Publications dans La philodébulle
Walt Disney et la sexualité
 

Voici deux courts-métrages de Walt Disney censurés depuis plusieurs années maintenant, et pour cause...

La première vidéo ci-contre, datant de 1946, s'attaquait à la difficile élaboration d'un manuel didactique à destination des jeunes filles en fleur, eut égard à leur découverte des problèmes d'écoulement mensuel.

Il récidivait en 1973 avec ce délicat manuel didactique chargé de bien clarifier les origines et les conséquences des maladies vénériennes. Le tout sans aucun, mais alors aucun, moralisme.

 
Pour guérir le Lupus.
 

Quelques pistes et notes de lecture en pagaille et à froid de AAApoum et BApoum (ne demandez surtout pas qui est qui, nous même ne le savons pas).

PS: les images arrivent bientôt, le temps de scanner.

1. couvertures


Et si le Lupus n’était plus une maladie de peau, mais une maladie de l’âme. C’est ce que semblent annoncer les couvertures des trois premiers volumes. Sur les plats, deux personnes, Lupus et Tony, Lupus et Saana, côte à côte. Immobiles, ils ne communiquent pas, et ne se regardent que rarement. Leurs yeux sont tournés vers un lointain inaccessible ; leurs pieds à chaque fois butent contre le bord d’un précipice, d’une rivière, de l’espace, qui semble les empêcher d’avancer, même d’un pas. Chaque nouvel album, nouvelle étape, consistera donc à traverser cet abîme, ce vide incommensurable qui sépare du futur tout comme de l'individu qui se tient à côté. Si loin, si proche.



Sur le quatrième plat des deux premiers volumes, un personnage vient rompre l’isolement du couple : Saana secoue sa serviette, Nyargance jette un regard inquiet vers le premier plat. Des éléments perturbateurs, dont chaque bousculade vaut mieux que l’isolement. Mais au dos du troisième album, personne, un lit vide, et c’est tout (symbole d’une sexualité impossible). La solitude, celle qui pèse comme une prémonition tout au long de l’intrigue, se rapproche. Mais quelle crainte imprègne Lupus ? La peur d’être seul, ou celle de se découvrir une aspiration profonde à la misanthropie ?

2. Frustration et communication



Lupus illustre bel et bien la difficulté à communiquer. Entre amis, entre parents, entre amoureux même pas amants. La mort de Tony marque la découverte puis l’échec dans le premier volume. A partir du second tome, plusieurs scènes illustrent la route vers un apprentissage de la parole. Parmi les plus comiques, notons par exemple le t-shirt réactif de Saana, qui répond à sa place en deux temps trois mouvements, parmi les plus tragiques, le vieil homme replié dans l’autisme qui retrouve un début d’activité laborieuse au contact de la jeune héroïne. Ce genre de symbole inonde la série, à vous d’en trouver quelques autres. Enfin, le troisième volume marque le retour aux sources du problème –station spatiale, lieu de la chute du rêve familial-, et aide à percer les origines de cette infirmité sociale. Un père sans visage, sans parole.





3. Métaphysique.



Quelque chose transcende l’Homme dans Lupus, mais quoi ? Est-ce le désert humain qui isole les personnages sur les couvertures, mais sert en même temps de refuge où échapper à l’écrasante civilisation ? Est-ce une Mère Nature aux multiples visages ? (D'un côté elle est étrange, inaccessible et inquiétante un peu comme celle d'Aldébaran de Leo,  une source d’angoisse pour l’Homme qui a rompu avec elle, d'un autre côté elle est riche, florissante et sexuée, source d’émerveillement et d’inspiration.  Elle est un bain sensoriel qui témoigne du mélange d’envie et d’appréhension devant la reproduction et les besoins primaires. La baise est une pulsion et une menace. ) Est-ce cet univers infini qui nous contemple depuis son obscurité, lieu d’angoisse et d’inconnu ? Ou est-ce enfin la vie, incompréhensible sujet qui discerne toujours un chemin détourné pour prospérer, quel que soit l’hostilité du milieu ? Ah la la, ce sacré Lupus et sa sexualité contrariée.

4. Résignation et optimisme : Lupus volume 4.



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Sur la couverture, Lupus est maintenant seul, le désert humain qui s’étend depuis les premiers volumes touche ici son apogée. Tout n’est pas sombre pour autant. Le sol ne se dérobe plus à ses pieds. Il y a un lac, et un passage de terre derrière qui augure la possibilité d’avancer, d’envisager le futur. Le jeune homme porte un costume cravate, au quatrième plat dépasse le nez de sa voiture, tout est dit.

Sans trop déflorer l’intrigue, qu’apprend cet ultime volume :

Le chapeau blanc qu’arborait fièrement Tony lors du premier volume appartenait à Lupus lorsqu’il était enfant. L’acte de la coupe de cheveux est chez Frederik Peeters le symbole d’un amour, et son résultat préfigure la réussite ou l’échec de la relation à venir (miroir de la scène dans les pilules bleues). La vie trouve vraiment toujours le moyen de prospérer, quel que soit l’hostilité du milieu (les quatre couvertures misent bout à bout résonnent). Le dialogue n’est pas le seul moyen d’expression (voire le travail de Peeters sur les vêtements et leur valeur sémiotique, et dire que tout le monde clamait que « l’habit ne fait pas le moine »). Enfin, note finale parmi les plus agréable : la famille n’est pas fatalement celle du sang, dixit le petit garçon au nez de son père, au yeux de sa mère, et au chapeau de… Lupus.

5. Références.


Lupus est nimbé de références multiples et variées, tournant tout de même pas mal beaucoup autour du cinéma de Kubrick. L’hôtel spatial vide et les errances du héros pourront faire penser à Shining, de même que les scènes au bar de la station ou Lupus seul dialogue dans le vide. L’espace infini et son silence, le reflet de la planète sur la vitre du casque de cosmonaute, la confrontation finale entre Lupus et son père, que l’on peut facilement considérer comme un double en plus vieux, sont autant de scènes aux échos de 2001, L’Odyssée de l’espace. Parfois, quelques images à l’intertexte symbolique apparaissent sur le robot télé -M le Maudit dans le troisième album, une que je n’ai pas été capable de reconnaître dans le quatrième (une BD à 5 euros offerte à ceux qui donnent la réponse en commentaire). Enfin, la promenade spatiale ou ouverture du volume 4 est un hommage comique aux aléas du capitaine Haddock dans On a marché sur la Lune, ne serait ce que par la proximité esthétique des combinaisons dans les deux séries.

6. Pourtant, sous le beauté du récit et la justesse de certains de ses thèmes…


… se dresse un discours parfois déplaisant. Car que dit l’histoire de Lupus si l’on s’attache à certains aspects du scénario.

6.1./ Tous dans le rang… La révolte ne mène nulle part et est l’apparat de l’immaturité. L’adulte, lui, ne cherche ni à fuir, ni à se révolter, mais fait la paix avec son destin afin d’être, sinon totalement épanoui, au moins à sa place dans l’ordre naturel des choses. Le monde, d’ailleurs, paraît beaucoup plus serein une fois ce constat accepté.

6.2./ Ce cheminement ne peut s’accomplir sans la réconciliation avec le père. Tony, on le comprend au début du quatrième opus, déprime non seulement car son père est mort, mais surtout parce cette mort laisse à jamais en suspend leur conflit et la violence de leur relation. C’est un être condamné au tourment et à l’exclusion qui entame le voyage avec Lupus, d’où sa mort peut-être, seule issue à un être qui n’a plus aucune chance de s’épanouir.

6.3./ Mais surtout, point le plus détestable dans Lupus, la vision de la femme selon F. Peeters, qui fantasme et établit des variations sur une figure bien connue des archétypes féminins, la « femme enfant ». Faussement forte, c’est par elle que le malheur arrive. Immature, emmerdeuse, capricieuse, manipulatrice, allumeuse et sainte-nitouche, dans le besoin constant d’être sauvée ou prise en charge par le sexe dit fort, et incapable d’assumer ses responsabilités. Ce personnage mérite des baffes à longueur d’albums, il faudrait lui dévisser la tête… Seulement, Lupus lui se complait dans son rôle de souffre-douleur, il se rachète une bonne conscience dans le sacrifice. Il ne couchera pas avec elle, ne vivra pas avec elle, il en fait son deuil et traîne sa rancœur et sa passivité pour notre plus grand énervement. Il se laisse utiliser et nous renvoie une image détestable, celle de notre propre situation d’impuissance de lecteur. Personne ne viendra nous aider, aucun Bertrand Cantat ne viendra dans la station corriger cette emmerdeuse et expliquer la vie à Lupus. Le seul qui aurait pu le faire s’appelait Tony et il est mort. D’ailleurs il n’est pas innocent de la part de l’auteur de faire coucher Saana avec l’incarnation de la figure virile et bourrue (le militaire) tandis qu’elle se refuse à la figure moins affirmée de Lupus. En bonne créature du Serpent, elle manipule les hommes et utilise le meilleur de chacun d’eux, sans s’impliquer réellement.C’est une vision sexiste de la femme (qui revendique d’ailleurs à haute voix les taches ménagères comme soulagement de l’esprit, alors que l’homme lui fait de la mécanique).

Par sa position centrale, et surtout par ses ressemblances avec le personnage féminin des Pilules bleues, elle semble incarner davantage qu’elle même. La tentation est forte de voir à travers elle ce que Peeters pense des femmes. Un constat peu nuancé les autres figures féminines représentées que sont les mères : protectrices, étouffantes, à la relation sans enjeu (seul le rapport au père compte pour Tony et Lupus), dans le dolorisme passif, et surtout au foyer… évidemment.

 
Mirage technologique
 

L'abus de photoshop peut nuire à la santé de vos héros

par Vlad

Hier dans le TGV j'ai lu les deux tomes de Kickback de David Lloyd aux éditions Carabas. Vous allez penser "mais qu'est-ce que ça peut bien nous faire qu'il lise dans le train ?". C'est juste marrant parce que je voulais parler brièvement du rendu de la vitesse en dessin. Pas de l'histoire de ce polar un peu sombre qu'on aurait bien vu en honnête série B américaine au début des eighties.

David Lloyd c'est l'anglais qui avait dessiné V pour Vendetta il y a plus de 20 ans. Dans cette œuvre magistrale, LLoyd, sur les directives de Moore, s'est montré un virtuose de la suggestion du mouvement. En effet V se meut à une vitesse surhumaine, fondant sur ses victimes en ne leur laissant que le temps d'un fugace mais intense effroi. Comment s'y prenait-il ?

1) par un art précis du montage, montrant l'ébauche d'un geste dans une case et ses conséquences dans la suivante.

2) par le choix pertinent du moment où il fallait arrêter un mouvement pour le capturer par le dessin : opération délicate qui consiste à isoler l'instant qui contient encore les précédents et qui préfigure déjà les suivants. Il y parvenait sans utiliser de traits de vitesse, de petites spirales et encore moins de flou photographique... Non juste la sobre élégance de se permettre d'exprimer un concept par son supposé contraire : la vitesse rendue par la fixité.

Comment un artiste de cette trempe a-t-il pu se laisser berner par les mirages de la retouche d'images par ordinateur? Le logiciel Photoshop, comme son nom l'indique a été conçu pour trafiquer des photos. Du coup il reproduit fidèlement l'effet de flou. C'est très facile. Hop on sélectionne une partie de l'image,  on déroule un menu, et on ordonne au logiciel de faire son office avec plus ou moins d'intensité... hop en deux secondes votre image est floue. Poussage de bouton, OK, 20 sur 20. Création artistique : zéro.

Le problèmes des gens qui ne sont pas nés avec un ordinateur dans les mains et qui commencent à fatiguer d'avoir à tout dessiner avec ces dernières, c'est que lorsqu'ils découvrent les miracles de la technologie ils pensent qu'ils sont les seuls. Le hic c'est que tout le monde peut faire ça et qu'en plus dans la plupart des cas c'est moche. C'est comme de croire qu'on est musicien parce que son portable fait du Chopin ou du Shakira. De l'extérieur, c'est un peu pathétique. ça fait même un pincement au cœur, comme de se rendre compte que tous ses amis ont voté Chirac.

 
Rapport qualité/prix
 

Par Stéphane

Ma mère disait souvent, pour parler de ses trés rares emplettes vestimentaires : "Moi, je préfère m'acheter peu de choses, mais des belles choses".

Une hérésie comportementale que je devais vérifier, à l'âge de quinze ans, par son acquisition enjouée d'une encyclopédie avec minis-disques vynil des meilleurs enregistrements audio de l'Histoire (oui oui, je me suis tapé De Gaulle et le 6juin), qui devait me permettre de mieux reussir mes études (tu parles Charles). Cinq ans de crédit qui privèrent le foyer de quelques plaisirs comme un amiga 500,  un Skate board de qualité, et retardèrement considérablement mon accès à la  console de jeu sega mégadrive... Depuis ce puissant trauma, j'ai bien du mal avec les objets de qualité, tout en étant puissamment attiré par eux. Une névrose qui me poursuit jusque dans la BD.

Petite expérience vidéo de débat  éditorial matinal, donc pas frais. Avec toujours les mêmes règles : une idée, une prise, et les contraintes inéluctables de ce genre d'exercice (voix qui part en vrille, répétitions, absence de rythme..). Vous me pardonnerez j'espère mes égarements vocaux. La suite du débat se fera évidemment par commentaires interposés…

 
Etymologie de l'Otaku
 

Mais d'où viennent tous ces geeks?

Par Stéphane

Otaku –que l’on peut traduire littéralement par « ta maison »- est un mot dérivé des habitudes des populations japonaises imprégnées de culture populaire. Dans ces groupes, - généralement dépeints comme des comités d'autistes vivant habillés en noir et lisant jour et nuit Karl Mar... ah non, merde, ça c'est Vlad... reprenons, autistes entourés de mangas, jeux vidéos, statues de filles nues et autres couillonades nippones (une peinture pas trop loin de la réalité ceci dit)-, les membres s’appellent entre eux à l’aide de la désignation Otaku au lieu d’utiliser les patronymes personnels. Le mot «maison» symbolise alors pour eux, non un quelconque sens de la famille ou même lien du sang, mais l’objet en lui-même, sa structure physique et son espace habitable. Cependant, le mot n’est pas exclusif à la culture populaire, si l’on en croit la célèbre critique japonaise Mari Kotani, qui s'est longuement penchée sur le sujet et dont est tiré le résumé qui suit.

D’après elle, le mot Otaku pénétra le vocabulaire des enfants de la culture populaire par le biais de leurs mères, femmes au foyer à plein temps dont l’existence fut définie par les maigres et uniques rôles d’épouse et de mère. Toi aussi, viens lire la suite et comprendre pourquoi tu bloques et tu débloques...

Ps: merci au site gauze.free.fr pour la photo

 Au début des années 60, le gouvernement japonais favorise l’expansion économique au détriment de la protection de la culture et des traditions nationales. Ce choix politique mène, rapidement, à la dissolution des usages de la vie en communauté, éloignant de nombreux individus de leurs familles – qui sont à cette époque de très grands groupes, constitués de plusieurs générations, vivants selon des habitudes et des traditions spécifiques à leur région d’habitation. Isolés pour la première fois, ces nouveaux japonais migrent dans les villes à la recherche d’emplois, et forment un nouveau type de cellule familiale que les sociologues dénommèrent par la suite « la famille nucléaire » -unité familiale restreinte constituée uniquement de « papa, maman, et moi ».  

L’inhospitalité de l’environnement urbain, où les terres sont rares et onéreuses, ne laissent à ces "familles nucléaires" que deux options pour se loger : acheter un terrain en lointaine banlieue pour y construire une petite maison dans leurs moyens, où vivre dans un danchi -complexe immobilier qui s’apparente dans notre société aux immeubles HLM (Souvenez-vous de la cité dans Rêves d'enfants D'Ôtomo Katsuhiro). Ainsi, de nombreuses familles choisissent la première option, déclenchant la plus grosse explosion démographique que va connaître la banlieue tokyoïte.

 

Dans ces foyers d’un nouveau type, les maris partent très tôt, le matin et en train, pour franchir l’immense distance qui les sépare de leur lieu de travail. Piégés par des crédits de plusieurs dizaines d’années, ces hommes restent tard le soir pour de nombreuses heures supplémentaires.

 

Pendant ce temps, dans ces cités pavillonnaires de banlieue comme dans les danchi, les femmes sont constamment seules, leurs maris enfermés au travail et leurs enfants la plupart du temps à l’école. Très vite, elles commencent à soulager leur solitude en nouant de relations fortes, presque intimes, avec leur voisinage, constitué principalement, comme vous vous en doutez, de femmes dans la même situation. Un mot se popularise alors, pour parler de ces fréquents rapports : Otaku. Confinées dans ces cités pavillonnaires ou dans ces HLM, on peut assister à ce genre de conversation :

 

« Otaku a récemment acheté une télé couleur ? Et Taku pense aussi à acheter un réfrigérateur… »

 

Ici, Otaku fait référence à une autre femme au foyer (le O étant un préfixe honorifique), et taku à soi-même. Utilisant à tout va ce pronom ne se référant à personne, les femmes se vantaient les unes les autres de la réussite matérielle de leur famille tout en construisant un tissu de relations humaines et fragiles.

 

En contrepartie, imitant l’absence de rapports entre leurs parents, les enfants très vite commencèrent eux-mêmes à s’éloigner, privilégiant les rapports avec les camarades d’écoles vivants dans la même situation, avec lesquels ils partagent les passions pour la télévision et les magazines jeunesse. Leur chambre se remplit de manga, anime, tokusatsu… tout une foule d’objets incarnant cette nouvelle culture populaire que leurs parents ne comprennent pas, et dont il sont exclus.

 

Voila comment, de la femme abandonnée, le mot Otaku s’est déplacé comme un héritage aux enfants des « familles nucléaires », symbolisant leur solitude, leur repli et leur amour inconditionnel pour la culture populaire issue de cette période de folle course à la réussite économique.

 

 

 
Dur dur de rire de soi...
 

Par Stéphane

Suite aux récentes caricatures du prophète Mahomet, parmi les réactions musulmanes les moins connues, il y celle des leaders iraniens appelant leurs dessinateurs coreligionnaires à faire du gag antisémite, histoire de communiquer un peu leurs désagréments et leurs vexations au monde juif -une petite vengeance un poil mesquine, mais dont au fond émerge une idée qui me plait bien : et si demain les guerres ne se faisaient qu’à coup de dessins.


Bref, pas démonté pour deux sous par l’annonce, deux jeunes graphistes juifs israéliens ont décidé de riposter en prenant les devants, encourageant les dessinateurs juifs du monde entier à devancer les musulmans et faire eux-même ces dessins comiques pour les publier ici.

L’idée a défendre est claire : un peuple fort est un peuple qui sait avant tout rire de lui.
Si l’idée est franchement géniale, quelques semaines après l’annonce je dois reconnaître que le résultat me déçoit. Non seulement peu de dessins sont parus, mais la plupart du temps il sont assez inoffensifs, évitant jusqu’à présent la cible unique, évidente et initiale de ce concours lancé par les iraniens : le génocide. J’en déduis qu’il est vraiment dur de rire de sa religion et de ses tabous, plus que beaucoup ne le pensent. Enfin tout n’est pas noir, et ce matin un premier dessin plus saignant vient d’apparaître (même si l’on reste encore bien loin de la virulence et de la gratuité des dessins danois).

Attendons de voir ce que va donner cette initiative intelligente.

 
L'ARCHE DE MARVEL
 

House of M , le génocide Mutant


Par Stéphane

Elle nous refait le coup. Elle, c’est la prestigieuse maison Marvel, qui, quinze ans après l’inoubliable Âge d’Apocalypse, bidouille un nouveau scénario miracle chargé d’amaigrir son univers trop dilaté par le succès. Avec quelques millions de nouveaux mutants, la planète Terre et le catalogue de parution commençaient à être sérieusement encombrées. Lassés, les aficionados se désengageaient. En réplique, parul’été dernier au U.S.AHouse of M. Bouleversement fondamental version Weight Watcher que les Français découvriront d’ici quelques mois ; contrecoup irrémédiable de ces périodes fastes où les éditeurs, avides d’éponger le moindre dollar égaré dans la poche du comic addict, multiplient les séries jusqu’à l’écoeurement. Curieux et fans, arrêtez cette chronique ici même, les paragraphes suivants sont un spoiler de grande envergure.

Commençons par les conséquences. A la sortie d’House of M ne survivra qu’une poignée de mutants (200 tout de même). Les millions d'autres finiront morts où dépossédés de leurs pouvoirs par la Sorcière rouge. Exit Magneto (vous savez, le grand méchant aimanté), Vif Argent, et même de nombreux X-men. Un mémorandum ferme circule dans les couloirs de la célèbre maison : interdit de ressusciter qui que ce soit pour au moins quelques années. Fini aussi les vieux mythes usés jusqu’à la corde, Serval par exemple se souvient maintenant de son passé. Un bouleversement aux airs d’apocalypse religieuse : un univers s’écroule, un nouveau est à reconstruire.

Seulement, à bien y réfléchir, ce chavirement tactique tout a fait habituel éclipse peut-êtreun second signal, imprévu et plus inquiétant. Et si, à l’aube du XXIeme siècle, la métaphore du mutant n’avait plus de sens ! En effet, quelle minorité peut aujourd’hui crier au rejet et à la haine totale. Et bien que la situation soit loin d’être parfaite en occident, l’icône du mutant telle qu’elle était perpétuée n’est plus à même de rendre compte de la réalité, n’exsudant qu’une image archaïque et déformée jusqu’à la caricature des problèmes de communautarisme et d’exclusion modernes.

Alors se joue, peut-être, larvé dans l’évènement House of M, la raison artistique même qui justifierait la survie d’un tel univers. Et ainsi, les Kevin Smith amateurs qui adorent se prendre le chou sur les valeurs existentielles du superhéros, peuvent ressortir leur question favorite : Mais quelles valeurs devront donc incarner les superhéros de demain ? Je me demande bien moi-même.

PS: la série est dessinée par un Froggy, Olivier Coipel...

 
Pourquoi si peu d'émissions télé autour de la bande dessinée ?
 

C’est l’histoire d’une case qui n’entrait pas dans une case.

Par Stéphane

 Ayant de nombreuses fois pensé au sujet, je pose ici un fragment de ma réflexion, déjà posté sur le forum de bdparadisio. Alors, pourquoi la bande dessinée ne bénéficie-t-elle pas d’émissions télévisées propres, alors que la littérature en posède de nombreuses ? 

C'est normal. Dans la tête d'un spectateur, le contrat entre images défilantes et roman est par avance voué à l'échec. Il le sait, aucun plaisir visuel ne peut surgir de l'exposition froide d' un roman à la télé. Donc il n'attend rien de ce côté là, et n'est pas choqué lorsqu'on lui propose en contrepartie un débat.
D'ailleurs, dans le cas de la littérature le débat oral semble d'autant plus justifié que la matière intellectuelle écrite se transpose parfaitement à l'oral. Sans déperdition, et parfois même avec un rajout de charme, vu qu'une lecture orale bien faite est parfois plus séduisante qu'une lecture personnelle. Donc la transposition de l'écrit à l'oral peut se trouver sublimée. La télé a développé tout un protocole pour y arriver. Et ce protocole marche vraiment bien.

Hors, de la bande dessinée, le spectateur attend en premier un retour sur l'image. Et la représentation fixe de la case, exposée sur un support où l'image doit par essence bouger pour fasciner, ne fonctionne pas. Si le produit ne fonctionne pas, alors le reste ne peut fonctionner. Car comment construire autour d'une base défaillante.
Ainsi, les rares programmes autour de la bande dessinée sont centrés de plus en plus autour des auteurs. Ils parlent, parfois dessinent devant la caméra, créant laborieusement l’illusion d’un mouvement à l’écran. C'est souvent sympa, enrichissant, mais possède un immense défaut. Je ne sais pas si vous ressentez comme moi l'absence horriblement frustrante des livres dans ce genre d'émissions. On ne parle jamais de bande dessinée (ce qui m'intéresse) mais des ses auteurs (ce qui m'intéresse moins et qui, surtout, n'est pas la même chose).
Les livres ne sont pas les hommes.


N’hésitez pas à commenter ici cette réflexion ou à la poursuivre sur le forum bdparadisio. Et faites nous confiance pour essayer, dans le cadre de ce blog, bientôt un nouvel usage de l'image pour transmettre la bande dessinée

 
Le Péril jaune
 

A propos de "Fils de Chine " de Gillon

par Vlad

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  Au début des années cinquante, alors que le Camarade Staline était encore parmi nous, Paul Gillon dessinait dans les pages de Vaillant, le magazine du PCF pour la jeunesse. Il y cosignait alors avec Roger Lecureux une épopée chinoise retraçant le combat des partisans de Mao, la Longue Marche, la guerre civile et la victoire sur les troupes de Tchang Kaï-Chek. Ces pages ont été regroupées en 1978 par Jacques Glénat, dans un album intitulé Fils de Chine.

Ce qui apparaît d’emblée à la lecture de cette vigoureuse propagande, écrite et dessinée avec puissance et style (j’écris ça sans ironie) c’est l’influence démente qu’avait Alex Raymond sur le jeune Gillon (environ 25 ans à l’époque). Jusqu’à la calligraphie de la signature, le jeune français reproduit avec brio le style de l’américain, créateur de Flash Gordon.

Par son allégeance formelle Gillon produit un miracle, dont la portée politique est bien plus importante que la simple hagiographie maoïste : sous nos yeux ébahis, le symbole du « péril jaune » tel que les Américains ont appris à le redouter, le terrible Empereur Ming… est désormais du côté des bons !

Que cette démarche est été consciente ou non, c’est une révolution des mentalités qui est ici à l’œuvre. Utiliser les codes de l’ennemi pour les retourner, s’approprier ses armes et les utiliser à d’autres fins, c’est ce qu’ont toujours fait les rebelles et c’est ce qu’ils feront toujours. Tout le contraire de messieurs Van Hamme et Benoît lorsqu’ils trouvent opportun de truffer leur « Etrange rendez-vous » de stéréotypes racistes nous ramenant cinquante ans en arrière ! 

Merci à Fabio, qui n’a pas voulu me céder à vil prix cet album, mais qui a bien voulu me le prêter !

 
Pourquoi ne pas aimer Batman begins
 

Par Stéphane (et Vlad par procuration vu que c'est lui qui éveilla chez moi cette réflexion).

Parce que les Hoolywoodiens sont si cons que pour eux, tous les jaunes se ressemblent -mon dieu quelle connerie, ces ninjas qui peuplent L'Himalaya- et le moindre des paysans des montagnes y parle anglais.

Parce que Bruce Wayne voudrait être sale et trouble comme dans un bon Burton, mais n'y arrive pas (son plus grand crime, se voler à lui même...).

Parce qu’une scène d’action mérite un peu de virtuosité pour épater, et Nolan est une tanche qui ne connaît rien au montage (même s’il photographie bien).

Mais surtout… à lire dans la suite

Le film n’apporte rien, mais rien du tout, à Year one, comics fondateur du mythe de Batman dont est tiré ce nanard. Nolan se dirige même à contre-courant de l’image que Frank Miller a tenté de mettre en place dans le comics américain. Pas cette nouvelle facette humanisé, souvent le verni  moderne que lecteurs et spectateur retiennent. Sur ce point pas de problème, le film respecte le style Miller et l’enrichit même de deux trois idées astucieuses. En revanche le film annihile totalement le combat  de Miller (et celui d’Alan Moore par la même occasion) pour la représentation dans le comics américain d’un monde plus réaliste et moins américanocentré.

Hors, en intervertissant avec allégresse chinois et japonais sous prétexte qu’ils sont jaunes, et que donc personne ne fera la différence, Nolan méprise l’immense passion de Miller pour l’Asie, ses peuples et ses coutumes, et plus grave, dédaigne aussi les populations, qui en aucun cas ne sont interchangeables. Mais ça, je pense que le spectateur s’en fout, il trouve ça joli les ninjas qui sautillent dans les déserts glacés. Ça fait classe, donc nul besoin de se demander comment une telle image est produite, ni ce qu’elle véhicule comme message (au passage ici un profond mépris).

Pire, en transformant le leader de ce groupe de ninjas Himalayens (arfarfarf !!!), le démonique Raz al Gul, en blanc (alors qu’il est bel et bien asiatique dans la BD), il tombe dans le plus vieux des clichés racistes américains, de ceux sur lesquels Frank Miller cracha abondamment lorsqu’il commença la bd : l'icone de l'occidental blanc par nature capable d’apprendre et maîtriser tous enseignements ou domaines, pour finalement surpasser les maîtres du tiers-monde qui les dispensent. Ça lui aurait arraché le cul qu’un asiatique soit meilleur qu’un américain… Frank Miller, lui, cela ne le gênait pas, au contraire il semblait même le penser, à relire ses Serval, ses rônins, ses Daredevil…. Mais bon, cela n’embarrasse apparemment pas le spectateur avide de divertissements, qui ne souhaite pas décortiquer le monde donné à voir. Après tout, l’important dans Batman, c’est comment il fabrique son costume.