

La fabrique du désir de Peter Lunenfeld. L'auteur y développe de manière plaisante les parallèles entre les parcours de Walt Disney et de Hugh Hefner, le cerveau en pyjama de Playboy, deux entrepreneurs arrivés en Californie et ayant chacun à sa manière ouvert la voie à l'industrialisation des désirs.

"Pensons à Hefner comme à un pionnier [...] s'intéressant non pas à créer l'illusion du vivant avec des choses inanimées, mais à l'inverse à rendre le vivant si lisse qu'il en approche l'irréalité."

Essorer le désert de Tana Wojczuk. Là on commence vraiment à aborder la crème de ce numéro de Believer. L'auteure (oui moi j'aime bien le "e" à la fin) démonte le mythe de la Californie paradisiaque et giboyeuse et explique comment pour alimenter en eau Los Angeles, un lac fut complètement asséché à plus de 300 kilomètres de là. Elle raconte comment le mythe de la conquête de l'Ouest, de ces hommes solitaires ayant la possibilité de se bâtir une fortune, à surtout servi à enrichir les plus forts et à faire accepter aux autres les privations d'une société inégalitaire. Individualisme débrouillard comme masque de la barbarie capitaliste. Le sujet n'est pas nouveau mais il est brillamment énoncé, documenté et analysé. On apprend aussi que dès la fin du dix-neuvième siècle des américains avaient tenté de proposer des solutions alternatives qui auraient évité nombre de catastrophes humaines et écologiques. Passionnant.

L'échelle est colossale et la complexité inouïe de B. Alexandra Szerlip.Norman Bel Geddes ne fut pas seulement le concepteur du Futurama pour le pavillon américain de l'exposition universelle de 1939, cette maquette géante de 11000 m² qui fut visitée par 24 millions de personnes. Il inventa d'abord dans les années 20 un champ de courses miniature avec des petits automates incluant une simulation de hasard, puis un jeu de guerre très compliqué mettant en scène deux pays imaginaires avec toutes leurs unités. Tout ceci fait assurément de lui un pionnier du wargame, des réalités virtuelles et même du jeu vidéo. Tous les gamers devraient donc lui allumer un cierge ou du moins être pleins d'empathie pour sa dévorante passion pour le minuscule. On regrettera tout de même qu'un article qui parle surtout d'échelle et de dimensions soit visiblement mal relu, précisément sur la question des mensurations. Ainsi on voit mal comment Le Jeu de la Guerre peut bien avoir coûté 9000 dollars de plus que le le champ de courses dit "Nutshell", quand il est écrit que le premier a coûté 13000 dollars et le second 40000... Par ailleurs les dimensions données pour Le Jeu de la Guerre semblent curieusement étroites par rapport à la densité évoquée. On ne comprend pas comment des répliques de navires peuvent faire de "deux centimètres et demi à trente mètres" sur un terrain de 1 mètre de large sur 7 de long. Des détails, mais qui lorsqu'on se penche sur des miniatures, sont assez gênants. C'est cependant un article très instructif et fascinant.En complément sur cette vidéo, vous pouvez-voir des images d'époque et en couleurs du Futurama (à partir de 15 minutes et 42 secondes de film).

• Terre d'abondance de Casey Walker. Tout part de l'épais livre, non traduit en français de William T. Vollman, Imperial, qui parle de la frontière entre les États-Unis et le Mexique, dans la Californie du Sud. Casey Walker étant originaire de cette région (précisément de El Centro, à quelque kilomètres au nord de la relativement fameuse ville frontière duale Calexico / Mexicali), c'est avec grand intérêt qu'il se lance dans la lecture de ce reportage proliférant (1300 pages et quelques). Dans les quelques pages de ce reportage on apprend beaucoup sur les relations entre le Mexique et les États-Unis et sur la fascination que peut exercer un objet littéraire aux limites de la folie, fusse-t-il en partie un échec.

"Pourquoi ce désert fut-il colonisé, en fin de compte ? Qu'est-ce que les gens ont trouvé de prometteur dans ces centaines de kilomètres de sable, sans source d'eau et à la chaleur écrasante ?" écrit Casey Walker et plus loin il s'interroge sur les raisons qui ont pu pousser Vollman a écrire tant de pages sur un sujet qui n'intéresse personne. Une question qui ricoche jusque sur sa propre condition de lecteur de l'œuvre. L'idée l'effleure à un moment qu'il est peut-être le seul lecteur de ce livre. Une très belle chronique qui parle autant de son objet que du critique et du médium.

Vendre son corps au paradis de la lune de miel de Ginger Strand assurément le point d'orgue de ce numéro. Ginger Strand file le parallèle sous-tendu par le film Niagara de Henry Hathaway entre son actrice principale, Marilyn Monroe et la force des chutes. De la même façon que la part de naturel et d'artificiel est difficile à cerner chez l'icône, on apprend ici que la formidable puissance évoquée par les vertigineuses chutes d'eau n'est plus tellement naturelle depuis les années 50, période durant laquelle les berges et la topographie des lieux furent reconfigurées par l'ingénierie humaine. De même le débit d'eau est parfaitement contrôlé et réglable selon les heures de la journée. Alors qu'elle réfléchit à la question, à Niagara même, Ginger Strand voit se dérouler un congrès des Chapeaux Rouges, cette organisation de femmes seules et mûres ayant pour but de se divertir et d'afficher leur soif de frivolité. Pour qui, comme moi, n'avait jamais entendu parler de cette institution, le récit bascule vers l'exotisme le plus loufoque. L'occasion est utilisée par l'investigatrice de brosser un vaste panorama de l'industrie du tourisme et l'invention de la Lune de miel, son rôle idéologique et commercial. Elle dessine aussi un schéma de l'évolution des rapports maritaux dans la société américaine. Il s'agit d'un article très dense, riche et vivant qui partant d'un sujet a priori peu exaltant crée une matière stimulante et réjouissante. Bravo.

Voilà une revue qui sait dénicher ce qu'il y a de captivant derrière le rideau rutilant des États-Unis. Elle manque un peu de rédactionnel de présentation des auteurs et de notes – et surtout je continue de déplorer l'absence de datation des articles, mais vous ne devriez pas regretter vos 15 €.

Le Believer, numéro deux : America, America, 128 p. 15€, éditions Inculte.

 
Les Illusions de Gérald Auclin
 

Essai de poésie non-lyriqueC'est un personnage à la dérive. Un naufrage. Sa vie sexuelle et sentimentale est aussi terne que son activité professionnelle. Il est amoureux de sa voisine du dessous et lui laisse des poèmes anonymes sur le paillasson. Des poèmes réalisés à partir de mot découpés dans une presse quotidienne qui ne sert qu'à ça. Il ne va plus au travail mais au bistrot du coin, où il s'alcoolise en morne compagnie.L'univers onirique et fantasmatique du personnage envahit évidemment l'espace de la planche. Les symboles sexuels dont la subtilité allie les lectures de Penthouse et de Georges Bataille abondent. La mise en scène est sobre avec quelques audaces comme les pensées parasites des figurants, déjà lues chez Muñoz et Sampayo il y a quelques décennies.

Si le titre de l'album est une référence à Gainsbourg, la couverture renvoit plutôt à Dutronc.

Si le titre de l'album est une référence à Gainsbourg, la couverture renvoit plutôt à Dutronc.

Le grand mérite de Gérald Auclin dans cette aventure de Victor, un héros qu'il semble avoir déjà utilisé auparavant, c'est de débarrasser la dépression de tout romantisme et de tout mise en valeur. Rien n'exalte ici les vertus créatives et la splendeur d'un état désespéré. Le crâne chauve et plat de l'anti-héros et son attitude générale n'évoquent nullement la pose du louzeur magnifique. Même si certains de ses collages-poèmes pourraient dans un autre écrin retenir l'attention, ils n'apparaissent ici que comme grotesquement décalés.Forcément un tel projet qui tient autant de Houellebecq que de Martin Veyron recèle peu de joies et est peu propice à déchaîner l'exaltation. Ceci dit, la couverture et son recto, est assez distrayante grâce à son côté primaire.Les Illusions de Gérald Auclin, The Hoochie Coochie, 2012, noir et blanc, nombre de pages : à vue de nez entre 60 et 80 (les indés ne savent toujours pas numéroter leurs pages, ou ne veulent pas, pour une raison très obscure). 12€. code EAN : 9782916049243. En vente à Aaapoum Bapoum.

 
Dédicace Pierre la Police
 

Le 14 juin, viens échanger tes doubles Panini et te faire signer ton Science Foot

Pierre La Police, chez Aaapoum Bapoum, c'est une rockstar. Difficile de dire si c’est pour son sens de l’absurde, la manière dont il joue avec les associations d’idées ou les mots, ou encore la nostalgie d’une époque bénie et lointaine où Vladimir allait acheter des dessins originaux pour quelques francs symboliques chez Un Regard Moderne…. Quoi qu'il en soit, c’est une histoire qui dure.

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Voilà pourquoi le jeudi 14 juin prochain, à partir de 17h, ce Fantômas de la bande dessinée viendra payer de sa personne et faire des dédicaces dans notre échoppe du 14 rue Serpente à l’occasion de la parution aux éditions Cornélius  de Science Foot, compilation augmentée de ses strips publiés dans So Foot… sur le foot bien évidemment.

La plupart de ses ouvrages publiés aux Editions Cornélius seront disponibles à la vente, des petits gâteaux, cacahouètes et boissons alcoolisées ou non seront servis aux plus festifs d’entre vous. La soirée devrait se poursuivre de manière plus ou moins informelle jusque 22H en compagnie de quelques uns des plus vigoureux membres de l’édition indépendante française. Ca va chauffer!

 
Street Angel de Jim Rugg et Brian Maruca
 

Basket, skate et ninjas

Il faudrait vraiment être très couillon pour croire qu'un commerçant apprécie et recommande tout ce qui se trouve dans son magasin. Ainsi nous vendons des ouvrages que j'adore, d'autres que je trouve mignons, d'autres que j'ai appris à aimer à force de leur chercher des qualités, d'autres que je déteste franchement et enfin certains qui m'indiffèrent totalement.Street Angel appartient plutôt à cette dernière catégorie. Je serais bien en peine de trouver le moindre argument pour vous convaincre de l'acheter en dehors du prix incroyablement bas que nous pratiquons (4€ au lieu des 15€ initiaux !).

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Les exploits extravagants de Jesse Sanchez, cette enfant championne de skate et de combat de rue, qui lutte contre les ninjas et le népotisme, me laissent de bois, ou plutôt de yaourt...Ces 184 pages me semblent désespérement vides d'enjeux et d'émotions. En revanche, deux de mes collègues sont très friands de ces péripéties adolescentes qui semblent directement sorties du cerveau d'un Bart Simpson en période créative, qui prendrait Frank Miller pour James Joyce et croirait que Stéphane Collaro est un membre des Monty Python.

Donc si vous voulez comprendre pourquoi c'est bien, Street Angel de Jim Rugg et Brian Maruca (dire qu'ils se sont mis à deux pour faire ça !) ce n'est pas à moi qu'il faut demander, mais à Alex et à Patrick Batman.

Comme c'est bon de balancer.

Street Angel de Jim Rugg (dessin) et Brian Maruca (scénario). 184 p. n&b. Ed. Lézard Noir.