Publications dans BD européenne
UN AUTRE BART
 

Depuis la rédaction de cet article d'annonce, nous avons fort heureusement pu lire Barthélémy et le moins que l'on puisse dire, c'est que Simon Roussin est en pleine période charnière de sa carrière.

Son style évolue drastiquement, délaissant les dessins au feutre chromatiquement chargés pour opter pour une inspiration ligne claire éclatante dans sa volonté de détournement.

Il y a beaucoup de choses à raconter sur Barthélémy, l'enfant sans âge, au moins autant que de choses à fantasmer à travers les nombreuses ellipses du récit et on compte bien sur Simon Roussin pour nous révéler ses motivations secrètes!

En résumé: Barthélémy est un vieil homme à l'agonie. Étonnamment, ce n'est pas son principal souci. Barthélémy a un problème de désespérance. Au sens Kierkegaardien du terme. Ce n'est pas moi qui le dit, c'est la préface. En effet, Barthélemy ne peut point périr...

Lors de ses derniers soupirs, il se transforme invariablement en jeune garçon fringant d'une petite décennie et se voit donc obligé de continuer sur sa lancée. Encore et encore. Ça peut sembler attirant mais au bout de quelques milliers d'années, on se lasse de tout. Enfin ça, c'est surement parce-que ce Barthélemy ne doit pas être amateur de BD. On ne s'en lasse jamais de la BD.

Il semble tout au long du récit que Simon Roussin dévoie subtilement les récits de genres et l'aventure à la franco-belge (dont l'étendard serait par exemple un Théodore Poussin) pour l'amener sur le terrain glissant du sentiment de vacuité et de la conquête de sa propre mort, bouleversant ses but tout en pérennisant ses clichés.

Vous pourrez découvrir tout ça (et surement bien plus) le vendredi 24 octobre à partir de 17h. Pour obtenir une dédicace de Simon Roussin, il vous faudra impérativement acquérir un Barthélémy sur place.

 
DÉDICACES À FOISON !
 

On tire au jugé chez nous. Dans 2 semaines, on lance trois dédicaces sur 2 jours.

Le 15 octobreRubén Pellejero et Lele Vianello seront en dédicace pour leurs récents ouvrages chez les éditions Mosquito (que nous affectionnons particulièrement, comme vous avez pu le remarquer).

Et puis le 24 octobre, Simon Roussin s'invite chez nous pour son nouveau livre chez Cornélius : Barthélemy l’enfant sans âge.

En premier lieu: deux auteurs de langue latine, un espagnol et un italien !

Nous aurons en dédicace ces deux auteurs le 15 octobre (2014) édités par les éditions Mosquito ! La soirée commencera à 17h au 14 Rue Serpente, 75006 Paris.

Nous accueillerons Rubén Pellejero pour la réédition de Dieter Lumpen en intégrale. Nous fêterons aussi sa reprise de Corto Maltese pour 2015 mais plutôt entre nous car bien évidement, c'est Dieter Lumpen qui sera mis en avant.

Lele Vianello est lui aussi en lien avec Pratt puisqu'il fut son assistant. Il vient d'illustrer une biographie sur Marco Polo, figure légendaire de Venise et source d'inspiration pour beaucoup des explorateurs de l'imaginaire.

Nous aurons à disposition toutes les œuvres de ces deux auteurs éditées chez Mosquito, et quelques autres petites choses.

L'entrée est libre mais pour accéder à la table des dédicaces, il faudra acheter un livre de ces-mêmes éditions Mosquito parmi tout leur catalogue. Avec un seul achat, vous pourrez avoir une dédicace des deux auteurs.

Toutefois, comme vous le savez, c'est la norme avec les dédicaces d'auteurs célèbres, il n'y a pas de bonne solution pour contenter tout le monde.

Nous donc avons pris la décision de distribuer des tickets aux 20 premiers acheteurs, le jour même, à partir de 16h. Les autres pourront faire la queue par ordre d'arrivée mais sans garanties. Au final, ce sont les auteurs qui auront le dernier mots, seuls maîtres de leurs pinceaux.

Simon Roussin, lui, est français et semble fasciné par Belmondo... du moins c'est l'impression que donne son blog.

Chères à notre cœur, les éditions Cornélius s'invitent chez nous avec bonheur pour un livre énigmatique que nous n'avons pas encore eu entre les mains : Barthélemy l’enfant sans âge (d'où est extrait le strip ci-dessus). Qui vivra verra !  On leur fait confiance pour publier de bonnes choses de toutes les manières.

 
RAIL'N'BD FEVER
 

Cyrillle Pomès reçut un bon coup de pouce critique en 2005 lors de la sortie de son tout premier album À la lettre près chez Albin Michel. Quelques articles fleurirent un peu partout à l'époque et les amateurs l'estimèrent sans tarder. Il faut dire que son récit lui était très personnel et qu'à la vingtaine, on lui trouvait une maturité certaine. En gros, la presse l'a bien mis sur les rails. Néanmoins une fois sortie de la gare de départ ?

Il revient en 2009 avec Chemins de fer qui, si j'en juge en creux par l'absence de traces restantes sur internet, fera l'effet d'un pétard mouillé. Pomès a pourtant peaufiné son récit pendant 4 ans. N'y a-t-il rien à en tirer?

Au contraire. Tous ceux qui sont passé à coté de Chemins de fer à l'époque et qui continuent de le faire aujourd'hui dans la boutique mériteraient de se faire botter le train. Ok, du coin de l'oeil l'objet peut paraitre tout à fait quelconque. Un marron peu pétant voire passe-partout, une couverture étonnamment sans couleur (tant mieux), un format peu inhabituel (bien qu'en fait plus longiligne)... Toutefois prenez la peine de tourner légèrement la tête vers l'album. Remarquez l'effort de placement des éléments de la couverture. Remarquez l'amour de l'affiche cinématographique qui en émane. Remarquez à quel point la scénographie de la couverture accompagne le coté fluet induit par les dimensions de l'album. Et vous noterez l'importance de l'absence de couleur après la lecture de l'album.

Il est très difficile de résumer efficacement l'intrigue de ce titre. En tout cas pour l'instant je n'y arrive pas de façon suffisamment palpitante et concise. La quatrième de couverture annonce fort correctement:

Dans une petite gare de campagne où il ne se passe jamais rien... une malle est abandonnée sur le quai. Ce qui intrigue Elias, le chef de gare. Ah! En ouvrant la mystérieuse malle, il devient subitement un témoin gênant pour la mafia! Et dans cette petite gare d'ordinaire si tranquille, descend une troublante jeune femme.

C'est surtout une énorme somme de petites choses bien agencées qui donne toute sa saveur à Chemins de fer.

le vrai trésor que tout le monde s'arrache?

le vrai trésor que tout le monde s'arrache?

Par exemple, Pomès ne comble pas ses espaces noir. Il rajoute par là énormément de matière à ses textures. Dans la même veine, il y a une énorme dichotomie entre la ville et la nature, à tel point que ses environnements agrestes sont souvent totalement dénués d'arrière-plan. On oscille alors mentalement entre la représentation difficile d'un beau ciel bleu sans nuage et celle du vide et du néant tandis que l'urbain devient abondant et touffu. Le travail d'ombre est palpable et apporte une grande force à une BD dont l'encrage donne pourtant des airs baclés aux yeux de certains aaapoumiens. C'est en fait dû à une impression calamiteuse. Certaines planches sont pixelisées. Emmanuel Proust, l'éditeur, devait avoir un gros train de retard au niveau des techniques de digitalisation....Pour en finir avec ce sujet, il est fort heureux que l'auteur n'ai pas autorisé une colorisation par défaut qui aurait rendu le titre beaucoup plus cartoon tout en gommant ses forces graphiques. Versons une larme pour L'incal.

Cette chanson de Jun Miyake est étrangement similaire au pitch de Chemin de fer. C'est très troublant.

L'effort de découpage, très visible dès le début, se poursuit ensuite plus discrètement tout au long de l'album mais reste très puissant. On sent ensuite lors du déroulement narratif et graphique beaucoup d'envies de bouleversements et de variété. Ça se traduit par certaines prééminences des effets d'onomatopées accompagnées de changements radicaux et répétés de cadrage, très efficaces.

deux bulles en plus et voila un méta train. Je ne peux pas croire que ça soit une coïncidence.

deux bulles en plus et voila un méta train. Je ne peux pas croire que ça soit une coïncidence.

La plupart des personnages ont d'élégantes gueules de Picasso. Pomès utilise pas mal d'emphase expressive tout en concentrant ses efforts sur les postures et statures. Son style évolue vite vers une maitrise plus subtile des courbes, notamment celles des visages (Un effet bleach moins dégeu). Il a peut-être parfois un peu de mal avec les tronches de truands mais... En fait non. Les plus moches sont les plus drôles. Et correspondent aux personnages les plus inoffensifs. Il y a une démarcation très nette et réfléchie entre les types de visage. Chaque visage dénote ainsi de la catégorie de caractère à laquelle son propriétaire (son porteur?) appartient. Pomès est très bon dans les tronches patibulaires et crée de la sorte une grosse rupture comique avec les petites canailles grotesques aux faciès de Pieds Nickelés. D'ailleurs le seul type de la bande des coyotes (les falots brigands) à s'accrocher à son banditisme, à prendre les choses en main et à tenter de renverser la vapeur est le seul avec une gueule dure, aussi effilée qu'une lame de rasoir.

Cyrille Pomès étant un homme très occupé, je n'ai pas pu savoir si il avait réussi.

Cyrille Pomès étant un homme très occupé, je n'ai pas pu savoir si il avait réussi.

Le Héros quant à lui n'en est jamais un car il n'y a ni héros ni personnage principal dans cette aventure chorale canonique.  On y croise juste des acteurs qui se baladent ou se font balader jusqu’à former un entrelacs subtil.  les nexi d’incorporation de nouveau personnages sont tous très différents et rafraichissants dans leur traitement. L'histoire complète est un entremélimelo d'aventures en tout genre aux paliers d'interactions efficacement intercalés.

La plupart des sous-fifres sont hilarants. Pas du tout des boute-en-trains mais justement... Il m'est d'ailleurs impossible de raconter içi les éléments du récit qui m'ont le plus fait rire sous peine d’empêcher fondamentalement que vous viviez la même réaction. Au train ou vont les choses, je risque de ne pas pouvoir m'en empêcher. De même, j'ai limité mon apport d'image au stricte minimum, ne choisissant que des cases plus génériques et évitant sciemment certaines pages pourtant terriblement excellentes. Tout ce que je peux révéler pour étoffer ce paragraphe énigmatique tient en quelques mots: cette bande dessinée peut vous prendre à contre-pied et les dialogues sont bien fendards.

Chemins de fer est dorénavant épuisé. C'est donc un objet rare.Chemins de fer est une histoire complète en un volume unique.  Vous ne peinerez donc pas à dégotter la suite.Le prix de Chemins de fer était inutilement élevé en neuf. Puisque nous le soldons, Chemins de fer en devient un ouvrage au tarif tout à fait dans la norme actuelle. Son achat ne devrait pas ébranler votre train de vie financier.

Enfin, sachez que je vais vous coller au train pour que vous l'achetiez.

Chemins de fer, Cyrille Pomès, 12€ au lieu de 19.90€, 86p pour 0.725g.

 
NOËL MAMMAIRE
 

Lorsque l’on bosse en librairie spécialisée "Bandes dessinées", on est en  contact avec de nombreux imaginaires. Ces imaginaires forment bientôt des Tout, avec leurs tendances, leurs évolutions et leurs regroupements.  On constate vite des similitudes. Puis on apprend à déterminer les origines sociales ou historiques de ces similitudes.

Une des choses qui m’impressionne le plus chez les auteurs de ce digne pays qu’est le Japon, c’est leur  façon d’assumer totalement leurs désirs et perversions. Petites filles, tentacules, les deux à la fois… Pas de limites. À côté, les fantasmes européens sont désespérément  fades et  banals. Notre érotisme se contente du vieux gangbang, de ce mythe de la femme qui aime surprenamment le sexe  et du sado-maso.

Au japon, donc, le désir est rendu visible. Et une des choses qui saute le plus aux yeux du lecteur masculin averti que j’imagine être, ce sont les nichons. Les japonais sont fana de gros seins. Plus spécifiquement de gros seins naturels. Ça transpire bien au-delà de leur production érotique ! Aucune histoire pour adolescent ne peut échapper à son lot de mini-jupes, de tension sexuelle et de grosses poitrines. Certains auteurs se sont même spécialisés dans cette opulence bustière, cette hypertrophie mammaire naturelle.

On peut notamment citer  Shouji Sato, dont toute la carrière est basée sur de gros nibards improbables dans des histoires non érotisés (Highschool of the dead : zombies/ Triage X : tueurs à gage)...

On peut aussi mentionner La paire et le sabre, une excellente série qui base son intrigue sur des techniques secrètes de réduction mammaire en plein japon féodal. L’héroïne de cette histoire aspire la poitrine de ses ennemies et l’absorbe, multipliant sa taille de bonnet à chaque fois, dans un monde qui octroie richesse et puissance aux femmes excessivement opulentes… C’est un peu la quintessence de leur vice pour les seins. Des seins, je le répète, totalement et illogiquement naturels. Tellement naturels qu’ils en deviennent extensibles et malléables à merci. Les lecteurs baignent dans cette incohérente physique de flambi qui en devient une simili norme.

Alors quand je vois une couverture comme celle-ci, d’un auteur  espagnol en plus, qui prend totalement  le contrepied de la vague dominante actuelle de tétasses, je le mets en avant. Mais oui ! Voilà un auteur non nippon qui assume ses fantasmes de seins siliconés. Bravo.

Le prisonnier des étoiles T2 est sorti en France en 1987. Je me souviens que dans les années 2000, les prothèses mammaires en silicone faisaient l’objet de nombreux débats de santé. On peut supputer alors que le pic de désir et de potentiel fashion du sein refait ait été atteint dans la décennie précédente. Alfonso Font est sûrement alors le produit de son époque, tout comme les auteurs japonais que j’ai cités précédemment. Mais tout de même. C’est fou cette dichotomie bustière. Et puis regardez-moi ce port de poitrine altier et fier. C’est une annonce en soit. C’est un auteur qui explique ce qu’il aime. Qui dessine ce qu’il aime.  Et qui aime les seins refait.

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La forme de la prothèse implique une saillie caractéristique du sein final et un positionnement dans l’espace différent.  Il est notoire que le sein refait ne tombe pas de la même façon que le sein d’origine lorsque son propriétaire gît sur le dos. C’est la même idée qui me pousse à affirmer que Font aime cette chirurgie esthétique. La qualité des prothèses de l’époque ne permettait pas un camouflage parfait du sein refait, qui n’apparaissait donc pas comme naturel, trop sphérique.  Font a donc utilisé cette imagerie imparfaite qui lui plaisait pour forger son héroïne. C’est tellement rétro et rafraîchissant dans cet océan mammaire informe et dégoulinant.

Enfin, à part ça, ce volume appelé Le dôme des plaisirs est en fait le tome 2 d’une série appelée Le Prisonnier des étoiles. C’est une histoire qui conclue la série, bien que l’auteur en eu sûrement voulu autrement. Il faudra juste accepter la possibilité qu'il n'y ait pas d'issue et que derrière un effet de suspens très répandu, il ne se cache que la fatalité de la vie. On peut très bien ne pas avoir lu le premier tome et tout de même saisir l’urgence de la situation des deux protagonistes spatiaux. Au pire, je suggèrerai bien de carrément nier l’existence de ce tome et d’envisager la lecture du Dôme comme celle d’un one–shot. Ça semble fonctionner. Ça rend l’apport de certaines informations assez abrupt mais un esprit ouvert ne peinera pas trop à les assimiler.

Je ne sais pas comment ni à quel point son style a évolué aux côtés de Carlos Giménez (avec lequel il a bossé quelques années en France avant le Prisonnier des étoiles) mais Font dessine plutôt bien de bout en bout (pour preuve sa maîtrise technique de la gravité d’une poitrine modifiée). En tout cas, il est aisé de faire le rapprochement avec son confrère-compatriote.  Font est présent dans plusieurs recueils de Tex et d’Akemi. Si vous ressentez de la nostalgie à sa lecture, ça doit venir de là.

Le vocabulaire d’une époque révolu émaille bien le ballottement des deux personnages principaux. Au fur et à mesure que l’intrigue avance, on pourrait presque faire basculer le récit de science-fiction à aventure tant l’ambiance s’y prête, tant l’environnement sans incroyables fantaisies technologiques peut nous sembler convenablement actuel. Font dépeint un futur qui tombe en morceaux. Un futur qui n’a pas réussi à être rutilant et à magnifier l’humanité. Un excitant mélange d’Hombre et de Valérian.

Le prisonnier des étoiles T2, vendu  avec un certain plaisir en pile rue Serpente pour 6€.

Je suis déçu, en tapant dôme des plaisirs sur google, vous ne trouverez rien de libidinal…

Je suis déçu, en tapant dôme des plaisirs sur google, vous ne trouverez rien de libidinal…

 
PETITES DÉDICACES PERSONNELLES

Pour reprendre après cette interruption moldavo-tchèque, un tout petit article en image sur la beauté de la profession. Aujourd'hui, le plaisir de la dédicace familiale au détour d'un feuilletage.

dédicace love junky

dédicace love junky

Parfois c'est juste choupinou.

Parfois c'est juste choupinou.

Et parfois dans le rayon d'à coté, c'est carrément différent.

Et parfois dans le rayon d'à coté, c'est carrément différent.

Et si vous vous interrogez sur le pourquoi d'une telle image de une (ou de bandeau d'article) et bien sachez que c'est simplement un des choix que propose google image pour le terme dichotomie.

TONY STARK DE AIDANS
 

Récurrence de la figure eastwoodienne, annexe 13.

Ça commence comme un western spaghetti.On y trouve des personnages qui ont la tronche de Eastwood, Van Cleef, Bronson et peut-être même John Wayne et Kirk Douglas, mais c'est moins convaincant. Au bout de quelques planches on se rend compte que c'est en fait le tournage d'un film qui est brusquement interrompu par l'action surgissant dans la réalité. C'est le début des Voleurs de nuages, la quatrième aventure de Tony Stark, publiée en 1981. Oui, mettons les choses au clair immédiatement, il ne s'agit pas du moustachu, richissime fabricant et vendeur d'armes créé par Stan Lee en 1963, mais d'un autre moustachu étatsunien, qui lui se contente d'être une sorte de rancher de l'Ouest, écrivain de romans et homme d'action. Ce Tony Stark-là fut créé par Aidans (le dessinateur, entre autres de Tounga) et par Jean Van Hamme, en 1979 pour la revue Super As. Notons au passage que Van Hamme volait à peu près à la même époque le nom de Gandalf à Tolkien pour le fourrer dans Thorgal.

Voici donc à nouveau Eastwood (pour ceux qui ne suivent pas ce blog depuis des éons, vous pouvez sélectionner "Clint Eastwood" dans le menu déroulant des catégories dans la colonne de droite et vous verrez dans quel contexte s'inscrit cette présente note) . Cette fois-ci il est moqué, puisque l'acteur prête ses traits à un personnage acteur également, qui, s'il joue de féroces pistoleros, est dans la réalité un couard s'évanouissant face au danger. Cette irrévérence, quoique pataude, est sufisamment rare pour être référencée.

Sinon l'histoire, une variation bonhomme de SOS Météores dans le Grand Ouest, se lit sans intérêt réel ni déplaisir outrageant. Beaucoup de chevaux seront morts à la fin de la lecture, mais aucune patte de canard. Reste que le papier mat ivoire des éditions Hachette BD de l'époque est toujours un régal, car il offre un écrin velouté à ces oranges rosés qu'on ne retrouve plus de nos jours.

Tony Stark, régulièrement trouvable dans nos librairies, entre 7 et 15€ en fonction de l'état et des titres.

 
BAGGI : TRAVAUX ET L'AFFAIRE LORETTA STEVENS
 

Les univers cannibales

À propos de Travaux et de L’affaire Loretta Stevens de Alessandro Baggi.

Alessandro Baggi ne compte guère à son actif qu’une poignée de Dylan Dog et d’albums divers qui n’ont soulevé l’enthousiasme ni en France, ni de l’autre côté des Alpes. L’auteur a pourtant quelques qualités à faire valoir, notamment son dessin soigné. Quand son style ne revisite pas le comics ou l’école française moderne, il s’appuie sur le classicisme italo-argentin, tendance Alberto Breccia ou Dino Battaglia, selon les besoins de l’intrigue. Malgré le faisceau de références qui convergent dans son dessin, le travail de Baggi n’a rien d’un fourre-tout, car l’auteur se réapproprie la technique du patchwork ou du photomontage cher aux surréalistes italiens. Travaux ou L’affaire Loretta Stevens sont en outre hanté par la présence de Buzzati, Lovecraft… ou Steve Gerber (Howard the Duck). Baggi recompose à chaque fois un récit onirique qui glisse immanquablement vers l’horreur la plus noire.

Le héros de Baggi est toujours inaccompli. Sa peur puise son origine dans la certitude qu’il n’y a pas d’issue. Quoi qu’il fasse, il est d’ors et déjà condamné à revenir à l’état primal ; à être happé et ensuite digéré dans quelque chose d’utérin et à la fois intestinal… pour l’éternité.

Les tentatives de Baggi, en dépit de leur manque de reconnaissance, prouvent qu’une bande dessinée transalpine affranchie des canons des fumetti et des récits prattiens existe bel et bien. Nos boutiques proposent chacun de ces deux titres à 9 euros (au lieu de 13).

 
UN ÉTÉ INDIEN DE MANARA : LE PORTFOLIO
 

Chaleur, Amérindiens et incestes...

En 1987, en marge de la sortie de l'album événement qui fut la première collaboration d'Hugo Pratt et de Milo Manara, Un été indien, les Éditions del Grifo proposèrent un portfolio sur le sujet, tiré à 999 ex. Il comprend 10 illustrations couleurs de Manara en grande forme. Chaque planche est numérotée et paraphée par le maître. Une seule porte la signature complète. Cet exemplaire siégeant rue Dante porte le n°338/999. Préface de Hugo Pratt.Nous le vendons 220 €. Ce n'est pas trop.

 
MŒBIUS – HENDRIX : LE PORTFOLIO
 

En 1975 la maison Barclay demanda à Mœbius une illustration pour la pochette de la compilation en un double album des deux premiers disques du Jimi Hendrix Experience : are you experienced  / bold of axis. Pour l'aider dans sa tâche on fournit à Mœbius un lot de photographies du musicien. Celle qui retient l'attention du dessinateur a immortalisé Hendrix en train de manger. Ce cliché fut pris le 6 mars 1967 à Bruxelles, par Jean-Noël Coghe, alors jeune critique de rock. Pendant des années ce dernier ne sembla guère se soucier de ce qu'il était advenu de l'image qu'il avait saisie, avec un appareil qui n'était pas le sien... Puis un beau jour des années 90, sans doute fort bien conseillé, il se décide à menacer de procès le dessinateur. Mœbius dont l'inspiration, tout au long de sa carrière, puisa abondamment à la source de ce qu'on appelle parfois le huitème art (bien qu'antérieur au septième, cette classification est débile), Mœbius donc, commença à transpirer à grosses gouttes. Finalement les deux hommes s'arrangèrent à l'amiable et firent un livre et un portfolio de toute cette histoire. Le livre s'appelle Jimi Hendrix, émotions électriques (EAN : 9782859203863), et fut publié par le Castor astral en 2000. Il fut précédé par le portfolio en 1998, édité par Stardom. Sous un emboîtage imprimé en orange sur le front, on trouve une page de colophon, une page de photos de Jimi Hendrix, une page de texte de Jean-Noël Coghe,  et 10 planches sérigraphiées en couleur. Édition numérotée 263 sur 500 exemplaires et signée par Moebius et par Coghe sur le colophon. 41x51 cm.


Quelques rousseurs sur la page de titre et quelques traces d'usure sur l'emboîtage. 700 € est son prix de vente dans notre échoppe rue Dante. Un exemplaire similaire fut vendu à Artcurial en 2011 pour 750 €. C'est d'ailleurs dans le catalogue de cette vente que j'ai appris le mot "colophon", qui ne me semble pas forcément super approprié mais que j'ai tout de même recopié, car il est amusant.

 

 
PROPHET de MATHIEU LAUFFRAY
 

Sur un coup de tête, subjugué par le halo angélique mystérieux  de l'album et hameçonné par le nom de l'auteur maintenant bien connu pour Long John Silver, vous venez d'acheter le T4 de la série Prophet de Mathieu Lauffray? Presque par impulsion divine, sans avoir ne serait-ce qu'entendu parler de cette histoire auparavant? Ou pour les même raisons vous êtes terriblement tentés mais n'en savez pas assez pour vous lancer? Ou à l'inverse, vous êtes fier d'être un de ceux qui se souviennent encore de la série mais au fil du temps... Il faut faire de l'espace... Les séries se perdent...

C'est normal, il a quand même fallu à l'auteur 9 ans pour conclure son récit.  Je ne sais pas précisément pourquoi le délai fut si long. Il faudra surement se référer à la foultitude d'interviews qui vont fleurir sous peu pour en découvrir plus. En 2007, Mauthieu Lauffray parle de "difficultés éditoriales" à ce sujet, sans s'y appesantir.

Votre irrépressible désir est tout à fait louable, d'autant plus que Lauffray a bien réussi sa couverture (aussi sombre qu'elle est illuminée) et que l'éditeur dispose ses cartes avec autant de subtilité que mon introduction. Pour preuve le résumé officiel de la nouvelle édition du tome 1:

Nouvelle édition des trois premiers volumes à l'occasion de la sortie du tome 4 ! Une série post-apocalyptique par les auteurs de Long John Silver ! Depuis qu'il est revenu d'une expédition durant laquelle il a découvert les traces d'une ancienne civilisation, Jack Stanton est en proie à des visions. Tout est étrange autour de lui : on tente de l'assassiner, un cargo s'échoue en plein Manhattan et, bien évidemment, personne ne veut le croire. Un soir, alors qu'il traverse le pont de Brooklyn, Jack se retrouve transporté dans un monde parallèle.

Si je ne peux éclairer plus les coulisses de ce titre, je peux tout de même vous remettre sacrément à la page grâce à deux packs de la série subtilement différents. Assez pour qu'on fasse la distinction et qu'elle soit d'importance.

Ces 2pack, qui forment donc deux piles séparées, contiennent sensiblement la même chose: les trois premiers tomes de la série Prophet, que nous avions récupéré et assemblé à une époque ou il nous semblait qu'elle ne se conclurait probablement jamais. Oui, nous avions surement un peu perdu la foi.

La première fournée de packs contient des volumes d'occasion en bon état.  Les trois albums forment un tout à 38€. Si vous décidiez d'acheter les volumes en neuf chez un de nos voisins, vous débourseriez 42€ et 40 cents. De plus, vous n’expérimenteriez même pas la plénitude que l'on ressent à acheter une masse de BD sous plastique qui nous rapproche drastiquement d'une collection complète et de la fin de notre épopée de lecture tout à la fois. Dernier détail d'importance, vous seriez confronté à la nouvelle mouture de la série, rééditée pour coller à l'apparition du T4. Ces rééditions sont sûrement les bienvenues (partout ailleurs qu'à Aaapoum bapoum ou l'on aime trop la saveur de la BD d'antan) mais leurs couvertures sont bien moins marquantes que celles des éditions précédentes. Je vais tacher de vous l'illustrer.

La seconde pile de packs ne comprent que des éditions originales. Toujours des tomes 1, 2 et 3. Si vous ne tardez pas trop pour investir dans le T4 (ou si vous l'avez déjà selon le début de cet article), vous obtiendrez ainsi sans aucune peine la série complète en première édition. Il vous en coutera toutefois un peu plus cher. 45€ exactement. Mais ça aura été tellement facile...

Nous n'avons pas nous même le T4 actuellement. Il finira bien par passer à la boutique, je vous l'assure. Nous avons foi à nouveau.