Publications dans Comic
Joe Kubert (2) : Abraham Stone
 

Un p'tit gars de Pennsylanie

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Abraham Stone marque un certain retour de Joe Kubert dans la création, au début des années 90, après une bonne décennie où il avait surtout consacré ses efforts à son école de dessin, la Kubert School Cartoon and Graphic Art.

Cette œuvre témoigne d'une volonté de s'éloigner des récits de genre où l'auteur avait brillé (guerre et super-héros). Visiblement armé de nouvelles préoccupations Kubert s'oriente vers des terres plus sociales et réalistes. Abraham Stone est un jeune américain du début du siècle dernier. Un petit gars de la campagne de Pennsylvanie venu à New York sur les traces des assassins de sa famille. Ses investigations l'amènent à intégrer la pègre de l'East Side. Il ne tarde pas à découvrir les liens qu'elle entretient avec un certain capitaliste ferroviaire... Une aventure très "Will Eisner" en somme, le comique et la distance en moins (un lecteur a-t-il déjà trouvé une trace d'humour dans un bouquin de Kubert ???).

Cette inclinaison thématique s'accompagne d'un changement de format. Kubert a conçu les aventures d'Abraham Stone pour le marché européen, et plus précisément pour son ami Erwin Rustemagic des éditions alors yougoslaves Strip Art Features. 3 albums de 48 planches, donc. Les éditions Glénat accueillirent dans leur collection "Vécu" la première de ses aventures (t1 : Rat des villes). Par la suite Abraham Stone semble avoir été à Hollywood (t2 : Radix Malorum) et dans le Mexique de Pancho Villa (t3 : The Revolution), mais ces deux aventures n'ont jamais bénéficié d'une sortie album francophone. Il semble pourtant qu'elle furent au moins partiellement publiées dans USA magazine.

Tel quel, le tome 1 se suffit à lui-même. Une histoire de vengeance, simple, efficace, avec de belles scènes de pluie et des méchants vraiment méchants. Kubert ne fait pas dans la dentelle, mais son manichéisme allié à la fluidité de la narration assure un grand confort de lecture. Sa joie de dessiner est indéniable et entraînante. Une ardeur qu'il aura un peu perdue sur le travail de commande Tex, dont nous reparlerons dans ces colonnes.

Abraham Stone, T.1 Rat des villes de Joe Kubert, 1992, Glénat. Un album qui comme la plupart des tomes 1 demeurés sans successeurs se trouve assez facilement en occasion.

Dans nos archives : Joe Kubert (1) : Face au Viêt Công.

 
Whiteout de Rucka et Lieber
 

L'Antarctique : des machos, des tueurs, des traîtres et 180 jours de nuit...

Tandis qu'en Francobelgie les éditeurs arpentent le patrimoine littéraire pour le transformer en illustrés pour la jeunesse, de l'autre côté de l'Atlantique les Hollywoodiens transforment en films un nombre croissants de comics. Parfois, dans le second cas, le cinéma (ultime produit dérivé) offre une exposition accrue à une œuvre du neuvième art que le grand public n'aurait pas forcément remarquée  ("tiens la bédé du film !"). Ce sera probablement le cas de Whiteout, un respectable polar ayant pour cadre l'Antartique. Deux mini-séries scénarisées par Greg Rucka et dessinées par Steve Lieber, traduites en français en deux grands albums brochés, publié par Akileos en 2003.

Derrière une couverture  signée Frank Miller (une fausse bonne idée : le lecteur ainsi appâté refermant l'ouvrage avec la promptitude qu'entraine la déception de ne pas retrouver le maître des grosses semelles crantées à l'intérieur), le premier tome décrit l'enquête de l'US marshal Stetko sur un écheveau classique de morts et disparitions... Le cadre polaire est bien exploité, les dialogues sont bien tournés et le personnage principal est attachant dans le registre féminin qui ne se laisse pas emmerder. Cet Antarctique en noir et blanc tramé semble assez naturel et le découpage des scènes d'actions établit le bon équilibre entre les effets réalistes de confusion et la lisibilité nécessaire pour les apprécier.

La seconde histoire (Whiteout : fusion) confronte cette fois-ci l'héroïne à des mercenaires russes volant des armes nucléaires pour la mafia... En lisant récemment ces deux aventures, je me disais que le personnage de Carrie Stetko irait comme un gant à Clea DuVall s'il fallait lui trouver une interprète : même pugnacité, morgue, distance et équilibre intérieur incertain (oui, car en fait je râle à chaque fois qu'il y a une adaptation, mais je passe mon temps à chercher qui pourrait jouer qui, en bon geek que je suis : "Hé Stef ! Qu'est-ce que tu penses de Pierre Palmade en Thanos ?"). En plus Clea Duvall présente l'avantage d'avoir du charme sans ressembler à une fille de magazine. Parfaite pour le rôle donc, sans même évoquer les taches de rousseur.

Un petit tour sur le web et j'apprends, sans doute après la plupart de nos lecteurs, qu'un film est en "post-production". Sortie prévue pour 2009. Et non, ce n'est pas Clea. Ils ont choisi Kate Beckinsale, une actrice qui a un certain talent pour s'immiscer dans des navets flamboyants où elle peut incarner des guerrières vampires en cuir ou des décolletés de reine des gitans.

Je sais pas pourquoi, là,  j'ai l'impression que la subtilité psychologique des personnages va en prendre un coup...

Avant la soirée pizza de l'année prochaine, si vous avez envie de lire la BD et si vous passez chez nous, il se trouve qu'on en a quelques exemplaires.

 
PUNISHER Max n°6 : LE TIGRE par GARTH ENNIS
 

Récurrence de la figure eastwoodienne (annexe 7)

Le sixième recueil de le collection "MAX" du Punisher[1], contient 4 histoires. Les deux du milieu, scénarisées par Justin Gray et Jerry Palmiotti sont dispensables et assez ridicules. Le personnage de tueuse amazone sicilienne au charme eighties nommée Suspiria est particulièrement dur à avaler. En revanche ces produits médiocres sont encadrés par deux perles signée Garth Ennis, le scénariste qui n'aime pas les hommes au yaourt.

La nouvelle qui donne son nom au recueil, Le Tigre, est dessinée par John Severin dont nous parlions il y a peu. Excellente idée que de demander à un dessinateur né dans les années 20 de mettre en scène une histoire se passant dans l'enfance de Frank Castle, donc dans une sorte d'Amérique de l'ancien temps évoquant aussi bien Sur les quais de Kazan que les bandes de Will Eisner. Un encrage duveteux et une mise en couleurs intelligente (tramant les fonds de croisillons clairs) parfont l'atmosphère brumeuse de souvenirs ayant valeur de mythe fondateur. Si Garth Ennis date précisément la naissance de Frank en 1950 ("1960 : j'ai dix ans") le dessin de Severin évite de trop caractériser l'époque, conscient de la tension qui résulte à envisager un Punisher de... 56 ans[2]. En effet, le personnage du Punisher, par son passé au Vietnam, est cœur d'un des plus important problème auquel sont confronté les animateurs de l'univers Marvel, la vraisemblance historique et le vieillissement des héros...

The Cell, dessinée par Lewis Larosa, a retenue notre attention pour une raison dont vous commencez à vous douter. Ce n'est pas ma faute... Il y a encore Clint Eastwood dedans ! Au début, je me suis dit, ce n'est pas possible, je me fais des idées... On va pas recommencer. Et puis lorsque Stanley m'a emprunté mon bouquin pour le feuilleter et qu'il m'a glissé : "dis-donc, il serait pas un peu eastwoodien celui-là ?", mes réticences se sont évanouies : Oui c'était bien Eastwood qui jouait le Punisher.

Cette histoire carcérale, plongée dans les ténèbres, met bien en évidence les liens qui relient la mythologie du Punisher à celle des incarnations de Eastwood à l'écran. C'est tellement évident que jusqu'à présent j'avais omis d'en prendre conscience ! Un homme seul face au système. Un homme entre deux clans (ses ennemis se comptent des deux côtés de la Loi) . Une vengeance personnelle comme carburant. D'expéditives méthodes... voilà bien des caractéristiques de la figure qui a rendue Eastwood populaire auprès du grand public. Si l'acteur-réalisateur a toujours cherché à éviter tout excès de complaisance envers la violence alors que Garth Ennis aime se baigner dans l'hémoglobine et les tendons arrachés, comment ne pas établir rétrospectivement un parallèle entre les nuances qu'apporte Magnum Force au personnage de Harry Callahan[3] et la défiance du Punisher vis-à-vis de ses émules indésirables, dans la première et jubilatoire mini-série[4] que Ennis consacra au personnage.

Garth Ennis ne semble pas encore prêt à creuser autour des racines de ses propres fascinations barbares, pas plus qu'il ne montre l'envie de mettre en perspective les conséquences de la violence (a contrario du réalisateur d'Unforgiven) en cela ses héros sont plus bronsoniens qu'eastwoodiens. Toutefois, en l'occurrence, sa volonté de relier les actes du Punisher à son passé, son réel attachement au personnage et à son potentiel ainsi que son ardeur à en revisiter les mythes fondateurs, placent les deux récits évoqués aujourd'hui loin au dessus de ses habituelles bidasseries potaches.

[1] Panini France, 2007, 15€ .

[2] et oui, car The Tyger est paru au États-Unis en février 2006.

[3]Magnum Force (1973) de Ted Post, est le deuxième volet des aventures de L'inspecteur Harry. On l'y entend formuler cette fameuse phrase : "Je crois que vous avez fait une erreur de jugement à mon propos."

[4] En français cette série fut publié par Panini dans les 3 premiers 100% Marvel consacrés au Punisher puis regroupé dans un petit format moche mais pas cher distribué par Maxi-Livres : Un monde sans pitié, 2004.

 
L'art de la BD : John Severin, éditions Campus
 

Un vétéran discret

John Severin est un vieux soldat de la bande dessinée américaine. Né en 1921, il a surtout appliqué son talent aux récits de guerre et aux westerns, mais sa longue carrière le vit aussi œuvrer dans le fantastique, l'humour ou le récit de super héros. En effet, depuis les années cinquante son nom est associé à toutes les entreprises d'envergure dans le monde des comics : il était là au lancement des EC comics, au début de Mad, à la génèse de Creepy et Eerie... et au début des Marvel Comics de Stan Lee. Ainsi il travailla beaucoup sur Sgt. Fury and his Howling Commandos, la "jeunesse" de Nick Fury contre les nazis. Dans les années soixante-dix il encrait les dos musculeux de Hulk et de Kull The Conqueror (dans ce cas sur des dessins de sa sœur)... Mais le vétéran n'est pas resté sur la touche... Plus récemment on l'a vu retravailler pour Marvel — avec des scénaristes aussi tendance que Garth Ennis (Punisher - Max) et Ed Brubaker (Iron Fist) — et pour DC sur Desperadoes...

L'anthologie "L'art de la BD" que lui consacrèrent les éditions Campus en 1983 est assez orientée sur le genre fantastique, même s'il s'agit la plupart du temps de récits hybrides : westerns fantastiques, récits de guerre horrifiques, science-fiction humoristique... 7 nouvelles d'origines diverses nous sont ainsi données à déguster. Le dessin se déploie avec constance. Riche en détails,il ne néglige aucun élément du cadre, semblant appliquer à toutes choses la même attention professionnelle. Les effets sont dosés avec le soin culinaire du gourmet qui ne veut pas gâter la sauce d'une bonne intrigue par un excès de condiments.Toujours à hauteur d'homme, sa posture modeste peut parfois accoucher de planches ronronnantes quand l'histoire est faible (en l'occurrence la dernière du recueil) mais les personnages y sont toujours crédibles.

Cette anthologie de 66 pages, morceau compact de l'aventure du neuvième art, est un salutaire aperçu du travail d'un artiste méconnu, talentueux et discret. En plus chez nous il suffit d'un euro (1 € !) pour se l'acheter. Deux bémols tout de même concernant l'objet :

1) la qualité de l'impression en noir et blanc est nettement moins bonne que pour les précédents numéros de la collection, et ne rend pas hommage aux nuances de l'encrage qui utilise parfois des teintes intermédiaires, en lavis et crayon ou en trames...

2) les dates de publications originales, les titres originaux ainsi que les supports initiaux des nouvelles n'y sont pas clairement identifiées.

On parle aussi un peu de John Severin dans cette note postérieure :

Punisher Max n°6 : Le Tigre par Garth Ennis

 
Récurrence de la figure eastwoodienne (annexe 6) : théâtre d'ombres
 

Loveless de Brian Azzarello et Marcelo Frusin

Profitons de ce que, pour une fois, l'actualité des publications coïncide avec nos obsessions. Le début de la série Loveless a été traduit en français et publié il y a peu chez Panini. C'est une production du label Vertigo de DC comics. Connaissant l'inclination de cette collection pour le cynisme et une certaine pose adolescente, c'est sans surprise que l'on voit ce récit arborer fièrement sa filiation : le western des années soixante-dix, une fois qu'il a été mastiqué par Leone et Peckinpah.Blackwater, petite ville du Missouri, est la proie de fantômes divers en ces années meurtries qui suivent la guerre de Sécession.

Une armée d'occupation avec ce que cela implique toujours de vilenie, une troupe d'irréductibles dont la cruauté n'a d'égale que le racisme, un nuage de tensions et de rivalités locales et, pour couronner le tableau, un fils du pays qu'on croyait mort, qui s'entoure de mystères et semble venu savourer une vengeance à trois bandes.Azzarello ne se précipite pas pour dévoiler les ressorts de son intrigue.

Le rythme indolent qu'il obtient rehausse les séquences de violence et fait la saveur de ce récit. Néanmoins, faute de caractérisation plus subtile des protagonistes il n'est pas sûr qu'il parvienne à accrocher suffisamment la curiosité du lecteur. En ce sens il n'est pas aidé par le dessinateur, qui, s'il soigne parfaitement le découpage et l'encrage, ne parvient pas suffisamment à différencier les personnages, ni à leur accorder ce surcroît d'âme qui distinguerait cette œuvre des productions communes. Trop marqué par les figures leoniennes et par les lumières de Bruce Surtees et de Jack N. Green sur les westerns de Eastwood, en bref trop imprégné de clichés visuels appréciés du public, Marcelo Frusin ne voit pas les êtres humains derrière les costumes.

Jeu appuyé de références cinématographiques Loveless convoque évidemment la figure de Eastwood au sens propre. Deux personnages se partagent sa panoplie. Le héros vengeur, Wes Cutter, a gagné le poncho de l'Homme sans nom, le chapeau et la paire de colts de Josey Wales et la dynamite de l'Homme des hautes plaines. Le colonel Silas Redd a lui obtenu les traits de l'acteur et sa coupe de 1971. La tronche d'Eastwood était sans doute une référence inutilement appuyée, mais elle apparaît comme un aveu d'amour et est ici métonymique du western cinématographique en général.

Si les inspirations revendiquées de Loveless ont toute notre sympathie, on souhaite que par la suite les auteurs cherchent un peu moins à satisfaire les fans qu'ils sont et s'aventurent sur le terrain d'une création bédéïque plus ferme dans ses bottes, affranchie du cinéma.

Loveless tome 1 : Retour au bercail, de Brian Azzarello (scénario) et Marcelo Frusin (dessin), Panini comics, 2008, 13€.Lire également dans nos archives :Récurrence de la figure eastwoodienne : vanités des vanitésRécurrence de la figure eastwoodienne, annexe 1 : Black is beautifulRécurrence de la figure eastwoodienne, annexe 2 : Dans l'ombre du pistoleroRécurrence de la figure eastwoodienne, annexe 3  : L'oncle d'IrlandeRécurrence de la figure eastwoodienne, annexe 4: Blah BlahRécurrence de la figure eastwoodienne, annexe 5 : Jeunes talents Fnac 1999

 
Un peu de lecture extraordinaire sur Will Eisner.
 

Par Stéphane

Je viens de me fendre d’une critique assez virulente contre les éditions Delcourt, à paraître dans le prochain Chronic’art. Il faut dire que j’ai été passablement agacé par leur travail sur la réimpression de Big City, totalement odieuse de par sa très mauvaise qualité de fabrication.

J’ai comparé le livre à un étron, ce que je savais un poil trop provocateur mais finalement si approprié à mon ressenti que j’ai, après hésitation, quand même conservé la formule. J’avais, par le passé, déjà évoqué les mini éditions de Corto Maltèse en terme de « merde », sur ce Blog. L’on m’avait menacé de poursuite, sans compter les demandes de censure formulées à l’hébergeur de ma vidéo, qui les a toutes bien heureusement déboutées. On verra donc si j’entends parler de cette critique du Bronx.

Bref, tout cela pour dire que je ne me sens jamais parfaitement à l’aise avec les coups de gueule et la critique destructrice. Je ne l’imagine possible que si celui qui critique propose en contrepartie, à défaut d’une alternative, tout du moins de la reconstruction positive.

Alors voila, journée éloge Eisner pour compenser. Je fais mon travail de bibliophile pour offrir de la lecture alternative. Fans de Will Eisner, attachez vos bretelles, ça décoiffe :

1- Une vidéo de près d’une heure, en anglais malheureusement, dans laquelle Will Eisner s’exprimesur le roman graphique à la libraire du Congrès.

2- Et enfin, gratin du gratin dechez gratin, voici des heures de lecture en perspective et un aperçu concret des relations qu'entretenait Will Eisner à l’armé (sujet qui fait parfois débat depuis que Ben Katchor semble l'avoir soulevé). Une très large collection de P.S Magazine dessinés par le studio Eisner -composée de 145 numéros normaux, 5 spéciaux, et 14 index, scannés dans une excellente qualité, classés soit par numéro, soit par année est disponible à la lecture sur le site de la bibliothèque de la Virginia Commonwealth University.( P.S Magazine est une publication pédagogique destinée aux jeunes trouffions qui, ignorants qu’ils sont, ne connaissent pas ces petites recettes de grand-mère qui permettent d’entretenir son matériel militaire avec délicatesse).

Merci à BibliOdysey, génial site, génial site.

 
Radio Crumb bonsoir
 

Un portrait radiophonique de  Robert Crumb

Si ça se trouve il existe des lecteurs du AAABLOG qui ne lisent pas le blog de Cornélius et qui ne suivent pas de près les programmes de France Culture. Alors pour ces hypothétiques habitués je fais ici un petit rappel : ce soir à 22h15 l'émission Surpris par la nuit sera consacrée à Robert Crumb. Conçue par Christian Rosset (tiens, ça me dit quelque chose ce nom) et réalisée par Anne Fleury, ces 45 minutes ont l'air alléchantes,  jugez plutôt (je recopie ci-après le descriptif du site de France Culture pour ceux qui, comme moi, n'aiment pas passer leur temps à suivre des liens) :

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Robert Crumb (né le 30 août 1943 à Philadelphie) parle peu. Il vit àl'écart avec sa famille, depuis le début des années 90, dans le sud dela France (son départ des Etats-Unis a été filmé par Terry Zwigoff). Sa côte est de plus en plus élevée. Une anthologie en langue française,réalisée avec un soin maniaque à partir des originaux, est en cours de publication aux éditions Cornélius. Robert Crumb, autobiographe et contempteur de l'Amérique contemporaine, est aujourd'hui plus reconnu que jamais, survivant légendaire d'une époque - les années 60-70 - qui continue de fasciner (il vient d'être compté par un magazine américain parmi les 100 génies vivants, toutes catégories confondues, ce qui n'est certes pas sérieux mais nullement hasardeux). Ce qu'on sait peut-être moins, c'est que Crumb, loin d'être un apôtre de la contre-culture, est un pur "inactuel", n'écoutant que des 78 tours, et dessinant du matin au soir sur des carnets ce que son regard nostalgique mais précis capte d'un monde en voie de disparition. Pour faire un portrait de Robert Crumb, il est nécessaire de varier les angles d'approche. Pour cela, un miroir à trois faces est parfait. Un assez grand miroir qui pourrait capturer, au-delà du mutique et solitaire Crumb, les résonances toujours sensibles de ce qu'on a appelé"l'underground". La réédition de Breakdowns, l'album mythique des débuts d'Art Spiegelman, augmenté d'une réflexion en texte et en bande dessinée sur ces temps agités, nous incitera à creuser, en sa compagnie, quelques pistes parmi d'autres qui, par montage, nous permettront de composer un portrait aussi labyrinthique que concret,retrouvant la voix de Crumb : non l'organe de la parole mais celle qu'on entend très précisément quand on plonge dans son monde de dessin.

Avec :

- Edmond Baudoin, dessinateur

- Blutch, dessinateur (sous réserves)

- Florence Cestac, dessinatrice et ancienne éditrice (Futuropolis)

- Alain Dister, écrivain, photographe

- Lora Fountain, agent de Robert Crumb

- Jean-Louis Gauthey, éditeur (Cornélius)

- Jean-Pierre Mercier, responsable de l'anthologie Crumb chez Cornélius

- Gilbert Shelton, auteur des Freak Brothers (sous réserves)

- Art Spiegelman, auteur de Maus et de Breakdowns

- Et la voix de Crumb

Ah au fait si je vous conseille cette écoute c'est parce que Robert Crumb c'est bien et qu'en plus, ô surprise, on vend ses livres chez AAAPOUM BAPOUM !

"A vos cassettes !" comme disait Jean-Christophe Averty, car j'ai l'impression que cette émission ne pourra être podcastée.

 
Joe Kubert (1) : face aux Viêt Công !
 

Tales of the Green Beret - Forces spéciales

"Je dois y retourner, pour sentir le souffle glacé de la mort dans mon dos"

Bien que, selon ses dires, lorsqu'il débuta dans le métier il ne fut "pas particulièrement intéressé par les histoires de guerre", c'est bien dans ce genre que Joe Kubert gagna ses galons de maître de la bande dessinée et qu'il se fit connaître par ici.

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Si son style est encore balbutiant aux débuts du Sergent Rock — série emblématique des comics de guerre dont nous reparlerons en ces pages — lorsqu'il aborde les Tales of the Green Beret, il est en pleine possession de sa puissance graphique. Ce comic strip, publié quotidiennement dans le Chicago tribune de 1965 à 1967, en pleine guerre du Vietnam, narre les exploits meurtriers des forces spéciales communément appelées "les bérets verts". Ce corps d'armée menait les "missions irrégulières" les moins moralement prestigieuses, si cette litote peut être avancée.

Je ne commenterai pas le propos de ces histoires, scénarisées par Robin Moore : l'outrance sans nuances de cette propagande impérialiste suffit à en désamorcer le venin. Notons tout de même que, béatement confiant  dans la justesse de l'intervention américaine, Tales of the Green Beret revendique ce qui d'habitude est voilé et laisse entrevoir la réalité d'une guerre : enlèvements, assassinats, trafic de drogue, utilisation des journalistes à des fins idéologiques...

Sans doute amené à mobiliser toute son énergie pour tenir le rythme des daily strips, le trait de Kubert est vibrant et dynamique, son pinceau nerveux répartit avec joie le noir des scènes nocturnes, suggère avec peu la pluie et la jungle, brosse avec admiration les plis des faces viriles... De manière évidente le dessin de Joe Kubert apparaît ici comme l'intermédiaire entre Milton Caniff et Jordi Bernet. Ferme et souple. "Il y a dans son dessin un dynamisme et une spontanéité qui lui ont toujours fait éviter les pièges d'un académisme pesant et laborieux" notera pertinemment Jacques Lob.

Si, format strip oblige, le découpage du maître ne peut ici être aussi inventif que dans son Enemy Ace, créé à la même époque pour DC comics (publié en France dans un magnifique album des éditions du  Fromage, sous le titre Le Baron rouge, 1978) il reste très captivant par la succession de plans d'ensemble et de gros plans, par la simple efficacité de ses cadrages. Les qualités graphiques de Kubert fluidifient en effet une narration qui souffre de ce rythme si particulier des récits en strips : une progression par bonds elliptiques qui évoque le diaporama.

En France les éditions Gilou commencèrent à traduire en 1986 Tales of the Green Beret sous le titre de Forces spéciales, surtitré "Bérets verts 1 -Vietnam". Desservi par une couverture hideuse et, à mon goût, par une mise en couleur superflue, l'ouvrage ne doit pas avoir rencontré un grand succès car personne ne semble avoir eu l'envie d'éditer la suite. l'album ne reprend en effet que les deux premières des huit histoires dessinées par Kubert.

Par delà ses qualités et défauts, si je tenais à commencer une série d'articles sur Kubert par ce Forces spéciales, c'est pour vous proposer un petit jeu à découvrir ci-dessous...

A la lecture du Gilou, quel ne fut pas monétonnement de découvrir, enpage 34, les cases reproduites ci-contre détaillant une halte desvaleureux guerriers. Comme il me semble peut probable que Kubert sesoit amusé à glisser une référence à Franquin et que nous devonscertainement cette facétie à l'équipe de Gilou, je suis curieux deconnaître le dialogue original. Ainsi nous offrons 10 € de bon d'achatau lecteur qui nous le présentera. Question subsidiaire : que signifieréellement con khỉ en vietnamien ?

 
Walking Dead 4 de Robert Kirkman et Charlie Adlard
 

Ni dieu, ni césar, ni tribun...

Et si l'humanité se perdait dans l'effort même qu'elle déploie à perdurer ? Dans le volume 4 de Walking Dead, la menace zombie semble reléguée au second plan et ce sont  bien les vivants qui plus que jamais représentent un danger pour eux-mêmes.

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Ainsi Rick, personnage central, s'épuise à s'efforcer d'être l'incarnation du héros. Flic déboussolé au début, il désagrège par accoups son capital de sympathie. S'étant érigé en autocrate, son arbitraire et ses erreurs forment boule de neige tout du long de ce recueil. Imaginez un peu que vous soyez dirigés par un bonhomme qui a fait montre de sa faillibilité dès la première planche de l'épisode 1 et qui est encore capable de dire à la page 45 de ce nouveau recueil des énormités comme : "on ira plus vite si on se sépare..." et quelques cases plus loin : "si ça devient trop noir, on retournera chercher la torche...".

Il faut vraiment que ce soit l'aube des morts-vivants pour que l'humanité se choisisse d'aussi piètres dirigeants !

Action et psychologie

En motivant l'action par l'évolution de la psychologie des personnages, le scénariste Kirkman, servi par l'austérité du noir et blanc de Tony Moore et Charles Adlard, réussit un joli cocktail pouvant séduire des gourmets (et des gloutons !) en dehors des fans du genre.

En grattant  les contours de mythes et de questionnements parfaitement américains (héroïsme, légitimité de la violence, port des armes, ségrégation) les créateurs nous offrent un divertissement des plus réjouissants et stimulants  (pour moi le meilleur comic depuis le Daredevil de Bendis et Maleev).

C'est une valeur sûre, la preuve : Arno de chez Pulp's les lisait chaque mois sans attendre leur sortie en recueils !

Walking Dead de Robert Kirkman, Tony Moore et Charlie Adlard, 4 tomes chez Delcourt. Série en cours.

 
Batman : Le livre de la série
 

Un genre de solde à l'envers

Nous avons parfois l'occasion de présenter à notre clientèle des livres beaux et intéressants à un prix incroyablement attractif.

Ainsi depuis plusieurs mois nous vendons l'excellent art book sur la série télé Batman animated au prix de 5€ (prix d'origine : 28,20€). Présentant de nombreux croquis de Bruce Timm,  cet ouvrage est indispensable à l'amateur de Batman ou à tout curieux des techniques du dessin animé.

Les bons plans finissant par se faire connaître, nos stocks ont fondus, merci à vous... Nous allons donc monter le prix du bouquin à 10 €.

Néanmoins, rue Serpente,  il nous reste 8 exemplaires qui ne changeront de prix que demain samedi à 16h, s'ils n'ont pas été vendus avant...

Il reste donc une journée à ceux qui ne s'étaient pas encore décidés, pour profiter du meilleur tarif (5€).

 
Comic, 2008, Janvier 2008