Publications dans BD européenne
MAURO VACHES, MAURO CONDÉS (c'est pas moi CAL'DI, c'est la chanson)
 

Est-ce fait exprès? me demande-t-elle. Je n'en sais trop rien, mais il est vrai que l'effet est subtilement saisissant. Je ne parle pas de cette demoiselle larmoyante à gauche mais plutôt du drôle de raccord entre la couverture de la dernière aventure de Mauro Caldi et celle de la première intégrale. Coïncidence ou réflexion philosophique? Ça pourrait donner matière à penser. Avant internet, vous auriez du devenir ami avec un heureux possesseur de tout la série (et des intégrales) qui aurait soudainement décidé de les mettre tous en vitrine à la suite pour visualiser ça. Fort heureusement, nous sommes vos amis.

Je ne connais pas bien la série donc ne me fendrai ni d'une diatribe ni d'une apologie -ni de quoi que ce soit d'un peu moins manichéen- et me contenterai de vous dire que vous pourriez retrouver malicieusement côte-à-côte en rayon rue serpente :

la totalité de la série (6T) chez Alpen publishers pour 45€oul'intégrale volume 1 des humano, qui comprend les trois premières aventures, pour 15€.(je ne sais pas pourquoi cette ligne est en tout petit, je n'arrive pas à modifier cet état de fait. Je vous assure que ce n'est pas du tout car je souhaite au plus profond de moi vous voir acheter toute la série d'une traite.).

 
LE BAVARD de BACILIERO
 

Le protagoniste principal du Bavard est un loser affligeant dont la zigounette se met soudainement à parler. Comme si ça ne suffisait pas, ladite quéquette est un c*nnard fini.

Voilà. Une intrigue pareille suffit à illuminer ma journée. Qu'il est beau le produit de l'imagination humaine.

À dire vrai, je suis pleinement convaincu qu'un jonc parlant -ou à qui on parle- est apparu à un moment quelconque (adolescence, soirée ivre, ennui total aux toilettes le matin...)  dans les délires amusés d'une grande partie de la masculinité mondiale. Il fallait bien dès lors propager le concept dans nos principaux médias d'expression. D'ailleurs certains sites d'information décrivent le sexe qui parle comme l'un des films pornographiques français les plus connus. Nous nous éloignons toutefois de la bistouquette pour aller visiter le coté d'en face.

Paolo Baciliero (ou Bacilieri selon bedetheque.com et les couvertures de ses ouvrages suivant) dessine bien. Il a même eu le droit à un album chez Mosquito, c'est dire. La tête de nœud du... et bien du nœud en question, justement, est  tordante.

Comment passer la barrière rebutante d'un abject zgegue difforme proférant des insanités? Étonnamment, de nombreuses façons qui emmèneront le personnage principal de Zob en Scylla. Attendez vous à pas mal de gros plans péniens, d'onomatopées pressantes (il y a un magnifique TPUMFTH en début d'album) et de cochoncetés verbales qui formeront un mélange tout à fait cocasse.

Le Bavard, Baciliero, Albin Michel (l'écho des savanes),  1988, 6€ 

 
WOLVIVA LA VIDA
 
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Quelques tomes du one-shot Wolverine : Saudade viennent former une petite pile rue serpente. On peut reprocher deux trois choses à ce récit de Morvan et Buchet mais sûrement pas leur compréhension du personnage qui découpe à tout va dans des élans bestiaux mémorables, qui pèle le bras de ses ennemis avant de réinsérer ses propres tendons dans son corps et qui, tout simplement, fait preuve de sa retenue habituelle.

 
VAMPIRE QUE ÇA TU MEURS.
 

 Vampires est une série de deux albums qui recueille de nombreuses histoires courtes sur le thème -assez évidement- des vampires. S'intercalent entre ces histoires des illustrations exclusives souvent assez marquantes.

En introduction du premier volume une histoire étonnante de Joann Sfar qui appuie très fort sur la grosse parodie américaine. Elle est plutôt réussie et fera pouffer les amateurs éclairés de Batman mais ne donne pas du tout le ton du panel. En conclusion du second volume une histoire peinte de Fabrice Neaud qui ne fait comme à son habitude pas dans la dentelle quand il s'agit de dépeindre la pulsion homosexuelle mais la mélange avec finesse au récit vampirique malgré un choix narratif très... frontal. Entre les deux: une majorité de récits surprenants (ça n'est jamais vraiment gagné dans un recueil) et si les auteurs n'ont pas la possibilité d'opérer de grands chambardements du mythe, ils prennent efficacement le parti d'en jouer en arrivant à le travestir avec inventivité.  Tels les auteurs d'un Eerie moderne, les participants à ces deux ouvrages collectifs mettent l'accent sur le détournement et le twist final. Lorsque l'histoire n'est pas une parodie c'est un pastiche et nombre des récits de la série ne manquent pas d'humour.

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   Si nous devions citer tous les auteurs prestigieux qui apparaissent au détour de chaque page, vous seriez vite noyés. [1]Selon mes petites préférences je pourrais choisir de mettre en avant la belle illustration de Mike Mignola ou l'histoire méta-vampirique un peu balbutiante mettant en scène une chasseuse de suceurs de sang qui, à cause d'un quelconque Dracula, loupe son casting pour jouer... Buffy la chasseuse de vampire. Pour le reste, à vous de le découvrir rue serpente.

Vampires, 2t, éditions Carabas, 2001 et 2002, épuisé, 25€

Si toutefois vous restez attaché au vampire romantique ou que par  un hasard incroyable vous sortez comme moi d'une séance de Only lovers left alive, vous préférerez vous pencher sur les deux tomes de la série Blood qui fera surement l'objet d'un article plus tard mais que vous pourrez trouver en attendant rue serpente.

[1] Lauffray, Talbot, LLoyd, Bacchalo, Mignola, Edwards, Springer, Sevestre, Yoann, Sfar, Alice, Wendling, Gianni, Pion, Caza, Recht, Parel, Marazano, Neaud, Wendling à nouveau, Hubert, Duprat, Morvan, Buchet, Moynot, Chabouté, Bengal, Carré, Rossi, Lacroix, Johanna, Macé, Tarquin, Delmas, Druillet, Recht again, Labiano, Vervisch. On vous avait prévenu.

 
1994 : LA FIN DES TEMPS !!!
 

Sirius... Voilà un pseudonyme qui sonne comme une invitation au voyage intersidéral ou comme un nom de prophète, voir de thaumaturge.

On imagine qu'il s'agit a priori d'un disciple de Nostradamus, de Cagliostro ou de Copernic,  et non pas d'un auteur de bandes dessinées. Cette signature énigmatique – celle en réalité de Max Mayeu – fut pourtant apposée sur quelques séries mémorables, notamment sur L'Épervier bleu,  Pemberton et l’édifiante saga des Timour.Les Timour... Mais c'est quoi au juste les "Timour" ?

Hé bien ami aaapoumien, il s'agit d'une série très originale en trente deux albums, qui remonte le cours de l'histoire à travers les aventures d'une famille. L'odyssée commence avec La tribu de l'Homme rouge  ("La Horde de Timour" et "Le Grand feu des Timour"-  dans Tintin de 1953 à 1954) pour se conclure quelques millénaires plus tard avec Le fouet d'Arafura.

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Mais en 1994 sort un ultime album comprenant de courtes histoires (dont la dernière restera inachevée) : il s'agit de La fin des temps. Avec Les traîneurs de sabre et Le fouet d'Arafura, cet album fait parti du trio infernal pour tout collectionneur et inconditionnel des Timour. Infernal parce que rare, et rare parce que tiré à un nombre d'exemplaire réduit.

Aaapoum Dante dispose d'un exemplaire en parfait état de La fin des temps. Nous avions aussi il y a peu, Les traîneurs de sabre mais notre spécimen a trouvé preneur avant que nous n'éditions cette brève.

La fin des temps par Sirius (1994)48 pages couleurs,Éditions Dupuis,Prix Aaapoum : 80 euros (état TBE).

 
LES ARCHIVES DE BD Trésor n°2 : GENNAUX et FORTON
 

Après un premier numéro sur Remacle, Les archives de BDTrésor (éditions De Varly en lien avec le site BD Trésor) continuent leur travail de mise en lumière des artistes méconnus de la BD franco-belge. Ce numéro met à l'honneur le travail de Serge Gennaux. Surtout connu pour L'homme aux phylactères et ses planches expérimentales, explorant les propriétés du médium, ce pré-oubapien belge se confie sur une vingtaine de pages. Christian Jasmes le fait parler de ses débuts, de son passage dans l'atelier de Tillieux, de son travail sur les Télé-graphistes, série illustrée par Jamic caricaturant la télévision belge d'alors... Un dossier abondamment illustré (ce qui ne veut pas dire vide) qui permet d'en apprendre un peu plus sur les coulisses du Journal de Spirou et sur des auteurs peu familiers des lecteurs français.

Ce numéro est complété par un article sur les Tintins antérieurs à celui de Hergé : le Tintin-Lutin de Benjamin Rabier et le Tintin des éditions Offensdadt, un gamin facétieux qui fut pas mal utilisé par Louis Forton, la figure totémique des éditions De Varly. Une vingtaine de planches de Forton complètent d'ailleurs l'article.

Pour finir vous trouverez un texte de Sergio Slama sur l'état du marché de la BD et un article de Georges Fernandes sur la censure dans Lucky Luke, intéressant mais qui mériterait d'être creusé. Si la fin du Lucky Luke T.6 : Hors-la-loi est différente dans sa version dans la collection Gag de Poche, peut-on avancer que cette dernière est la version initiale, le Gag de Poche n°24 étant paru en 1964 et l'album en 1954 (parution dans le journal de 1951 à 1952) ? La version Gag de poche reprend l'idée initiale des auteurs, refusée alors par crainte de la censure, mais elle reste toutefois postérieure, sauf si Morris a précisément remonté la planche de 1952 pour la version de 1964... Quelqu'un a les originaux pour vérifier ? Quoi qu'il en soit, il est très intéressant de constater que plus de dix ans après, cette affaire de censure n'avait toujours pas été digérée par le créateur de Lucky Luke. Il faut dire que l'air du temps soufflait alors à un certain cynisme sur les terres du western, avec la sortie de Pour une poignée de dollars de Sergio Leone en Italie. Sur ce sujet, voir aussi sur le site BD oubliées.

Ces secondes Archives de BD Trésor sont naturellement disponibles chez Aaapoum Bapoum, dans la limites des stocks disponibles (assez faibles), son prix est de 10 €. 62 pages, broché. Code EAN : 9782822800273. Si vous voulez les acheter par correspondance, autant aller directement sur la boutique de BD Trésor.

 
GASTON 8 : QUELLE EST L'EO ?
 

Voici pour mémoire et pour le bon usage des collectionneurs une trouvaille qu'a faite mon collègue Anton. Alors que nous rangions le rayon Franquin de la rue Dante, Anton remarqua qu'il y avait deux quatrièmes plats différents pour ce que nous avions identifiés comme deux éditions originales du huitième recueil de gags de Gaston, Lagaffe nous gâte.

J'ai fait part de mes remarques et inquiétudes sur le forum BDgest il y a peu, mais je n'ai pas pour l'instant obtenu de réponses satisfaisantes.  Aucune des deux éditions ne porte la mention de l'existence de Du Glucose pour Noémie dans le catalogue des pages intérieures. Pour le BDM, l'absence de cette mention suffit à identifier l'édition originale. Force est de constater que nous avons ici deux éditions qui semblent dater de la même époque et qui ont des maquettes différentes, comme vous pouvez le vérifier sur la photo suivante.

Gaston 8 EO DL

Gaston 8 EO DL

Gaston 8 EO pages de gardes

Gaston 8 EO pages de gardes

Autre différence notable : la couleur des pages de gardes.

Toutes les deux sont imprimées en Belgique, marqués 1970. Celle qui est en haut sur les photos précise les centres de diffusion pour la Belgique et la Hollande en plus du site français du Boulevard Saint Germain à Paris, ce qui pourrait laisser penser qu'un tirage était plus précisément destiné à la France tandis que l'autre aurait plutôt été orienté vers le nord... Mais rien n'est sûr. Voilà, toute précision ou idée est bonne à prendre, n'hésitez pas à nous écrire. En tous cas nous avons actuellement ces deux "éditions originales" à vendre, pas dans des états rutilants, mais corrects tout de même.

 
LECTURES DE VACANCES
 

En vacances, on peut lire, c'est merveilleux.

Les Tuniques Bleues n°57 : Colorado Story de Lambil et Cauvin, DupuisC'est fou, la précédente fois que j'ai lu un Tuniques Bleues, c'était le n°53. Tu as à peine le temps de te retourner, d'installer deux trois étagères, et voilà que Lambil et Cauvin ont déjà pondu quatre albums. Je ne me rappelle plus du tout du contenu de Sang bleu chez les bleus mais je me souviens de m'être fait la réflexion que le dessin de Lambil n'avait pas bougé. Quatre ans plus tard on ne peut plus dire la même chose. Une grosse fatigue s'est abattu sur le vieil artisan et ici chaque vignette semble être un agrandissement d'un morceau de case du temps passé : trait un peu bancal, gras, composition malhabile, absence de détails, impression de vide. L'album se lit cependant sans difficulté et on le referme avec l'impression qu'il ne s'est pas passé grand chose. Longtemps annoncée, l'aventure n'arrive jamais. Ce n'est pas forcément un mal puisque des aventures, les deux bas-gradés fédérés en ont déjà vécues pas mal.Cette quasi-absence d'action et de rebondissements me laisse assez rêveur.

S'il n'y avait cette fameuse péremption des corps vivants, on pourrait imaginer que Lambil et Cauvin continuent ainsi pendant des siècles. Et qu'à chaque tome, insidieusement les deux compères se décalent progressivement et de manière quasi imperceptible du schéma initial. Spéculons : au 25e siècle, Cornélius Chesterfield et Blutch passeront des albums entiers à ne presque rien faire, cantonnés dans un fort. À la page 7 ils se lèveront pour aller saluer le drapeau "— Debout ! bête feignasse !", "— Je vois briller une telle exaltation dans votre œil bovin que je vous cède le passage avec plaisir, Sergent". Page 26 ils se rendront à la cantine : "— Alors Cornélius, vous n'avez pas faim ? Vous rêvez encore à Miss Applet..." scrognnntudju.

Ainsi petit à petit, les anti-héros de la guerre auront glissé dans un espace théâtral becketto-brechtien où le décor ira en s'effaçant, jusqu'à disparaître dans un nuage cotonneux. Réduits à l'état de spectres bégayants ils se rendront parfois compte qu'ils sont morts depuis longtemps. Ils se disputeront alors pour savoir depuis quelle aventure ils sont décédés, depuis quel moment a démarré ce changement d'état ?

Scalped tome 9 :  À couteaux tirés de Aaron et Guéra, Urban comicsJ'ai bien essayé de le faire durer celui-là, sachant que le tome 10, à sortir en février, serait le dernier de ce magnifique feuilleton. Aussi je me suis souvent arrêté, à la fin de chaque chapitre, je prenais le journal, j'allais jouer aux petites voitures, mais rien à faire, j'ai fini par le terminer. Excellent, sauf un chapitre assez inutile en début de recueil, correspondant au n°50 des fascicules originaux. Quand ils arrivent au 50e numéro, les étatsuniens se sentent obligés de fêter ça, alors ils invitent tout un tas d'artistes extérieurs à venir célébrer leur durabilité. Si la première partie de cet épisode 50, avec ses détails parfaitement horrifiques sur la technique du scalpage est très bien, si le choix d'Igor Kordey comme partenaire est assez naturel, les pleines pages signées par d'autres artistes (dont Jordi Bernet et Steve Dillon) sont assez inutiles. Mais cessons de pleurnicher pour quelques planches : eussions nous attendu un long mois comme les lecteurs initiaux pour avoir la suite, que la grogne eût été justifiée, mais nous avons eu bien des pages pour être, non pas satisfaits, mais transportés avec bonheur et angoisse. Un tome extrêment dense en rebondissements et action. Trahisons, revirements, surprises... Le rythme s'accélère dans la réserve Lakota de Prairie Rose (!) et cette magistrale série approche de sa conclusion, qu'on présume noire tant tout ce qui nous a été donné de traverser était loin du Village dans les nuages. À mon avis cette série est ce que les États-Unis ont produit de mieux, avec Locke & Key, depuis une décennie.

Baby-sitters tome 1 de Hari Tokeino, GlénatOn change totalement de registre pour cette série cherchant à se placer sous le dogme du "mignon". Ryuchi, un ado bien élevé et bienveillant, et son tout petit frère Kotaro, ont perdu leurs parents dans un accident. Désormais ils sont l'un pour l'autre leur seule famille. Oui, la larme vous vient à l'œil... C'est le principe. Les grosses ficelles de l'émotion sont ici fortement agitées. Ryuchi est même victime d'injustices (plutôt mineures) récurrentes. Ce brave gars n'en veut jamais à ceux qui le bousculent, au contraire, ils les comprend. Ryuchi et Kotaro sont donc accueilli pas la directrice d'apparence acariâtre d'une université. Vous avez bien noté le "d'apparence". Elle confie à Ryutaro un emploi de surveillant dans la crèche sise au sein de l'établissement, la crèche qui accueille donc les bébés des professeurs et du personnel. Grand frère idéal et attentionné, Ryutaro est un excellent choix pour ce poste. Les bébés sont ici traités comme des créatures d'une espèce presque distincte de l'humanité. Supposés extrêmement mignons, ils sont aussi très chauds et volontaires et ils ne font pas beaucoup caca. Il est un peu trop tôt pour se faire une opinion tranchée sur cette série. C'est souvent un peu balourd, mais j'ai été parfois ému. Il faut dire que je pleure devant la Petite maison dans la prairie, moi.

Btooom! tome 11 de Junya Inoue, GlénatNouvelle rupture de registre, avec la suite de ce shonen-up bien sanglant. Forcément, quand tu n'as que des grenades pour te défendre contre d'autres tordus, ça change un peu de la bataille de polochons. Là aussi on s'approche bien de la conclusion, ou du moins d'un cap important dans le développement de l'histoire. Ryota continue à se débattre pour constituer une équipe afin de mener à bien son plan d'évasion de l'île, mais le Dr Daté est décidément une véritable ordure. Les enjeux tactiques sont toujours clairement exploités dans cette série B tout à fait lisible. Les motivations des méchants organisateurs sont un peu moins convaincantes, mais on ne blâmera pas l'auteur de tenter d'inclure son aventure insulaire dans un cadre géopolitique anticipatif plus large. D'ailleurs un shonen-up supervisé par le Monde diplo serait sans doute moins distrayant. Enfin, dans la mesure où voir des êtres humains déchiquetés par des bombes puisse vous distraire. L'auteur développe d'ailleurs un peu sa réflexion et sa mise en abyme du spectacle, faisant de Btooom ! une curiosité hésitant entre voyeurisme et moralisme et dévoilant Junya Inoue comme un lointain descendant de Sam Peckinpah.Bonne fin d'année 2014.

 
BLAKE & MORTIMER : L'ONDE SEPTIMUS
 

La couverture sans Philip ni Francis est réussie je trouve, même si elle dévoile carrément la surprise de l'intrigue. Les récitatifs de Dufaux sont bien inspirés, à la limite de l'excessif mais retombant tout de même du côté élégant de la tartine. Les vues de la rive droite de Londres sont bien agréables. L'encrage est légèrement plus clairet que la période Marque Jaune auquel l'album fait référence, mais il passe bien. Dufaux a réussi à obtenir de l'éditeur un 66 planches, ce qui lui a laissé le temps de développer son intrigue. Il prend le temps et on en a bien besoin.

À la première lecture je n'ai absolument rien compris. Ça part dans tous les sens, les pouvoirs de l'onde septimus sont totalement invraisemblables et injustifiables. À la seconde lecture, ça va mieux, on ne comprend toujours pas comment ça marche mais on s'en fout. Dufaux est parti loin dans l'irrationnel, Jacobs n'aurait pas osé, il aurait davantage soigné la justification scientifique, et l'ambiance aussi, mais bon, on sent que le scénariste aux 600 albums a fait le travail avec émotion et consciencieusement, et l'hommage est acceptable. La mise en scène de la partie la plus angoissante est cependant faiblarde (Aubin et Schréder ne sont donc pas Jacobs, sacré scoop !)... On partage peu la peur grandissante des personnages. Le final est un peu expédié mais laisse la place à une suite éventuelle pour un Dufaux convoquant Jacques Bergier, Wells et K. Dick.

Il y a une faute quelque part, un participe passé à la place d'un infinitif, mais je ne peux pas vous dire dans quelle page, car je viens de perdre mon exemplaire, sans doute l'ai-je mis par inadvertance dans le sac d'un client qui passait en caisse.

Blake et Mortimer T.22 : L'onde septimus de Jean Dufaux, Aubin et Schréder, EAN : 9782870971895, 15,25 €. Cet album n'est pas à vendre à AAAPOUM BAPOUM, mais vous pourrez le trouver en neuf dans la plupart des librairies de la Franco-belgie dans quelques jours.

 
PRISONNIER DES AMAZONES DE BORIS HURTEL CHEZ THE HOOCHIE COOCHIE
 

Un infirmier à domicile a une relation amoureuse avec une de ses patientes. Henri n'assume pas tout à fait et la relation capote. Il finit par en perdre son boulot. Improbablement il se retrouve en Amérique latine aux côtés d'une guérilla majoritairement constituée de femmes. Voilà, vite résumée, l'intrigue de ce petit pavé de Boris Hurtel récemment publié chez The Hoochie Coochie.

La première partie, qui expose le quotidien du héros, ses relations aux patients, sa fatigue croissante face au fait que ces derniers ne cessent de lui prêter des livres, est tout à fait passionnante et crédible, y compris et surtout cette irrésistible attraction, un peu auréolée de fantastique, pour Louise... qui est le sosie parfait d'une de ses ex. Toute cette introduction est à la fois inquiétante et drôle.

Je suis moins convaincu par la suite où Henri rejoint un pays imaginaire d'Amérique Latine (une tradition franco-belge plutôt déconnante) où une guérilla affronte le régime. C'est à la fois caricatural tout en semblant rester soucieux de parler de la réalité. Certains aspects relèvent de l'observation de l'humanité et de la société tandis que d'autres s'apparentent à de la bande dessinée d'aventure purement distractive. L'observation du machisme régnant souvent dans des mouvements révolutionnaires pourtant à vocation émancipatrice est assez pertinente, mais les péripéties sexuelles du personnage central sont assez prévisibles : évidemment il va avoir des relations avec des membres féminins de la guérilla, forcément cela va lui causer des problèmes en révélant une certaine hypocrisie générale. Mais au final il m'est difficile de dégager un parti pris dans tout ceci. De là à penser que l'auteur est à l'image de son héros, un peu perdu et sans plan d'ensemble, ni objectif autre que la distraction potache, il n'y a qu'un cheveu, que j'effleure. La dernière partie, avec le consul et l'indien Juan est à nouveau assez enthousiasmante, plus originale et plus rythmée. La veine satirique m'y semble plus assumée, ce qui permet de finir la lecture sur une note plus agréable pour un type qui comme moi aime savoir dans quoi il marche.

Six cases par planche : un style efficace.

Le dessin qui baigne dans l'influence de la gravure sur bois et refuse d'utiliser des pinceaux de moins d'un centimètre est parfaitement cohérent. L'expressivité de cette esthétique est parfois annihilée par son imprécision, si bien que les figures qui en émergent tendent vers le statut d'écrans sur lesquels chacun projette ce qu'il veut ou ce qu'il peut. Ainsi se crée une BD dont vous êtes le dessinateur, comme si un scénariste vous avait fait parvenir un scénario vaguement storyboardé, à l'instar de ce que peuvent faire Ferri ou Cortegianni. Le lecteur se retrouve dans la position du metteur en scène à la lecture d'une pièce de théâtre, ce qui est une expérience enrichissante.

Au final j'ai lu sans déplaisir cet ouvrage, mais il y plane quelque chose qui me dérange et j'ai bien conscience de ne pas être ici parvenu à mettre le doigt dessus. Vous avez l'occasion de vous faire une opinion car ce livre est à vendre, chez nous et ailleurs.

Prisonnier des Amazones de Boris Hurtel, éditions The Hoochie Coochie, 234 planches, 15 €, noir et blanc, EAN : 9782916049373PS : Notons que le sujet Femmes et Guérilla est également traité dans Tintin et les Picaros avec un constat inverse : le chef des guérilleros est dominé par sa femme (qui est tout de même une occidentale). Chez Boris Hurtel les femmes sont dominées par les hommes de la guérilla, avant de se rebeller, et l'occidental, porté par les événements, est dominé par tout le monde.