Publications dans Patrimoine
Sandy et Hoppy t.14 : Le mystère de la grande barrière
 

Espions, atoll et koala

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Publiée initialement dans Spirou en 1961, cette histoire du valeureux kangourou et de sa jeune et aventureuse masquotte humaine fut rééditée en 1981 et en noir et blanc par Magic Strip sous le numéro 14. Les éditions Coffre à BD qui, elles, rééditent les aventures de Sandy et Hoppy dans l'ordre chronologique et en couleurs, l'ont placé dans leur tome 3.

Le mystère de la grande barrière n'est pas la meilleure création du grand Lambil. Si son dessin est déjà très au point, ses talents de scénariste n'ont pas encore atteints leur pleine puissance. L'intrigue y est trop linéaire et répétitive : Sandy et son ami Michael passent leur temps à se faire capturer et à s'évader. L'aventure manque surtout cruellement de filles.  À défaut on a des espions étrangers et un koala amusant qui présente l'aventure, ce qui est assez audacieux, cartoonesque et prégotlibien.

Un exemplaire de ce magic strip sera déposé dans peu de temps dans notre échoppe de la rue Dante. Sont prix de vente est fixé à 22€.

Dans nos archives : Sandy et Hoppy, t.13.

 
Interview de Agnese Micheluzzi, à propos de son père.
 

Hier soir, lors du vernissage de notre exposition des planches d'Attilio Micheluzzi, nous avons accueilli sa fille, Agnès, qui a gentiment accepté de répondre à nos questions. Elle entretenait avec son père une relation conflictuelle et devait quitter le foyer familial à 24 ans. Mais ses souvenirs sont chargés de nombreux et précieux renseignements. La retranscription qui suit est brute. 

"Micheluzzi travaillait tout le temps. De 7 heures du matin à 8h le soir. Même quand il partait en vacances, il emmenait des planches. Il lui fallait en moyenne 2 mois pour dessiner un album de  48 planches, recherches et documentations comprises. Toutes les données objectives au sujet du Titanic, par exemple, sont issues de recherches. Imaginez sans Google le temps que cela demandait. Il aimait d’ailleurs à dire que l’écriture du scénario et la recherche documentaire prenait bien plus de temps que le dessin. En tant que père, en revanche, c’était un désastre puisqu’il n’avait pas de temps pour nous. Il faisait tout, seul, sans assistant, dans son bureau, à la maison. Tout ce travail-là était alimentaire, pour nourrir sa famille. Architecte en Lybie, il se retrouve soudainement au chômage, à 40 ans, suite au coup d’état de Kadhafi, et doit rentrer au pays sans travail, mais avec une famille à assumer.

Non ce n'est pas Agnese Micheluzzi, mais Michel Jans des éditions Mosquito... Qui assurait la traduction en y ajoutant son savoureux grain de sel. La photo fut bien prise par Agnese en revanche !

Non ce n'est pas Agnese Micheluzzi, mais Michel Jans des éditions Mosquito... Qui assurait la traduction en y ajoutant son savoureux grain de sel. La photo fut bien prise par Agnese en revanche !

Sa reconversion dans la bande dessinée ne se fait néanmoins pas par hasard. Son histoire avec la BD remonte à son enfance. Son père était général de l’aviation italienne et, gamin, il remplissait ses cahiers d’avions et de machines. A 18 ans, il a même dessiné une première bande dessinée qui n’a jamais été publiée. Parmi les inspirations dont je me souviens, je peux citer Milton Caniff qu’il adorait, Muñoz et Sampayo, Toppi avec qui il avait une relation d’admiration particulière, Battaglia et Pratt évidemment, et le Flash Gordon d’Alex Raymond…

Mais surtout, mon père aimait beaucoup le cinéma américain. Comme tous les gens de sa génération, il raffolait des comédies et des westerns. Leur fascination pour l’aventure et les militaires, qui leur a été souvent reprochée, soi-disant malsaine, admirative pour la cause militaire, était un héritage d’une enfance en temps de guerre. Ils avaient grandi avec les américains, et le cinéma hollywoodien entretenait ce fantasme de l’héroïsme issu de l’enfance. Cependant on ne peut pas dire que mon père soit pro militariste, ou qu’il flatte les mérites de la guerre. La guerre n’est qu’un contexte qui peut révéler les hommes, mais en aucun cas ils ne se sentent investis d’une mission.

On sentait également chez lui la nostalgie de l’exotisme. La vie qu’il avait vécue en Afrique avait été une vie aventureuse, avec de la place pour beaucoup d’aléas et d’exotisme. Son retour à la mère patrie dans des conditions de pauvreté était douloureux et il avait trouvé dans l’écriture de bande dessinée un moyen de sublimer et de compenser ces voyages du passé.

Sa carrière d’auteur  fut ainsi très courte, une vingtaine d’année. Une très petite partie seulement a été traduite en français. Captain Eric, par exemple, compte plusieurs centaines de planches. Micheluzzi  a écrit dans énormément de registres, comme le gore avec une histoire d’enfant qui tue le Père Noël et se sert de ses entrailles comme guirlandes. Des histoires de science fiction, et même un Dylan Dog pour les éditions Bonelli. Quant à Air Mail, si en France la série n’a pas été terminée, c’est parce que le 4ème volume a été perdu par Dargaud Editions.

Dans le milieu, il n’avait pas beaucoup d’amis car nous vivions à Naples, excentrés par rapport au monde de la bande dessinée. Il avait des amitiés d’estime, il correspondait avec Sergio Toppi, Hugo Pratt ou Andrea Pazienza par exemple. Mais sa seule vraie amitié était je crois avec l’éditeur Bonelli.

Au bénéfice du doute, je pense que la bande dessinée favorite de mon père était Petra Chérie, probablement parce qu’il avait vraiment une grande affection et une grande admiration pour les femmes, et surtout car il avait réussi à créer un personnage hors-normes pour l’époque.  Peut-être également parce qu’il avait transposé un peu de sa relation conflictuelle avec moi dans ce personnage, même si la plupart des sources d’inspiration venaient essentiellement du cinéma…

Sur son rapport au monde politique, je me souviens qu’il allait voter, conservateur généralement. Il était engagé, concerné, et n’avait aucune sympathie pour les extrémismes. Son idéal politique, ses histoires l’expriment, c’est la nostalgie de la Mittel Europa, ce monde qui n’a sans doute jamais existé. Chez lui cette nostalgie répond à l’amertume éprouvée face à la situation politique de l’Italie qu’il venait de retrouver après des années d’absence, et qu’il n’aimait guère. Par exemple, pour exercer son métier, en tant qu’architecte, il lui fallait obtenir une carte de membre partisane, et sur Naples c’était le socialisme. Son expérience personnelle l’a rendu très critique vis-à-vis du système politique italien. Il n’aimait pas non plus tout ce qui avait trait à la réclamation, lui qui était toujours dans la rigueur et la sobriété. Il a eu par exemple des échanges assez vifs avec des féministes italiennes des années 70 car il n’appréciait pas les revendications trop provocantes, qu’il assimilait à la vulgarité. Pour lui le féminisme c’était Petra, un personnage qui porte ses valeurs très loin dans l’action, mais discrète, voire secrète. Elle refuse la sujétion, elle est complexe, libre, mais voit plus loin que sa propre condition qu’elle assume avec une force naturelle.

Sur la fin de sa vie il commençait à se fatiguer de la bande dessinée car il en faisait beaucoup sous pression. Il a ainsi eu une petite activité de peinture à l’huile et parlait de se reconvertir dans le dessin sur tissu. Se prendre une maison en Ombrie, et peindre des motifs."

 
Exposition Micheluzzi du 6 Avril au 26 Avril chez AAAPOUM BAPOUM
 

Pour fêter dignement la réédition de Titanic aux éditions Mosquito, la Galerie Maghen organise une exposition vente. Une première, vraisemblablement, puisque les originaux restent introuvables dans le circuit habituel des ventes aux enchères et autres galeries. La dernières fois que des planches furent présentés, c’était justement dans notre libraire, à l’occasion de la réédition de Marcel Labrume, mais elles n’étaient pas à vendre.

C’est donc un événement pour beaucoup, l’occasion unique d’acquérir une pièce de l’un des grands maîtres de la bande dessinée italienne.

Pour l’occasion, nous nous adossons à l’événement pour exposer une nouvelle fois une douzaine de planches originales, mais celle-ci non offertes à la vente.

L’une des 25 aventures de Petra Chérie en intégralité sera donc exposée dans les murs d’AAAPOUM BAPOUM : la Montagne noire. Dans cette nouvelle  à l’atmosphère glaciale, la belle Petra, en fuite vers L’Europe de l'est, trompe une nouvelle fois la mort. Le travail graphique est, peut-être, un peu moins impressionant que dans les planches exposées la dernière fois. Néanmoins, les retouches très nombreuses offrent ici un bel aperçu de l’entendement du dessinateur. Certaines planches manifestent également une très intérressante utilisation de l’onomatopée (caractéristique majeure de la narration chez Attilio Micheluzzi) pour dynamiser le récit. Mais le plus impréssionnant reste le travail graphique au service d'une atmosphère paranoiaque, provoquée par un danger invisible.

Correctif : Le vernissage aura lieu le Vendredi 6 Avril, en la présence exceptionnelle d'une des filles d'Attilio Micheluzzi qui viendra répondre aux question sur son père et son œuvre, au 14 de la rue Serpente, à partir de 18h. Venez prendre un verre avec nous et papoter bande dessinée entre deux biscuits apéritifs. Les toutes dernières nouveautés des éditions Mosquito seront également présentées...

La critique de Pétra Chérie sur le blog

 
Bonne grande agitation finale !
 

Même un homme acariâtre et athée peut parfois succomber au charme hivernal des fêtes religieuses. Alors vous pensez : une bande de joyeux drilles superstitieux comme l'équipe d'Aaapoum Bapoum ne peut que se joindre à la liesse générale et vous souhaiter un Joyeux Noël.

Ah oui... J'oubliais, comme vous pouvez le voir ci-dessus, nous avons récupéré pour l'occasion de fort sympathiques Pim Pam Poum, publication des éditions Lug, d'abors trimestrielle puis mensuelle. Il s'agit de numéros des années 1958, 1959 et 1960.

 
Moomin et sa famille ont débarqué chez aaapoum
 

Une jolie série d'occasion vient d'arriver dans nos échoppes de la rue Serpente, plutôt en bel état, avec des prix oscillant entre 9 et 14 euros en fonction du volume. Du coup, je vous fais le coup de recyclage de veilles critiques, ce qui, comme tout recyclage, est très en vogue depuis la faillite du nucléaire.

Les Moomins, Tove Jansson, Petit Lézard .

Le patrimoine culturel nordique compte une ribambelle de dieux guerriers, mais aussi lesMoomins, famille de créatures délicates et fragiles qui tiennent autant de l'hippopotame que des Barbapapa. En Finlande, leur pays d'origine, ce sont des trésors nationaux.

Une collection de livres pour enfants, de bandes dessinées, de séries animées, un musée et un parc d'attraction, leur est dédiée, ce qui fait de Tove Jansson, la créatrice, une sorte de Walt Disney local. Un statut mérité, l'œuvre est un bijou. Sans l'ombre d'un doute, les comic strip des Moomins méritent leurs places aux cotés des Peanuts, Mafalda, Calvin et Hobbes, de même que les romans pour enfants originaux n'ont pas à rougir de notre Petit Prince national. 

Pour la légende, cet étrange proto hippopotames vivant benoîtement au creux d’un vallon merveilleux serait né en 1930 sur une porte de WC de jardin, avec « créature la plus laide du monde » et le nom de Kant en sous texte. La jeune femme venait de perdre un débat contre son frère à propos du philosophe, et telle était sa réponse. Depuis, le design s'est étoffé en douceur, mais l'engagement et le monde des idées ne les ont pas quitté.

En 1940, ils s'installaient dans une vallée à leur nom, confectionnée sur le moment en réaction à la montée du fascisme. Et après-guerre, cette utopie continua de prospérer sous diverses formes, parmi lesquelles figure la version en comic strip. Commandée par un quotidien londonien en 1950, on y retrouve les thèmes de tolérance et d'ouverture qui caractérisent l'œuvre. Ceux-là même qui façonnèrent la vie de l'auteur, héritées de parents artistes bohémiens, et d'une mère issue de la minorité ethnique des suédois de Finlande. L

'édition française, dont on ne peut que vanter les qualités, plus épaisse, peu chère, traduite avec soin, est l'occasion rêvée de découvrir cet univers poétique assez méconnu en France. 

 
Bab-el-Mandeb d'Attilio Micheluzzi
 

L'actualité politique internationale et les cendres encore chaudes d'Angoulême 2011  me poussent conjointement à remettre en avant la réédition de Bab-el-Mandeb aux éditions Mosquito. En effet, cet ouvrage de Micheluzzi qui se déroule en partie sur le sol égyptien a reçu il y a peu le Prix du patrimoine, devenant ainsi le premier livre des éditions Mosquito primé au festival.

Les éditions Casterman en avaient publié la première version en couleurs en 1988 . L'édition Mosquito est en noir et blanc. Si le lettrage de la première édition est plus élégant (supériorité du travail manuel sur l'informatisation des tâches appliquée à l'artisanat), la traduction Mosquito (que l'on doit à Michel Jans) est supérieure. Par exemple, au tout début, l'italien Miccoli retrouve son prénom original "Libertario", qui témoigne de la soif de liberté de ses parents, alors que la traduction Casterman en faisait le "libertaire Miccoli", ce qui sur le fond n'est pas totalement faux, mais demeure une mauvaise interprétation. Signalons au passage que l'édition Mosquito nous restitue une planche entière de présentation, absente de l'édition de 1988.

Ces considérations techniques sont bien jolies, mais de quoi parle cette histoire ?Le sujet est vaste... On y trouve un aperçu de l'état de l'Egypte et de l'Ethiopie dans la période charnière du milieu des années trente. Le royaume britannique s'efforce de garder le contrôle de ses colonies, L'Italie cherche à en acquérir, et les troupes du Négusse Negeste s'obstinent à préserver l'indépendance de leur patrie... Toutes ces factions ont leurs propres traîtres ce qui pimente agréablement le déroulement de l'histoire. Dans ce tourbillon sont pris deux hommes et deux femmes ayant chacun leur petit caractère et un parcours atypique. Tout gravite autour de deux automitrailleuses qu'il faut convoyer à travers l'Afrique.

Une œuvre très recommandable dans laquelle l'auteur dose parfaitement érudition et péripéties, tout en gardant vis-à-vis de ses personnages cette distance ironique si caractéristique de son talent et si savoureuse.

 Un album que l'on peut trouver neuf à AAAPOUM BAPOUM. 15€.

NB : rue Dante nous avons aussi un exemplaire de la version en couleurs, dans la regrettée collection Studio (À suivre...), un livre broché, couverture à rabats, excellent état. 30€.

 
Exposition Sergio Toppi
 
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Cette année, le type qui s'occupe des événementiels et de la communication chez AAAPOUM BAPOUM a pas mal glandé. On aimerait bien le virer mais on peut pas, il a des parts dans la boite. En tous cas on sait pas trop ce qui se passe mais il semble s'être pris d'un sursaut de vitalité. Le voilà qu'il organise coup sur coup trois expositions pour ce début d'année. Paraîtrait même qu'il aurait envoyé une newsletter à nos abonnés, ce qui, si la rumeur s'avérait vraie, relève quand même du miracle.

Bref, voilà qu'à l’occasion de la sortie de l’intégrale du Collectionneur, notre vénérable échoppe AAAPOUM BAPOUM du 14 de la rue Serpente accueillera une trentaine de dessins et de planches originales de Sergio Toppi. Maître italien du noir et blanc, amoureux de la grandeur,  Sergio Toppi est un auteur majeur.

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LeCollectionneur, comme beaucoup de héros de la bande dessinée italienne, est un « anti-héros », antipathique parfois, individualiste souvent, dangereux tout le temps. Loin des salles de ventes aux enchères feutrées, ce dandy pirate traque l'objet d'art volé. Face à cet esthète du méfait, ne pas respecter les bonnes manières conduit droit à la mort. Des jungles de Bornéo aux plateaux afghans, se déploie le cruel marivaudage des héros coloniaux, maîtres es-rapines et embuscades florentines. Aristocrate dévoyé, le Collectionneur court après tous les Faucons Maltais que lui offre Toppi, ce génial géo-graphiste de l'Aventure.

Le vernissage, grand événement auquel vous êtes d’ores et déjà conviés, se tiendra le Jeudi 16 décembre, à partir de 19h, en compagnie de l’éditeur et d’un spécialiste de Toppi. Petite conférence, discussions enflammées, jus de fruits, vins et amuse-bouches variés vous attendent. N’oubliez donc pas de réserver cette soirée, et venez vous joindre à nous pour un verre tout en scrutant passionnément ces sublimes grands formats à l’encre de chine.

Elle devrait durer jusqu'au 15 janvier, pour ceux qui n'auraient ni le courage ni le temps de venir le 16 décembre au soir. Lui succédera, soyez d'ores et déjà informés, une exposition sur le nouveau livre d'Hugues Micol, sur le japon médiéval, à paraître aux éditions Futuropolis.

 
Quizz : le mystère de l'allumette
 

Un coup vache

Ah... La jeunesse de nos chers créateurs du neuvième art, leurs débuts au sein d'obscurs fanzines...

Qui parmi nos lecteurs saura retrouver le bédéaste assez connu qui fut l'auteur de l'extrait ci-dessous ?

Le premier qui trouvera sera recompensé par un lot mystère dont nous avons la recette.

 
Harv'n Bob de Harvey Pekar et Robert Crumb
 

Et c'est reparti pour un petit coup de recyclage, fainéant certes, mais fort utile en ces temps de silence radio total sur le blog. Et puis c'est pour une bonne cause puisqu'il s'agit de défendre une bonne BD. Alors si le texte ci-dessous vous a donné envie, venez à la librairie découvrir en main propre l'anthologie des Crumb et Pekar. Vous ne le regretterez pas.

Harv'n Bob.Traduit de l’anglais par Jean-Pierre Mercier et Jean-Paul Jennequin. Editions Cornélius, 128 pages, 21 €.

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Harvey Pekar décédait au début de l’été, une œuvre de bande dessinée en legs. Singulières par leur forme, obsessionnelles par leurs thèmes, ses confessions autobiographiques soulevaient, derrière leur caractère anecdotique, inlassablement la même question : Pourquoi écrire sur soi ? Les raisons abondent, à l’évidence. Coucher sa vie sur papier relève pour les uns de l’exhibitionnisme, pour les autres du désir de dresser un bilan ; quelquefois, il s’agit de témoigner de l’horreur, à d’autres moments de graver dans le marbre un instant précieux. Mais qu’importe finalement ces motifs à la surface, l’autobiographe saisit, en définitive, toujours la plume pour se réapproprier l’image qu’il a de lui-même. Or curieusement pas Harvey Pekar. Cas rare, Pekar n’eut de cesse de recourir à l’écriture autobiographique pour offrir son égocentrisme en pâture à des dessinateurs chaque fois différents. Et rien que pour ça, pour ce masochisme étrange qui consista, chez cet autobiographe, à mettre en scène l’abandon de l’objet le plus cher, l’abandon de sa propre image, la série des American Splendor mérite que l’on s’y attarde sérieusement.

Dans ce recueil plus particulier titré Harv'n Bob, les éditions Cornélius ont compilé les planches autobiographiques enluminées uniquement par le célèbre Robert Crumb, ami de toujours, à l’origine de la vocation d’auteur de bande dessinée de Pekar. Le recueil est ainsi très représentatif des premières années d'écriture. Pekar s’y dépeint obsessionnel, anxieux et dépressif, collectionneur de disques de jazz, à la recherche de bons plans pour gratter quelques dollars… En termes de mise en scène, il accentue le caractère anecdotique des évènements qu'il confesse pour mieux en cacher la profondeur identitaire -plus tard, un cancer changera la donne. C'est également l'époque où il s’amuse des codes autobiographiques, comme dans cette suite de réflexions comiques, sur les Harvey Pekar homonymes découverts dans le bottin, qui interroge en filigrane son individualité, l’unicité de son être (de « la pureté du nom » parle-t-il à un moment). Seul un bémol, peut être, entache l’édition : ce qui constitue pour les amoureux du dessin de Robert Crumb un avantage, à savoir une intégrale des récits auparavant éclatés, pourra mécontenter les amateurs d’Harvey Pekar, qui depuis si longtemps ont l’habitude de voir la silhouette de leur héros passer de mains en mains pour mieux se faire maltraiter. Les profanes, quant à eux, ne peuvent rêver meilleure porte d’entrée dans cet univers, son écriture aux variations nombreuses, par nature inventive, fondatrice dans l’histoire de la bande dessinée underground américaine.

 
Victor de la Fuente (1927-2010)
 

"Mon maître, mon père, c'est Harold Foster avec son Tarzan et ausi Prince Valiant. Ensuite il y a eu José Luis Salinas qui a été déterminant dans mon choix pour la BD. (...) Il y a aussi les dessins des jeunes amateurs qui m'apprennent beaucoup de choses. Quand un jeune me montre ses dessins, j'en fais la critique et je trouve aussi des choses qui me sont utiles, je trouve parfois que ces jeunes ont une spontanéité que nous, les professionnels, avons perdu."

Extrait d'un entretien avec Henri Filippini dans le Schtroumpf fanzine n°23 (octobre 1978).

Dans nos archives :

• 4 août 2007 :

Victor de la Fuente : les maîtres du pinceau

• 12 août 2007 :

Victor de la Fuente : un peu d'archéologie